
Ali MacGraw, c’est un peu…La première Demi Moore. Une certaine similitude physique, certes, bien qu’Ali soit nettement plus élégante que Demi, ce qui n’est d’ailleurs pas bien difficile. Comme Demi, Ali MacGraw connaîtra une enfance « difficile », une véritable « explosion » planétaire, un mariage ultra médiatisé avec une superstar, un « dur à cuire » de l’écran, et quelques dépendances avant une disparition complète en bonne et due forme.
Retour sur une « Love Story », celle d’Ali MacGraw et du cinéma seventies.
Ali MacGraw naît le 1 Avril 1939 dans une famille d’artistes new-yorkais. Plus tard elle aura un frère, Dick. Les MacGraw ne sont pas pauvres. Frances et Richard MacGraw sont un peu fantasques, certes, un peu évaporés, mais ils sont malgré tout une famille avec « pignon sur rue ». D’ailleurs ils n’habitent pas New-York mais Pound Ridge, à la frontière de l’état du Connecticut. Les actrices Tallulah Bankhead, Jessica Tandy et plus tard Helen Barkin et Susan Sarandon ont d’ailleurs choisi de s’y installer. Les MacGraw purent ainsi voisiner suivant les époques avec Eartha Kitt, Eli Wallach, Christopher Reeves, Tim Robbins ou Richard Gere.
La maman d’Ali est styliste ce qui influencera plus tard sur la jeune destinée de sa fille. Même si pour l’instant elle se rêve, comme toutes les petites filles, danseuses étoile. De jolis rêves abîmés par un père alcoolique, facilement violent et qui n’hésite pas à distribuer quelques raclées maison, danseuse étoile ou pas!

La jeune Ali poursuivit d’aimables études dans les élégants collèges du Connecticut voisin. Elle décrocha un premier job d’étudiante comme assistante photographe, grâce aux relations de maman, chez Harper’s Bazaar qui n’est rien de moins que le plus prestigieux magazine de mode de tous les temps. Elle y fera la rencontre de la non moins illustre Diana Vreeland qui séduite par son style jeune fille bien dans ses fringues, dans sa peau et dans son mètre 77 la choisit comme assistante personnelle.
Lorsque Diana quitte Harper’s Bazaar en 1962 pour VOGUE, elle emmène Ali.
Il convient peut-être de faire ici une courte parenthèse à propos de Diana Vreeland. Miss Vreeland fut la première chroniqueuse qui fit régner la panique dans l’univers de la mode. La Louella Parson de la haute couture. D’un trait cinglant, d’une moue désabusée elle pouvait « couler » un couturier ou au contraire en faire une star. Despote éclairée à l’esprit aussi affûté que la langue, ceux qui la croisèrent se souviennent encore tétanisés des corrections qu’elle faisait d’un trait rageur rouge sur les textes qu’on lui proposait, parfois à l’encre, parfois au rouge à lèvres. Cette fantasque mondaine née à Paris et apparentée aux Rothschild reste une icône pour les amateurs de mode, de glamour et de camp! Elle est devenue à son tour un personnage de théâtre dont l’excellente Claire Nadeau croquera un portrait époustouflant et plus vrai que nature. En 1971, Diana Vreeland était congédiée par VOGUE pour avoir titré: « La Mode? Faites la vous-même! »

« Le bikini est une invention bien plus capitale que celle de la bombe atomique, par contre je ne connais rien de plus hideux que les chaussures de Joan Crawford! Cette femme s’obstine à porter des talons hauts avec des lanières aux chevilles. Ce que l’on dit d’elle doit être vrai: elle est folle! » « Avoir un nez horrible pour une femme? Quelle importance si elle est mince et qu’elle a une très belle voiture« Diana Vreeland avait découvert Lauren Bacall et looké Jacqueline Kennedy. Il est sidérant qu’avec un tel parrainage, Ali ait été considérée comme une des femmes les plus mal habillées de son temps. Un comble pour une actrice dont le style est aujourd’hui une des références absolues pour les jeunes femmes des années 2020!
Et si le style d’Ali était sujet à caution, ses manières, parfois sortaient de cadre conventionnel.
Devenue une des actrices les plus en vue de son époque un jour elle croise fortuitement Barbra Streisand dans le lobby d’un palace New-Yorkais. Ces deux-là en viennent aux insultes puis au mains pour s’achever dans un combat de catch mémorable devant les hôtes et le personnel éberlués. Barbra n’étant pas non plus d’une folle distinction, bien qu’avec l’oeil poché et la lèvre tuméfiée aura le dessus. « Cette MacGraw! Se permettre des réflexions sur ma vie privée alors qu’elle est toujours mariée à Robert Evans, qu’elle est avec Steve McQueen et qu’elle n’a pas rompu avec Ryan O’Neal, c’est un peu exagéré."

