KATHLEEN BYRON
- Céline Colassin
- 30 mars
- 5 min de lecture

Dire de la belle Kathleen Byron qu’elle est la femme d’un seul rôle c’est un peu réducteur pour une actrice qui a commencé sa carrière en 1938 et l’a terminée en étant la grand’mère du soldat Ryan pour Steven Spielberg !
Et c’est même d’autant plus réducteur qu’il s’agit d’un rôle secondaire que retiendra la postérité. Celui de cette nonne recluse dans « Le Narcisse noir » et qui dès la prière du soir terminée se coiffe et se maquille dans sa cellule comme pour une party hollywoodienne, heureuse propriétaire du rouge à lèvres le plus flamboyant jamais filmé !
Kathleen Elizabeth Fell nait à West Ham, un quartier pauvre de Londres le 11 Janvier 1921. Elle vient au monde dans un milieu modeste. Son père est ouvrier des chemins de fer. Dévorée depuis toujours par l’envie d’être actrice, Kathleen, grâce à une bourse pourra suivre les cours de la très prestigieuse Old’ Vic théâtre School où on considère que Shakespeare est le seul dieu admissible sur terre.
Kathleen a 21 ans lorsqu’elle fait sous une pluie de bombes ses débuts au cinéma. Ses vrais débuts. Elle avait déjà été figurante en 1938. Nous sommes en 1942, c’est la guerre. Mais ce ne sont pas les bombes et les incendies qui font tremblée la débutante comme une feuille au vent. Si elle n’a que deux lignes à dire dans le film de Carol Reed « The Young Mr Pitt », elle doit les dire à Robert Donat. Robert Donat, un des meilleurs acteurs de son temps. Il vient d’être sacralisé par Hollywood en emportant l’Oscar pour « Goodbye Mr Chips », battant à la course Clark Gable soi-même nominé pour avoir été Reth Butler dans « Autant en Emporte le Vent ».

L’année suivante, à peine remise de son émotion, elle épouse un pilote américain, le lieutenant John Daniel Bowen. Il n’aura de cesse que de mettre sa jeune épouse à l’abri et dès 1943, Kathleen n’est plus une actrice anglaise mais une épouse américaine attendant le retours du héros.
Le monde sauvé pour un temps de la menace nazie qui hélas ne meurt jamais mais change d’apparence, le héros rentre à la maison et la carrière de Kathleen aurait pu en rester définitivement là. Mais dans ce qu’il reste de Londres encore debout, elle a laissé un souvenir impérissable à un homme. Cet homme c’est le producteur et réalisateur Michael Powell qui a crée sa société de production, rivale de l’omniprésente RANK et de la filiale anglaise de la MGM.
Michael Powell, bien que marié et père de deux fils souffre du syndrome de pygmalion et après avoir fait une vedette de la charmante Valerie Hobson il mène une liaison très suivie avec Deborah Kerr dont il compte bien faire la first lady du cinéma anglais. Ce qui ne l’empêche pas d’être taraudé par le souvenir lancinant de Kathleen Byron dont il a retrouvé la trace en Amérique et qu’il bombarde de télégrammes et de propositions de rôles et de contrats.
En 1946, Kathleen cède. Elle regagne Londres pour devenir un ange dans « The Silver Fleet ». Dans la foulée elle deviendra la seconde maîtresse en titre de Michael Powell. On peut s’étonner aujourd’hui de ces comportements parfois bien peu orthodoxes et loin de la morale traditionnelle et chrétienne.
Cette liaison coûtera son mariage américain à Kathleen Byron qui retrouvera sa liberté en 1950.
Mais ceux qui avaient survécu à la guerre, tant civils que militaires pouvaient bien vivre un peu après ces années volées et le risque vital quotidien que représentatif alors la vie à Londres. Chaque jour on pouvait mourir même en restant chez soi. Souvenons-nous de la charmante Peggy Cummins qui retrouva en lieu et place de sa maison en rentrant du théâtre un amas de ruines fumantes…Dix fois de suite!

