
C’est à Lille, le 2 septembre 1938 que vient au monde une certaine Jany Guillaume, future Jany Clair. Ce ravissant minois surgit sur les écrans de la fin des années 50 en même temps qu’une nouvelle génération de comédiennes dont Michèle Mercier, Pascale Petit et quelques autres mignonnes dont Mylène Demongeot qui perce enfin.
Jany connaît son baptême du feu sous la direction de Jean Boyer dans un film de série B. Un film de commande, probablement. Il s’agit de faire une chef de gang de la chanteuse Line Renaud. Pas question de se pâmer dans les bras d’un Gérard Philipe ou d’un Henri Vidal, ces messieurs, vedettes du film qui parrainent ses débuts sont Noël Roquevert et Philippe Nicaud. Plus tard elle aura affaire à Dario Moreno et Philippe Clay.
Son film suivant, « Donnez-moi ma chance » la plaçait cette fois sous la direction de Léonide Moguy, réputé grand découvreur de talents aux juvéniles minois depuis qu’il avait fait une star internationale d’Anna-Maria Pierangeli. Malheureusement, Moguy se montrera nettement plus intéressé par Michèle Mercier et Nadine Tallier que par Jany. Une autre « future vedette » allait rester dans les coins sombres du film: Françoise Brion.

Malgré ses débuts un peu laborieux, faute de se faire une place au soleil, Jany tourne et tourne même beaucoup. Même si son rôle de petite boniche dans "Montparnasse 19" est encore insignifiant, c’est quand même un film de Jacques Becker avec Gérard Philipe. Ce n’est pas rien dans une jeune carrière. Elle va d’ailleurs enchaîner avec un petit jeune encore inconnu, un certain Georges Lautner.
Comme Michèle Mercier et Mylène Demongeot, Jany reçoit d’Italie des propositions nettement plus alléchantes que ce qu’on lui propose en France. La belle boucle donc son bagage léger pour gagner Cinecitta et de plus grands rôles mieux payés. Hélas dans des films…qui ne seront jamais « Montparnasse 19″ ni même « Donnez-moi ma chance ». Mais enfin, à elle les têtes d’affiche, les péplums et les films de science fiction à hurler de rire.
Un cinéphile averti vous dira qu’elle aurait probablement mieux fait de rester en France à jouer les boniches en attendant que Chabrol ou Truffaut ne l’appelle. Je dirai moi, que péplum ou pas, Jany Clair a rudement bien fait de s’exiler en Italie. Ses films qui ne briguent ni la Mostra de Venise ni les louanges des cahiers du cinéma remplissent les salles bien mieux que « Les bonnes femmes » et Jany est devenue non pas une égérie de génie mai une actrice commerciale qui tourne et vit de son métier.

Elle a gagné une réputation qui lui permet de revenir tourner régulièrement en France et devenir ainsi une vedette internationale même si elle restera une des grandes spécialistes du péplum de série B. D’ailleurs, ce n’est pas parce que l’on est une actrice de films commerciaux que ces messieurs de la nouvelle vague font la fine bouche trop longtemps. C’est faute de moyens que l’on ne fait pas tourner Brigitte Bardot ou Michèle Morgan tout de suite.
Mais pour Jany, c’est un autre obstacle qui va freiner sa carrière. Elle mène une liaison très soutenue avec Raoul André. Outre que Raoul André a 22 ans de plus qu’elle, il est loin d’être un Apollon et il est surtout très marié et très père de famille. Son épouse est la charmante Louise Carletti qui a mis sa carrière d’authentique vedette en veilleuse pour lui. Jany devient son égérie et il la fait volontiers tourner. Malheureusement, Raoul André est au génie cinématographique ce que le choux vert est à la pièce montée. Sans tact aucun il dirige la belle Jany dans des films sans âme ni intérêt et lui fait partager, tant qu’il y est, l’affiche avec son épouse légitime.
Mais le pire pour Jany étant sans doute que Raoul André dont le cinéma laisse quand même à désirer qu’il est un des plus virulents détracteurs de la nouvelle vague dont il affuble tous les membres de noms d’oiseaux très choisis. Ca ne risquait pas de mettre la belle Jany Clair dans leurs petits cahiers. Ils ne la méprisèrent pas comme ils méprisèrent Dany Carrel ou Claudine Dupuis. Ils l’ignorèrent. Superbement. La laissant à ses Hercule et ses Maciste. Tant pis pour eux.

Le cinéma de papy cher à l’art de Raoul André passa définitivement de mode. Le péplum aussi. Le cinéma italien populaire allait bientôt sombrer dans la gaudriole aguichante peuplée de bidasses décérébrés et d’infirmières nymphomanes à gros seins. Jany Clair avait passé l’âge et quand on a tourné dans un film de Gérard Philipe, même un bout de rôle, on n’a rien à aller faire dans « l’infirmière a chaud aux fesses »
Jany Clair se retira. Superbement car définitivement.
Celine Colassin

QUE VOIR?
1957: Mademoiselle et son gang: Avec Line Renaud et Noël Roquevert
1957: Donnez-moi ma chance: Avec Michèle Mercier et Nadine Tallier
1958: Les amants de Montparnasse: Avec Gerard Philipe et Lilli Palmer
1958: La môme aux boutons: Avec Irène Hilda
1959: Bal de nuit: Avec Pascale Audret et Sophie Daumier
1959: Le travail c’est la liberté: Avec Raymond Devos et Sami Frey
1959: Le legioni di Cleopatra: Avec Linda Cristal et Georges Marchal
1960: Touchez pas aux blondes: Avec Philippe Clay et Anne Carrère
1960: Les nuits de Raspoutine : Avec Gianna Maria Canale, Edmund Purdom et John Drew Barrymore
1960: Pierrot la tendresse: Avec Dany Saval, Michel Simon et Pierre Brasseur
1962: I pianeti contro di noi: Avec Michel Lemoine
1962: Le petit garçon de l’ascenseur: Avec Mireille Négre, Marcel Dalio et Sylvia Sorrente
1962: Anno 79: La distruzione di Ercolano: Avec Mara Lane et Brad Harris
1963: Mafia alla sbarra: Avec Massimo Girotti
1963: Ercole contro Moloch: Avec Gordon Scott et Rosalba Neri
1964: Maciste e la regina di Samar: Avec Alan Steel
1964: La strada per Forte Alamo: Avec Ken Clark
1964: Agent Secret FX 18: Avec Ken Clark
1965: Les mordus de Paris: Avec Jean Richard
1965: Ces dames s’en mêlent: Avec Eddie Constantine et Patricia Viterbo
1965: Coplan FX 18 casse tout: Avec Richard Wyler et Robert Manuel
1965: Mission spéciale a Caracas : Avec Roland Carey et Louise Carletti