Le 17 Août 1920, alors même que les jeux olympiques d’été battent leur plein à Anvers, à Ranelagh, dans la banlieue de Dublin, une certaine Maureen (petite Reine) Fitzsimons pousse ses premiers cris. Ses parents, Charles et Marguerita accueillent avec un plaisir sans partage leur deuxième enfant, ils ont déjà une fille, Peggy. Ils auront six enfants, leurs deux filles seront suivies de Charles, Florie, Margot et Jimmy !
Les Fitzsimons sont à tout prendre un couple heureux.
Marguerita Liburn chantait à l’opéra lorsqu’elle rencontra Charles Fitzsimons qui fit fondre son cœur de contralto. Sportif et bien de sa personne, Charles avait un commerce de chapeaux et vêtements en gros et Marguerita qui avait délaissé les planches et les rideaux rouges vit dans cette activité une nouvelle manière de s’exprimer.
Elle n’empoigna pas les aiguilles mais ses crayons et se mit à créer de très seyants modèles qui connurent vite le succès et firent la renommée de la petite entreprise familiale.
La petite Maureen eut donc comme maman une femme de tête, heureuse et accomplie, aimant les hommes bien tournés et chantant comme un doux rossignol. Elle allait en prendre de la graine, ô combien !
Madame Fitzsimons qui avait été si heureuse lorsqu’elle chantait en public tint à ce que ses enfants soient aussi férus qu’elle en choses de l’art. Bien qu’élevés d’une manière très catholique, tout son petit monde apprendra le chant, l’art de la comédie et la danse. Il est amusant de remarquer que si Maureen fut d’emblée passionnée par toutes ces disciplines, c’est la religion qui fascina sa grande sœur Peggy qui entrera dans les ordres.
Par contre la petite Maureen, de plus en plus ravissante est une véritable acharnée et ne semble vivre qu’en chantant, en dansant ou en jouant la comédie, faisant d’ailleurs souvent les trois à la fois.
Monsieur Fitzsimons père, de son côté, vit en sa nichée d’enfants bien faits, une jolie opportunité publicitaire. Les enfants ne pouvaient sortir dans la rue que parfaitement chaussés habillés et coiffés. Hors de question de trouver le moindre grain de poussière sur une chaussure vernie. Ce qui avait selon lui le pouvoir de montrer aux autres habitants du quartier non seulement la prospérité de l’entreprise familiale, mais le soin que l’on apportait dans cette maison au moindre détail. Ainsi la jeune Maureen ne s’en alla-t-elle jamais chercher un bidon de lait ou un pain sans être parée pour une matinée enfantine à la cour de Louis XV . Le soin apporté à sa propre personne restera à tout jamais une de ses marottes et pour tout dire une de ses marques de fabrique. Une fois parée, elle n’a pas assez de ses petites jambes d’enfant pour courir à ses leçons de chant et de danse lorsque l’école est finie.
A dix ans elle se produit déjà sous la haute surveillance et l’égide maternelle dans des spectacles après l’école. Ceci à la condition sine qua non que les résultats scolaires et l’assiduité à l’église en s’en ressentent pas. va t'il sans dire.
Craignant que sa fille ne devienne trop coquette après ses premiers succès, madame mère la surnomma « Fatzer », ce qui peut se traduire par un affectueux « petite grosse ». Maureen en fut meurtrie et passera sa vie à clamer sur tous les toits qu’elle fut une enfant d’une laideur repoussante, ce qui est démenti on ne peut mieux par les photos de famille.
Par contre, son caquet ne fut en rien rabattu et bientôt il devint de bon ton dans la bonne société dublinoise de convier l’enfant prodige à se produire lors des soirées mondaines où elle déclamait de charmants poèmes à l’assistance émue. On passait ensuite à table et la petite vedette rentrait à la maison avec son inséparable maman.
A dix ans, la petite Maureen gagnait son premier argent en se produisant à la radio, ce qui lui permit de taper du pied en promettant une bonne raclée à tout qui oserait encore l’appeler Fatzer ! Elle fut ensuite médaillée d’or lors de concours de chant. Charles Fitzsimons finit par s’effrayer de cet acharnement. Sa fille ne pensait, ne vivait que pour le spectacle, elle ne parlait que de carrière et de triomphes. Craignant pour elle de dures déconvenues, il exigea qu’elle apprenne un métier de secours. Elle devint comptable et sténodactylo puisque c’était là une condition pour pouvoir continuer ses rêves et ses leçons.
