Pour alimenter ces articles, depuis le tout premier, j’ai fouillé des tonnes d’archives et vu des centaines de films, contacté des retraitées, des oubliées du film ou leur famille. Ceci afin de retracer ces destins parfois éblouissants parfois funestes, mais qui toujours avaient laissé une petite trace fugace dans l’histoire du cinéma. Une larme, un sourire, un charme, un regret. Mais il en est sur qui je n’ai absolument rien trouvé de patent, rien qui me permette d’étoffer un article digne de ce nom. Et pourtant ces mystérieuses des écrans furent parfois de très grandes stars, et qui l’eût cru, tournèrent des tonnes de films pour les plus grands metteurs en scène de leur temps et face à des partenaires non moins prestigieux. Tel est la cas de l’incroyablement fantastique Dominique Davray.
Mais que sait-on de Dominique Davray?
Qu’elle naquit Marie-Louise Gournay par un frileux matin du 27 Janvier 1919, dans le sixième arrondissement d’un Paris fier de son armistice depuis seulement trois mois.
L’évènement natal ne sera guère relayé. Les parents de Marie Louise ne sont guère célèbres et Paris était le siège de la grande conférence de la Paix .Elle avait débuté seulement huit jours avant et elle allait s’éterniser jusqu’au mois d’Août de l’année suivante. Une guerre c’est triste quand ca commence et c’est compliqué quand ca s’achève.
Notre Marie-Louise se maria le 15 Décembre 1938 à un certain Lucien Létot. Elle était née après une guerre, elle se mariait avant la suivante. A l’époque notre héroïne est déjà une aspirante à la gloire mais elle devra attendre l’occupation pour débuter enfin au cinéma. Dans un court rôle que lui confie le cinéaste-marquis Jacques de Baroncelli dans l’ombre d’une très altière Edwige Feuillère en duchesse de Langeais. Balzac. Marquis et duchesse, que de beau monde!
Monsieur Létot n’apprécia il pas d’être l’époux d’une actrice, je l’ignore. Mais toujours est-il que le couple divorça, guerre ou pas, le 5 Juillet 1943. Marie-Louise devenue Dominique ne se remarierait pas.
Dorénavant elle aurait mieux à faire.
Elle allait devenir un de ces seconds rôles dont le cinéma français eut longtemps le secret et dont il ne pouvait guère se passer.
Dominique Davray dut malgré tout attendre l’avènement de la décennie suivante pour enfin se faire une place au soleil des sunlight nationaux.
Elle tourne en 1950 « Ma Pomme » avec Maurice Chevalier et Sophie Desmarets et « Le Passe-Muraille » face à Bourvil. Deux films qui resteront des fleurons du cinéma des années 50 et dont la popularité perdure aujourd’hui.
En 1952, elle ajoute à sa déjà prestigieuse couronne d’actrice un chef d’œuvre absolu qui connut pourtant un échec retentissant à sa sortie. Un comble pour un des plus beaux films jamais tournés;
Elle est la bonne copine de Simone Signoret, alias « Casque d’Or » dans le chef d’œuvre de Jacques Becker.
En deux ans, Dominique Davray s’affiche dans trois films piliers du patrimoine filmé français. Et ce n’est, qui l’aurait cru, qu’un début. Sa gouaille et son autorité font mouche et elle fait de chacune des répliques qu’on lui confie un petit régal d’humour. Sa corpulence de rondelette l’éloigne des rôles de grande duchesses et de douairières revêches. Mais elle n’est jamais aussi sensationnelle qu’en patronne de bistrot ou en maquerelle de maison close. Inutile donc de préciser qu’elle ne sera jamais à l’écran la tendre amoureuse de Gérard Philipe, mais mettez-la donc face à Jean Gabin, à Louis de Funès et surtout face à Bernard Blier et vous saurez ce qu’être « actrice » veut dire.
Dominique Davray est non seulement sensationnelle, elle est à couper le souffle. Même si son personnage dans un film ne justifie qu’un seul jour de travail, peu importe elle sera excellente et surtout, elle aura cette particularité de ne jamais se contenter de venir faire « son numero » comme le font d’autres seconds rôles tels que Pauline Carton ou Jean Lefèbvre.
Non. Dominique fait partie intégrante de l’action, elle n’est pas une « guest » et elle ne joue pas dans « Mélodie en sous sol » comme dans « Les Bons Vivants ». Elle est une actrice, pas une curiosité et une attraction encore moins! Même si, avouons le, il lui est déjà arrivé de venir faire « un petit numero » et repartir aussitôt.
Ainsi dans « La tête du client », elle est la cliente envisonnée du chirurgien esthétique Jean Richard qu’elle consulte parce qu’elle n’est pas tout à fait sûre de la perfection de se oreilles! Les plus grands réalisateurs ne s’y trompent pas.
Jean Delannoy la fait tourner autant que Michèle Morgan et elle sera sollicitée par Anatole Litvak, Joshua Logan et Alfred Hitchcock soi-même!
Chapeau bas, madame Davray!
La liste des metteurs en scène qui ont fait appel à son talent est aussi éclectique que prestigieuse puisque s’ajoutent aux noms déjà cités ceux de Gérard Oury, Jean-Paul Le Chanois, André Cayatte, Henri-Georges Clouzot, Pierre Granier-Deferre, Agnès Varda, Marcel Carné, Julien Duvivier, George Lautner, Henri Verneuil, Jean-Claude Brialy et tant d’autres.