Mais revenons-en à la jeune Ali, assistante de Diana Vreeland chez VOGUE. Toujours fourrée dans les locaux du magazine, il était inévitable qu’elle passe devant l’objectif pour quelques éditos où elle fut un mannequin superbe. Chanel en tomba raide dingue et la fit venir IMMEDIATEMENT à Paris, ne pouvant plus décemment photographier un seul de ses tailleurs à boutons dorés si Ali n’était pas dedans! Mais finalement elle décréta qu’elle n’aimait pas ses narines et la renvoya chez Diana Vreeland!
De fil en aiguille, Ali fit quelques publicités télévisées et finit par débuter au cinéma dans « What a Lovely Way to Die » où elle affrontait Kirk Douglas et Eli Wallach. La vedette de la chose était la belle yougoslave Sylva Koscina alors « testée » par Hollywood.
Ali est encore aux tréfonds du générique. Mais dès son film suivant, elle va enchanter les foules et les critiques! En 1969 elle est la vedette de « Goodbye Colombus ». Une comédie un rien déjantée, mi nanar mi happening romantique et psychédélique. Ce n’est pas un chef d’œuvre, mais enfin, c’est un nouveau genre de cinéma qui colle parfaitement avec son époque.
Ali MacGraw, grande découverte 1969, année pourtant fertile en rebondissements de célébrités, reçoit le Golden Globe du « meilleur jeune espoir féminin » pour sa joyeuse prestation.. On peut évidemment s’éblouir d’une réussite aussi magnifiquement spectaculaire. Mais on oublie un peu vite qu’Ali MacGraw était devenue l’épouse de Robert Evans. Séduisant jeune homme qui était non seulement son mari mais vice-président d’un studio hollywoodien. Et pas n’importe lequel! La PARAMOUNT s’il vous plaît! Un studio qui prépare un film à petit budget mais qui va bouleverser la planète: « Love Story ».

Robert Stevens était d’ailleurs le second monsieur MacGraw. Ali avait épousé un étudiant durant ses études mais avait passé cette erreur en pertes et profits. La postérité fit de même. Le garçon reste sans nom.
Mais revenons à Love Story. Erich Segal avait écrit un scénario qu’il voulait confier au réalisateur Arthur Hiller. Mais cette histoire d’à peine quelques pages ne convainquit Hiller que très moyennement. Il proposa à Erich Segal d’en faire plutôt un roman. Un roman qui n’était guère plus épais mais qui sortit pour la Saint Valentin et qui fit exploser les ventes. Best seller en quelques jours, l’adaptation cinématographique coulait maintenant de source. Le film allait devenir un des plus énormes succès de tous les temps et devenir culte dès sa sortie.
Le film fit un tel triomphe que même la chanson titre fut le hit absolu de l’année. Francis Lai reçut l’Oscar pour la musique du film. Le seul que le film récolta. Tout le monde y alla de sa version. En réalité la chanson n’est pas écrite au moment de la sortie du film. C’est devant le succès planétaire de « Love Story » que l’on se dépêchera de plaquer des paroles sur le thème du film et confier le bébé à Andy Williams. Shirley Bassey allait se ruer dessus, avec Vikki Carr, Nana Mouskouri, Mireille Mathieu et une floppée d’autres. Qui n’a pas chanté « Where do I Begin »?

Je me souviens avoir vu ce film avec ma grand’mère adorée qui avait alors 63 ans. Elle avait tellement pleurniché en triturant son sac à main qu’elle l’avait complètement démoli. Mais en sortant du cinéma Varia, elle me fit cette remarque qui hante encore mes nuits « Comme c’est triste! mais cette histoire n’aurait pas duré, cette fille n’avait pas l’air franche! Tu as vu ses genoux? » Paradoxalement, les avis se rallièrent à celui de ma grand’mère Juliette qui était peut-être elle aussi une Diana Vreeland sans le savoir. C’est sur Ryan O’Neal que se fondaient tous les espoirs de succès. Le jeune acteur sortait d’un triomphe télévisé, « Peyton Place » où il avait été découvert en même temps que sa jeune partenaire Mia Farrow et le studio Paramount flairait la valeur sûre. Personne ne se prononçait encore à propos d’Ali MacGraw.
Le soir de l’avant première, après la projection du film, toute l’équipe offrit une réception au bar « Guid » sur Sunset Boulevard. Tout le monde se rua sur Ryan O’Neal plus embarrassé qu’autre chose devant cette foule qui n’était pas loin de scander « L’Oscar! L’Oscar! L’Oscar pour Ryan! » Jack Nicholson et Anthony Quinn, les yeux encore humides en vinrent presque aux mains pour être le premier à congratuler Ryan O’Neal, le nouveau « grand d’Hollywood ». Ali, souriant péniblement dans un coin passe un des moments les plus pénibles de sa vie. Les réactions sont mitigées à son égard »Trop froide » trop artificielle », « trop vieille », « elle minaude ». Personne non plus ne prit garde à un jeune comédien qui débutait dans le film: Tommy Lee Jones.