Lorsqu’elle eut fini sa formation théâtrale, elle eut droit à un screen test, ce qui semble avoir été une tradition d’alors pour les jeunes diplômés. Notre héroïne s’en alla donc le cœur battant se faire filmer et revint à la maison complètement outrée. On l’avait attifée d’une robe dorée, on lui avait couvert le visage d’un épais maquillage aux teintes outrancières et on avait arrangé ses cheveux en une coiffure tarabiscotée qu’elle mit trois jours à défaire. En outre, et c’était cela le pire, elle avait vu des gens débraillés et entendu un tas de mots absolument scandaleux !
Franchement, si c’était cela le cinéma…
Il fallut un miracle resté d’ailleurs inexpliqué pour que cet essai désastreux tombe sous les yeux de Charles Laughton.
Or, Laughton envisage alors de créer sa propre société de production, la « Mayflower Pictures » avec son ami Erich Pommer à qui il montre le fameux test en lui disant : « Je crois qu’il y a une actrice sous cette couche de plâtre et tous ces tralalas » Erich Pommer n’était pas un « bleu » puisqu’il avait produit en Allemagne des films aussi illustres que « Metropolis » ou « L’Ange Bleu ». Quand on a validé Brigitte Helm et Marlène Dietrich, on sait de quoi on parle lorsqu’on entend le mot « actrice ». Pommer fut d’accord, Maureen Fitzsimons fut convoquée et signa, méfiante en diable et accompagnée de sa tribu un contrat de trois ans avec la juvénile « Mayflower films ». Elle avait dix-huit ans.
La Mayflower exigea qu’elle soit à Londres prête à tourner pour le 3 Janvier. On eut à peine le temps de se souvenir d’une tante éloignée vivant près de la Tamise pour que Maureen s’installe chez elle et attende sa convocation au studio qui vint…En Novembre ! Le premier film où elle apparaîtrait en vedette serait dirigé par Alfred Hitchcock à qui Laughton l’avait imposée : « L’Auberge de la Jamaïque ». Maureen avait déjà été « testée » dans trois films, même si dans le premier elle n’avait qu’une seule ligne de texte ! Evidemment la jeune Fitzsimons rebaptisée O’hara d’autorité par Laughton n’avait rien d’une créature blonde, hautaine et éthérée comme les aimait Alfred Hitchcock mais il adora travailler avec elle. Charles Laughton lui déclara d’ailleurs au cours du tournage : « Il faut pourtant faire gaffe à la petite, sinon on ne verra qu’elle dans le film, elle vole toutes les scènes ! »
L’acteur était subjugué et ne se lassait pas de la voir travailler. Le film terminé, il était un fan inconditionnel de sa propre découverte ! Le tournage ne fut pourtant pas facile et aurait eu bien de quoi confirmer la jeune actrice dans son mépris pour les gens de cinéma. Laughton et Hitchcock ne s’entendaient pas. Alors que la pauvre Maureen avait déjà bien du mal à exister, Laughton exigea de n’être filmé qu’en gros plan, car il « n’avait pas encore trouvé comment son personnage devait se déplacer ». Le maquillage outrancier de l’acteur finit de traumatiser la pauvre débutante qui n’avait pourtant encore rien vu !
Celle-ci, toute à la passion de son nouveau métier oublia bien vite qu’elle avait juré ses grands dieux de ne jamais frayer avec les gens de cinéma. Non seulement elle s’était entichée de Laughton et d’Hitchcock, mais elle avait épousé en grand secret le producteur George H. Brown.
Le tournage de « L’Auberge de la Jamaïque » terminé, Laughton était attendu à Hollywood pour y jouer « Quasimodo ». Toujours aussi confiant en sa découverte, il l’imposa à la RKO pour le rôle d’Esméralda.