Et vous aussi qui lisez ces lignes, vous connaissez et aimez Dominique Davray.
Souvenez vous de ceci: « Qu’est-ce que vous avez dit? Vous savez très bien ce que vous avez dit! Vous avez dit : »Elle est forte celle-là! » Soyez correct! Soyez correct! » Et oui, bien entendu, c’est Dominique Davray la « religieuse un peu forte » des Gendarmes qui terrorise Louis de Funès. Elle sera d’ailleurs son épouse hilare dans « Le Tatoué »
Le temps passant, de nouveaux cinéastes feront appel à elle.
C’est Dominique encore qui ouvre le bal dans « Les Valseuses » de Bertrand Blier. Souvenez-vous de la séquence d’ouverture du film où une grosse dame portant des gâteaux est poursuivie par Depardieu poussant Dewaere assis dans un caddy de supermarché en l’appelant Ursula! C’était bien là Dominique.
C’est Robert Hossein qui le dernier aura la chance de la faire travailler dans ses « Misérables » en 1982. Dominique se retire alors et décède fort discrètement 16 ans plus tard, le 16 Août 1998 à Paris. Elle avait 79 ans.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1942: La Duchesse de Langeais: Avec Edwige Feuillère.
1948: Le Diable Boiteux: Avec Sacha Guitry et Lana Marconi
1948: Le Secret de Monte Cristo: Avec Madeleine Lebeau, Pierre Brasseur et Marcelle Derrien
1950: Ma Pomme: Avec Maurice Chevalier et Sophie Desmarets
1950: Le Passe-Muraille: Avec Bourvil et Joan Greenwood
1951: Identité Judiciaire: Avec Odette Barencey, Jean Debucourt, Dora Doll et Danielle Godet
1952: Casque d’Or: Avec Simone Signoret
1954: Touchez pas au Grisbi: Avec Jean Gabin
1954: La Rage au Corps: Avec Françoise Arnoul et Philippe Lemaire
1954: Papa, Maman, la Bonne et Moi: Avec Gaby Morlay, Robert Lamoureux et Nicole Courcel
1955: La Main au Collet: Avec Grace Kelly et Cary Grant
1955: Méfiez-vous Fillettes: Avec Antonella Lualdi et Robert Hossein
1955: Pas de souris dans le business: Avec Geneviève Kervine, Howard Vernon et Dora Doll
1956: Marie-Antoinette, Reine de France: Avec Michèle Morgan
1957: Méfiez-Vous Fillettes: Avec Antonella Lualdi et Robert Hossein
1957: Les Espions: Avec Curd Jurgens et Vera Clouzot
1958: Maigret Tend un Piège: Avec Annie Girardot et Jean Gabin
1958: Prisons de femmes: Avec Danièle Delorme
1959: Guinguette: Avec Zizi Jeanmaire, Jean-Claude Pascal et Paul Meurisse
1960: La Main Chaude: Avec Macha Méril, Jacques Charrier et Franca Betoja
1961: Par Dessus le Mur: Avec Silvia Monfort
1961: Fanny: Avec Leslie Caron et Maurice Chevalier
1962: Cartouche: Avec Claudia Cardinale et Jean-Paul Belmondo
1962: Le Bateau d’Emile: Avec Annie Girardot et Pierre Brasseur
1962: Cléo de 5 à 7: Avec Corinne Marchand
1962: Comment réussir en amour: Avec Dany Saval et Jean Poiret
1963: Du Mouron pour les Petits Oiseaux: Avec Dany Saval, Suzy Delair et Paul Meurisse
1963: Mélodie en Sous-Sol: Avec Jean Gabin
1963: Les Tontons Flingueurs: Avec Lino Ventura et Bernard Blier
1964: Coplan prend des Risques: Avec Virna Lisi et Dominique Paturel
1965: La Tête du Client: Avec Jean Richard
1965: Cent Briques et des Tuiles: Avec Marie Laforêt et Jean-Claude Brialy
1965: Piège pour Cendrillon: Avec Dany Carrel et Madeleine Robinson
1965: Les Bons Vivants: Avec Bernard Blier
1965: Paris au Mois d’Août: Avec Leslie Caron et Alain Delon
1967: Les Grandes Vacances: Avec Louis de Funès
1968: Le Tatoué: Avec Louis de Funès
1968: Le Gendarme se Marie: Avec Louis de Funès
1968: A Flea in her Ear (la puce à l’Oreille): Avec Rachel Roberts, Rex Harrisson et Louis Jourdan
1972: Eglantine: Avec Valentine Tessier et Odile Versois
1973: Les Volets Clos: Avec Marie Bell, Catherine Rouvel et Jacques Charrier
1974: Les Valseuses: Avec Gérard Depardieu et Patrick Dewaere
1976: Calmos: Avec Marthe Villalonga et Dominique Lavanant
1976: L’Aile ou la Cuisse: Avec Louis de Funès et Coluche
1976: Le Trouble Fesses: Avec Bernadette Lafont, Anicée Alvina et Michel Galabru
1976: Le Chasseur de chez Maxim’s: Avec Marie Hélène Breillat et Michel Galabru
1977: Le Gang: Avec Alain Delon
1979: Nous Maigrirons Ensemble: Avec Catherine Alric et Peter Ustinov.
1982: Les Misérables: Avec Lino Ventura, Jean Carmet et Evelyn Bouix.