La revanche viendra quelques mois plus tard. Propulsée star planétaire, Ali MacGraw est nommée aux Oscar avec Ryan. Le film rafle sept nominations et seul Francis Lai comme je l’ai dit est couronné pour sa musique. John Wayne et Maggie Smith ont triomphé de Ryan et Ali.
Petite satisfaction personnelle pour Ali, Elle a reçu un golden globe pour sa performance, ce qui n’est pas le cas de Ryan O’Neal et la suite de « Love Story », « Oliver’s Story », où Candice Bergen succède à Ali ne connut strictement aucun succès.
Le temps de mouler les empreintes de ses divines extrémités dans le ciment, Ali, proclamée superstar vole vers son tournage suivant « The Getaway » avec l’icône Steve McQueen. Elle est flattée et elle peut.
C’est McQueen qui a EXIGE Ali pour incarner son épouse dans le film.
La belle Ali va tomber amoureuse de son partenaire. Le mari bafoué d’Ali va se lamenter dans les gazettes « Elle n’est rien sans moi, c’est moi qui l’ai faite! » rien n’y fit. Steve et Ali s’aimaient, attirés vers l’autre comme deux aimants…ou par le vide. Le père d’Ali buvait et flanquait des roustes. La mère de Steve était alcoolique et avait fini par le confier à dieu sait qui pour qu’on le refourgue à dieu sait qui d’autre jusqu’à ce qu’il atterrisse à l’armée. Pas bien longtemps d’ailleurs. Même là on ne réussira pas à le discipliner. Il n’y aura eu qu’à l’actor’s studio qu’il aura accepté d’écouter ce qu’on lui disait et se plier à une vague doctrine à défaut de discipline.

Steve McQueen avait un problème d’alcool et il faut le dire, une incapacité totale à contenir ses colères facilement violentes. Cet homme ivre et brutal ramène Ali MacGraw vers son schéma parental. Très vite elle encaisse aussi bien les coups que la vodka. On se tabasse on se déchire, on se trompe, on revient on s’aime et on se supplie chez les McQueen.
Ali ne tourne plus pour le cinéma, sa vie est ailleurs! Dans l’amour et le tumulte.
Hollywood avait déjà géré des stars bien plus instables comme Marilyn Monroe, Elizabeth Taylor, Ava Gardner ou Rita Hayworth mais ne fit paradoxalement rien pour retenir Ali MacGraw qui avait pourtant atteint les sommets en deux films. Elle n’était plus en odeur de sainteté chez Paramount et avec des talons, elle plafonnait à un mètre 87. Or tous les nouveaux durs d’Hollywood sont si petits qu’à côté d’elle ils ont l’air loin. Pas question de réunir à l’affiche Ali MacGraw avec Al Pacino, Robert de Niro, Dustin Hoffman ou Sylvester Stallone.
Tout le monde l’ignore encore, mais pour Ali MacGraw, la gloire s’éteint aussi vite qu’elle n’était apparue. Pour McQueen aussi, la quintessence de sa carrière sera derrière lui après leur divorce. Malgré « Papillon », malgré « La Tour Infernale », l’acteur qui mourra à cinquante ans signe avec son acte de divorce la fin de son apogée et entame son déclin accéléré encore par le cancer.

Ali MacGraw, plus solide que son personnage de « Love Story » va remonter la pente. Elle ne boit plus désormais et doit sa nouvelle vie et sa « rédemption » au YOGA dont elle deviendra une des chantres.
Elle tournera encore quelques films, des films de « durs », on n’a pas été madame McQueen impunément et on lui flanque Kris Kristofferson comme partenaire dans un film sur les routiers! A quelques années près, on lui fourguait Tom Cruise!
Le temps passa, de loin en loin un élan du coeur irrésistible ramenait Ali MacGraw devant les caméras et on la retrouva même dans « Dynasty ».
Mais hélas, les années 70 étaient terminées et ne revinrent jamais. Les « happy few » BCBG surgirent et tuèrent la liberté en échange d’amours de têtes couronnées, de séries Tv et d’actions en bourse!
Vivement qu’à nouveau les temps changent!
Aujourd’hui Ali est largement octogénaire et stupéfie le monde de sa sereine beauté. Et ce qui doit la stupéfier, elle c’est qu’aujourd’hui, son look qu’elle avait créé elle-même dans « Love Story » est devenu une référence absolue du style « sans faute ».
Celine Colassin.

QUE VOIR?
1968: What a Lovely Way to Die: Avec Sylva Koscina, Kirk Douglas et Eli Wallach
1969: Goodbye Colombus: Avec Richard Benjamin
1970: Love Story: Avec Ryan O’Neal, Ray Milland et Tommy Lee Jones
1972: The Getaway: Avec Steve McQueen
1978: Convoy: Avec Kris Kristofferson
1979: Players: Avec Dean Paul Martin
1985: Murder Elite: Avec Billie Whitelaw
1994: Natural Causes: Avec Janis Paige
1997: Glam: Avec Natasha Grayson Wagner et Valérie Kaprisky