Maureen, jeune mariée ne tenait pas à Hollywood ; et pour tout dire, Hollywood ne tenait pas à elle non plus. Elle partit, pourtant. Flanquée de sa mère et de l’un de ses frères, laissant sur le quai un mari qu’elle ne reverrait pas.
Si « L’Auberge de la Jamaïque » fit de Maureen O’hara une nouvelle vedette du cinéma anglais, « Quasimodo » ne bouleversa pas outre mesure l’imaginaire américain. On la trouva un peu « popote », un peu « guindée », bref de peu d’intérêt et il tarda bientôt à la flamboyante irlandaise de retrouver sa maison son mari et ses verts pâturages. Elle était prête à repartir lorsque deux évènements majeurs se produisirent. Elle rencontra Will Price lors d’une soirée à l’Hollywood Bowl et tomba follement amoureuse.
John Ford ensuite vint personnellement plaider sa cause auprès d’elle afin qu’elle accepte un rôle de grande sœur irlandaise dans « Qu’elle était verte ma Vallée ». L’actrice qui a tourné trois films médiocres pour RKO et ne croit plus trop en son avenir américain. Mais la rencontre de Will Price a changé la donne.
Accepter le film de Ford lui permet de rester encore un peu avec son cher Will alors même que la guerre en Europe menace aujourd’hui l’Amérique qui va bientôt prendre part au conflit.
Will ira au combat, Maureen le sait. Elle réussit à faire annuler son mariage et devient l’épouse de Will Price en 1941, avant qu’il ne parte à la guerre. Le couple s’installe dans un joli bungalow tout blanc, Will part faire son devoir de soldat, Maureen accomplit son devoir d’actrice. Après le chef d’œuvre de John Ford, elle enchaîne des films patriotiques à l’instar de ceux de Betty Grable, découvre le technicolor et se lie d’une longue affection avec un de ses partenaires de prédilection, l’aimable John Payne qui fit d’ailleurs également beaucoup d’usage à Betty !
Le mari de Maureen O’hara reviendra saint, sauf, et auréolé de gloire en 1944. Le couple peut enfin commencer sa vraie vie conjugale après s’être contenté d’une lune de miel de 48 heures à la Nouvelle Orléans et de quelques permissions accordées par l’armée. Une petite fille, Bronwyn viendra bientôt couronner cette félicité qui ne sera hélas que de courte durée. L’aimable et séduisant mari va peu à peu se transformer en tyran domestique et le héros de guerre un alcoolique invétéré. La vie privée de la rousse irlandaise devient un enfer. Il est d’ailleurs curieux de constater que les rousses les plus flamboyantes et les plus fracassantes du cinéma Hollywoodien de ces années là, Rita Hayworth, Susan Hayward et Maureen O’hara ne sont plus en dehors des écrans que de jeunes mamans malmenées et que leur félicité conjugale n’est que façade pour les journalistes et leurs lecteurs crédules.
Cet enfer va durer jusqu’en 1953.
Année où Maureen O’hara baisse les bras, renonçant à lutter pour sauver un mariage désespéré depuis bien trop longtemps.
Entretemps elle aura tourné les films qui font d’elle une des gloires les plus impérissables de l’écran américain et elle aura tenu tête, ô combien, aux plus durs des durs d’Hollywood !
Car voyez vous, à l’écran, John Wayne, Henri Fonda, Joël MacRea, John Garfield, Anthony Quinn, Douglas Fairbanks jr ou Tyrone Power ont trouvé à qui parler ! Et pas qu’un peu ! Maureen O’hara s’est forgé un personnage qui fait la délectation du public. Celui d’une fille farouche et téméraire, maniant le sabre et la cravache aussi habilement que la réplique acerbe. La belle au tempérament vite enflammé n’a pas fait que dompter le mâle réputé irascible, elle fut aussi la douce maman de Natalie Wood dans « Miracle sur la 43eme Rue » et l’actrice fétiche de John Ford de qui elle est aujourd’hui indissociable dans les mémoires.
« M’Ouaih… Parce qu’il avait découvert que j’avais une formation de secrétaire et qu’il pouvait me faire taper ses notes pendant mes pauses, voilà tout ! » Déclare volontiers la rousse Irlandaise avec son humour qui la caractérise autant que ses coups de gueule !