Michael Powell tiendra les promesses qu’il s’est faites à lui-même. Il donnera à Deborah et à Kathleen de beaux grands rôles dans de bons films qui de plus est font de gros succès. Michael Powell ne connaîtra son premier échec qu’en…1960.
Et parce que l’on jase beaucoup, il fera de Kathleen et Deborah deux partenaires dans le sublime « Narcisse Noir » Le film sera acclamé dans le monde entier.
Il reste aujourd’hui encore considéré comme un des films les mieux réussis visuellement. Mais hélas pour Michael Powell, le succès du film et de ses deux actrices attirera sur elles l’attention d’Hollywood. Deborah partira la première. Elle avait déjà tourné en Angleterre et en Irlande des films américains. Kathleen la suivra de peu. Si la carrière de Deborah Kerr explose en Amérique où elle prend la succession de Greer Garson alors en complet désaveu, Kathleen, il faut bien le reconnaître aura connu ses meilleurs rôles dans ses meilleurs films sous la tutelle de Michael Powell. Peu satisfaite du traitement que lui a réservé Hollywood, elle rentrera en Angleterre un tantinet scandalisée par « le traitement subi et les mauvaises manières régnantes à Hollywood! »

Michael Powell ne la rappellera pas et le cinéma anglais amorçant déjà une crise existentielle après les triomphes des années 40, Kathleen glisse dans la série B où elle ne trouve que des seconds rôles.
Kathleen se remaria en 1953 avec un journaliste, Alaric Jacob, apportant dans la corbeille de mariage une fille de son mariage précédent avec la romancière Iris Morley décédée la même année. Plus tard, le couple aura également une fille et un garçon.
Alaric Jacob est injustement méconnu aujourd’hui. Il est pourtant l’une des personnalités les plus intéressantes de son siècle. Ne détestant pas les mondanités, il est très proche de Franklin Roosevelt et habitué de la maison blanche. Ecrivain et dramaturge à ses heures, il écrira un ouvrage fascinant où il démontre par A+B que Karl Marks est à 90% de droite! Mais ses plus brillants exploits sont dans la couverture des grands évènements de son temps. Après le désastre du crash boursier de 1929 sur la classe ouvrière américaine, il sera un sensationnel reporter de guerre de l’Egypte à l’Afrique du Sud, de la Birmanie à Moscou et bien sûr Berlin.

Pour Kathleen, heureusement, la télévision était à la rescousse. Elle deviendra une véritable superstar du petit écran. et connaîtra à partir des années 80 un étrange prestige aux yeux des plus importants cinéastes de son temps ce qui lui permettra de se faire l’interprète de quelques grands noms. Mais aussi de donner la réplique à Gwyneth Paltrow, Liam Neeson, Anthony Hopkins ou John Hurt.
En 1995, Alaric Jacob s’éteignait à 85 ans et la laissait veuve mais toujours active.
Elle-même s’éteindra dans son cher Londres le 18 janvier 2009 juste après avoir fêté ses 88 ans 7 jours plus tôt. Elle avait tourné jusqu’en 2001, arrêtant sa carrière à 80 ans sonnés, âge où les compagnies d’assurances ne couvrent plus les comédiens.
Celine Colassin

QUE VOIR?
1938: Climbing High: Avec Jessie Matthews et Michael Redgrave
1942: The Young Mr Pitt: Avec Phyllis Calvert et Robert Donat
1943: The Silver Fleet: Avec Googie Withers et Ralph Richardson
1946:A Matter of Life and Death: Avec Kim Hunter et David Niven
1947: Black Narcissius: Avec Deborah Kerr et Flora Robson
1949: Madness of the Heart: Avec Margaret Lockwood et Paul Dupuis
1949: The Small back Room: Avec David Farrar
1950: The Reluctant Widow: Avec Jean Kent et Lana Morris
1951: Scarlet Thread: Avec Laurence Harvey
1951: Hell is Sold Out: Avec Mai Zetterling et Herbert Lom
1951: Tom Brown’s Schooldays: Avec John Howard Davies et Robert Newton
1951: The House in the Square: Avec Ann Blyth et Tyrone Power
1954: Profile: Avec John Bentley
1955: Secret Venture: Avec Kent Taylor et Jane Hylton
1961: Hand in Hand: Avec Finlay Currie
1968: Hammerhead: Avec Judy Geeson et Vince Edwards
1969:Wolfshead: The Legend of Robin Hood : Avec David Warbeck
1973: Nothing but the Night: Avec Diana Dors et Christopher Lee
1974: Craze: Avec Diana Dors et Jack Palance
1975: One of Our Dinosaurs is Missing: Avec Helen Hayes et Peter Ustinov
1980: The Elephant Man: Avec Anthony Hopkins, John Hurt et Anne Bancroft
1981: From a Far Country: Avec Lisa Harrow et Sam Neil
1996: Emma: Avec Gwyneth Paltrow et Toni Collette.
1998: Les Misérables: Avec Uma Thurman et Liam Neeson
1998: Saving Private Ryan: Avec Tom Hanks et Matt Damon