Car malgré sa triste situation conjugale, Maureen n’était pas du bois tendre dont on fait les niaises ! J’en veux pour preuve le désormais célèbre épisode « Confidential »
Dans les années 50, un magazine sème la panique à Hollywood. Vulgaire et bon marché, « Confidential » publie sur les stars des révélations qui font des commérages de Louella Parsons des cantiques du dimanche pour dames patronnesses un peu sourdes et vite ébaubies.
Rien ni personne n’échappe aux chroniqueurs et les patrons des studios eux-mêmes proposeront de lourdes enveloppes à « Confidential » pour ranger au coffre quelques révélations qui auraient fait chuter irrémédiablement les plus grandes stars du studio.
On laissera bien entendu les « emmerdeuses » comme Ava Gardner, Anita Ekberg ou Lana Turner se débrouiller avec le tout, mais on payera cher pour sauvegarder la virilité d’un Spencer Tracy. Maureen eut, elle aussi, la désagréable surprise de faire à son tour la « une » de Confidential en 1953. Elle avait, lisait-on sous une photo peu flatteuse, été surprise le 9 Novembre se livrant en public à des ébats sexuels avec un partenaire mexicain.
Au balcon d’un cinéma, plus précisément !
Personne encore n’avait crié sa rage et traîné Confidential devant les tribunaux, pour la bonne raison que le magazine était très bien informé, payant grassement ses espions recrutés parmi les techniciens des studios et le personnel de maison des stars. Il y avait toujours assez de vérité dans les articles de « Confidential » pour faire échouer une plainte en diffamation, ce qui n’était d’ailleurs jamais arrivé, personne n’avait osé se rebeller.
Les stars préféraient faire profil bas en attendant la victime du numéro suivant.
Maureen O’hara comme les autres fut sommée par son studio de se taire et de laisser couler afin de ne pas donner plus d’importance encore à l’affaire, le scandale était déjà bien assez grand comme ça ! Mais elle ne l’entendit pas de cette oreille !
Elle traîna à grand fracas Confidential devant les tribunaux, vint prêter serment en robe rayée sagement coupée, un petit bibi virginal posé sur la tête. En moins de cinq minutes les dés étaient jetés, le verdict était tombé. C’en était fini de Confidential ou tout du moins de son pouvoir absolu. Dorothy Dandrige serait la suivante à gagner son procès contre le magazine. Maureen exigeait un million de dollars de dommages et intérêts.
Elle l’obtint !
Maureen n’avait eu qu’à exhiber son passeport prouvant qu’elle séjournait à l’étranger, en Espagne, au moment des faits !
Mais revenons en à cette année 1953, nous en reviendrons à Confidential plus tard. En 1953, donc, Maureen O’hara est une star de première grandeur qui a su se forger une image, conquérir le public et aligner quelques impérissables chefs d’œuvres. Bien plus déjà que d’autres actrices parfois plus célèbres qu’elle. Ainsi, sa filmographie à de quoi faire pâlir de jalousie celle d’une Betty Grable où on serait bien en peine de glaner quelque impérissable monument historique faisant la gloire du septième art. Ce n’est pas Betty qui vient de terminer « L’Homme Tranquille ». D’ailleurs la blonde la plus rentable de la Century Fox s’apprête à remettre son tablier de lamé doré, lassée de tout ce fatras de sottises qu’on lui fait tourner.
Mais Maureen n’a pas le cœur à s’en féliciter.
Paradoxalement, les films qu’elle tourne avec John Ford et qui font sa gloire sont difficiles à tourner et même si elle respecte l’homme et l’artiste, celui-ci aurait plutôt tendance à maltraiter sa vedette, ce qui ne la change guère des journées passées à la maison.
Ensuite encore, Maureen aurait toujours préféré être chanteuse et danseuse qu’actrice, là était sa vraie passion ; Or, la seule comédie musicale qui lui a été confiée a fait un four !
Alors finalement, plutôt que de croiser le fer avec des pirates sur des galions en carton, elle se serait bien vue, elle, dans les rôles que méprisait Betty Grable !
C’est la rencontre d’un homme, un politicien mexicain et accessoirement banquier, Enrique Parra qui va changer le cours des choses. Cette fervente catholique qui a été jusqu’à renoncer à sa nationalité Irlandaise par amour pour son mari et père de sa fille va tomber amoureuse d’Enrique Parra, ce qui lui semble tout à fait inconcevable et la bouleverse dans tous ses principes de vie. Et non seulement elle va l’aimer et vivre avec lui une longue liaison qui durera quatorze ans, mais Enrique Parra va lui faire admettre que son mariage et sa vie toute entière sont un non sens. Catholique ou pas, mariée ou pas, mère ou pas, star ou pas.
C’est lui qui donnera la force et le courage à l’actrice de bafouer ses propres principes et ses propres convictions pour demander le divorce et reprendre sa liberté.
Le couple se déchire depuis des années, et Will Price a quitté le domicile conjugal le jour même de leur dixième anniversaire de mariage. Des procédures de divorces sont en cours, longues, âpres et douloureuses et c’est Enrique Parra qui réussira non seulement à lui donner la force de les subir et les affronter mais les lui fera voir comme les premiers pas douloureux mais nécessaires vers une vie meilleure.
Elle n’avouera sa liaison avec Enrique Parra qu’au tout début des années 60, et pour des raisons connues d’eux seuls, ils ne se marièrent jamais. Personne alors ne songeait plus au scandale « Confidential » Personne ne se dit qu’après tout, le beau mexicain du balcon était peut-être el senior Enrique. Et qu’il n’était après tout pas impossible qu’un richissime diplomate puisse obtenir un cachet sur un passeport. Après tout, Maureen était alors en pleine procédure de divorce et la garde de sa fille était en jeu. Ramener un homme chez elle ou l’accompagner à l’hôtel aurait pu lui coûter très cher, alors…un cinéma, pourquoi pas ?
Et personne ne s’étonna dans la foulée que ce magazine si bien informé, n’ayant que l’embarras du choix dans de scabreuses vérités à révéler se soit fourvoyé à ce point dans un mensonge aussi éhonté et… bien mal renseigné. Car enfin, accuser de « flagrant délit » une célébrité en séjour sur un autre continent, il fallait que l’on soit devenu bien bécasson chez Confidential.
Quoi qu’il en soit, Maureen avait non seulement gagné son procès et son million, mais elle avait également bien le droit de faire ce qu’elle voulait de ses fesses et de ses après-midi de congés.
Le Grauman’s Chineese Theater n’avait qu’à passer des films plus palpitants, voilà tout !
Pour Maureen O’hara, les années 60 ne furent pas les années 50. Le scandale avait-il écorné son image plus qu’on ne le croyait ? Ses films se démodaient ils ?
Sans doute un peu des deux.
Les rôles s’espacèrent et la star resta parfois deux ans sans se montrer aux écrans, elle qui avait jusque là enchaîné plusieurs films par an. Elle enregistra quelques disques sans grand succès et n’en connut guère plus en jouant « Christine » à Broadway. C’est d’ailleurs sans doute la partie la plus injuste de sa carrière, car non seulement la quarantaine venue lui allait magnifiquement et elle était maintenant d’une beauté sensationnelle, mais l’actrice était en pleine possession de ses moyens. Elle ne tournera plus guère que quelques comédies familiales, parfois chez Disney, des « films de week-end » qui ne cassent pas trois pattes à un canard.
Elle n’est déjà plus très présente lorsqu’elle se remarie pour la troisième fois le 12 Mars 1968 avec un as de l’aviation, Charles F. Blair jr. Lequel fut le premier à voler au dessus du pôle nord.
Le couple s’installera à Sainte Croix aux îles Vierges, et Maureen fera l’acquisition d’un port de plaisance qu’elle gère depuis sa maison nichée dans la colline et les palmiers et qu’elle peut surveiller depuis sa terrasse surplombant l’océan.
Elle ne reviendra au cinéma que très exceptionnellement, pour un baroud d’honneur avec John Wayne en 1971, par exemple. Année où ils tournent leur cinquième et ultime film ensemble, « Big Jack ».
Malheureusement, en 1978, alors qu’ils fêtent leurs dix ans de mariage, Charles Blair se tue en pilotant son avion personnel qui explose alors qu’il effectuait un simple vol entre deux îles. Maureen restera alors la belle retraitée des iles Vierges où elle s’établit définitivement.
Elle reviendra, de ci de là, honorer un dernier film, un ultime téléfilm, histoire de ramener à nos souvenirs émus la flamboyante rousse Hollywoodienne si chère à nos cœurs et…Qu’elle était toujours restée. Devenue nonagénaire en 2010, Maureen O’hara choisit de vendre sa propriété adorée des îles Vierges et revint s’installer dans son Irlande natale où repose aujourd’hui sa famille.
Et si la vieille dame avait maintenant une canne et marchait un peu voûtée par le poids des ans, elle était toujours rousse, toujours coquette et toujours passionnante lorsqu’elle régalait de ses anecdotes des conférences sur le cinéma ou qu’elle dédicaçait ses volumineuses mémoires à ses fans émerveillés.
C'est le 20 octobre 2015 que Maureen O'hara s'éteignit. Elle avait 95 ans.
QUE VOIR ?
1938 : Kicking the Moon Around : La première apparition de Maureen O’hara au cinéma et sous son vrai nom.
1939 : Jamaïca Inn : Le film des vrais débuts de Maureen dirigée par Hitchcock.
1939 : The Hunchback of Notre Dame: Maureen qui n’en était pas à la première extravagance de Charles Laughton faillit pourtant s’évanouir lorsqu’elle le vit pour la première fois en Quasimodo! Le film reste une réussite et bien plus fidèle à Victor Hugo que la version mise en scène par Christian Jacque avec Gina Lollobrigida dans le rôle d’Esméralda.
1940 : Dane, Girl, Dance : Le film vaut surtout pour le pugilat sur scène entre Maureen et Lucille Ball.
1940 : A Bill of Divorcement : John Farrow se lance dans le remake d’un film que Cukor avait tourné en 1932 avec Katharine Hepburn et John Barrymore. L’initiative connut un joli bide !
1941 : They Met in Argentina : Parce que la Century Fox avait pondu dare-dare un scénario débile pour donner une suite à « Sous le Ciel d’Argentine » avec Betty Grable et que celle-ci avait refusé en hurlant « J’aimerais mieux me faire tirer dessus ! », la chose se retrouva dieu sait comment chez RKO et échoua dieu sait pourquoi sur les épaules d’une Maureen O’hara épouvantée.
1941 : How Green was my Valley : Rencontre au sommet entre John Ford et Maureen O’hara qui deviendra une de ses interprètes de prédilection et à qui l’actrice devra ses plus beaux rôles. Le film récolta dix nominations aux Oscars et en gagna cinq.
1942 : To the Shores of Tripoli : Un film pro militariste dédié tout entier à la bravoure des « marines ». Il n’a aujourd’hui que fort peu d’intérêt si ce n’est la rencontre de miss O’hara et du technicolor.
1942: The Black Swan: Voici Maureen confrontée aux pirates et accessoirement à Tyrone Power.
1943 : The Fallen Sparrow (Nid d’Espions) : Voici Maureen face à John Garfield. C’est un peu tarabiscoté mais superbement filmé et Maureen O’hara est tout simplement royale.
1943 : Immortal Sergeant : Encore un film à la gloire de la bravoure guerrière américaine, cette fois avec Henri Fonda sous le casque.
1944 : Buffalo Bill : Comme le titre le fait parfaitement comprendre sans la moindre ambigüité, il s’agit ici de…Buffalo Bill.
1946 : Sentimental Journey : L’ensemble peut ressembler vu de loin à une usine de marshmallow.
1947 : Miracle sur la 34eme Rue : Un des films de Noël les plus réussis de toute l’histoire du cinéma. Maureen est ici la maman de la petite Natalie Wood qui croyait toujours fermement au père Noël durant le tournage et que l’on se garda bien de détromper.
1947 : Sinbad le Marin : Le titre se passe bien entendu de tous commentaires.
1948 : Sitting Pretty : Comédie familiale où excelle l’ineffable Clifton Webb dans sa première incarnation de monsieur Belvédère pendant que Maureen s’occupe du glamour conjugal de la chose avec Robert Young. Clifton connaîtra un tel succès dans ce rôle qu’il le reprendra encore deux fois. On l’ignore généralement mais Marilyn Monroe a tourné une scène dans ce film avec Clifton Webb. Scène supprimée au montage.
1949 : Britannia Mews : Maureen est également très fière de ce film même si elle reconnaît avoir été moins brillante que ses partenaires et notamment Dana Andrews qui la subjugua.
1950 : Comanche Territory : Un western avec une Maureen O’hara plus fougueuse que jamais qui ne fait qu’une bouchée de Macdonald Carey et manie le fouet comme un vrai Zorro.
1950 : Rio Grande : Retrouvailles avec John Ford pour un western devenu mythique et ce malgré un John Wayne étrangement moustachu !
1952 : Against All Flags : Un film de pirates jouissif.
1952 : Kangaroo : Maureen dans un film d’aventures épiques en Australie comme on s’en doutait un peu et flanquée de Peter Lawford, ce qui est moins passionnant que les kangourous,
1952 : The Quiet Man : Le chef d’œuvre absolu de John Ford et un des plus beaux films de tous les temps. Aujourd’hui le cottage de Sean Thornton n’est plus que ruines et n’est d’ailleurs pas à Innisfree ; mais cela n’empêche pas des milliers de nostalgiques de venir s’y émouvoir chaque année.
1955 : Lady Godiva of Coventry : Voici Maureen en lady Godiva ce qui se passe de tous commentaires.
1956 : Lisbonne : Maureen cette fois affronte Ray Milland qui se retrouve des deux côtés de la caméra puisqu’il assure également la mise en scène.
1959 : Our man in Havana : Le roman de Graham Green, qualifié de « métaphysico policier » est porté à l’écran par Carol Reed.
1961 : The Parent Trap : J’ai toujours été rigoureusement incapable de voir Hayley Mills à l’écran. Ni même de l’envisager ! Elle joue ici un double rôle ! On comprendra donc que moi aussi je préfère « me faire tirer dessus » que de visionner ce film. Cette horreur connut plusieurs suites et fut nommée aux Oscar.
1962 : Mr Hobbs Take a Vacation : Maureen forme un couple avec James Stewart, ce qui ne lui laissa guère un souvenir inoubliable.
1965 : The Battle of Villa Fiorita : Une anglaise bon ton et mère de famille de deux petites horreurs tombe raide dingue d’un beau musicien italien qui n’est autre que Rossano Brazzi. Or le beau Rossano est lui aussi flanqué de progéniture puisqu’il est le géniteur d’Olivia Hussey qui prend ici la fessée magistrale qu’elle mérite pour tous ses autres films ! Habillée par Pucci sous le soleil d’Italie, Maureen est absolument sublimissime !
1970 : How do I Love Thee ? : J’ignore à quoi pouvait bien ressembler ce film, mais savoir qu’il réunissait Maureen O’hara et Shelley Winters me rend inconsolable de ne le trouver nulle part!
1971 : Big Jake : L’ultime film que John Wayne et Maureen O’hara tourneront ensemble. Un western, comme il se doit, mais filmé au Mexique.
1991 : Only the Lonely : Une comédie débilissime où Maureen, d’une rare somptuosité est la mère un tantinet envahissante de John Candy.
LES FILMS QUE VOUS NE VERREZ PAS
(Avec Maureen O’hara)
The King and I : Lorsqu’il fut question de porter ce triomphe de Broadway à l’écran, ses interprètes furent automatiquement choisis pour perpétrer leurs rôles. Hélas, Gertrude Lawrence qui jouait madame Anna face à Yul Brynner en roi du Siam fut diagnostiquée souffrant d’un cancer incurable et condamnée à brève échéance. Yul Brynner choisit alors lui-même Deborah Kerr bien qu’elle ne chantât pas du tout. La Century Fox lui préférait Dinah Shore avant qu’une illumination soudaine n’éclaire les esprits : Madame Anna ne pouvait être incarnée que par Maureen O’hara à la belle voix de soprano. Malheureusement, Yul Brynner refusa de jouer avec qui que ce soit d’autre que Deborah Kerr qui fit donc le film et fut nommée aux Oscar dans la foulée pour un rôle où elle était pourtant vocalement doublée par Marni Nixon.