MIA FARROW
- Céline Colassin
- 9 nov.
- 22 min de lecture

Rédiger un article digne de ce nom sur Mia Farrow nécessite presque d’établir son arbre généalogique en préambule.
Il convient ensuite de survoler les événements avec un maximum de détachement car la star a toujours agi avec une conviction farouche en toute chose.
Et qui dit conviction dit polémique, dit « qui a tort, qui a raison » et parfois même, la passion s’ajoutant « qu’est-ce qui est vrai qu’est-ce qui est faux ».
L’entreprise car c’en est une promet d’être aussi délicate que titanesque. Mia elle-même n’hésitant pas à souffler le chaud et le froid, affirmer des choses jusqu’à les aboyer puis faire volte-face et dire exactement le contraire. Elle peut même, le cas échéant affirmer qu’elle n’a strictement jamais tenu ses premiers propos quitte à incriminer la malveillance de la presse ou de quelques ennemis embusqués.
L’histoire de Mia Farrow commence avant sa naissance. Elle commence avec l’histoire de Maureen O ‘Sullivan, ravissante jeune fille irlandaise née le 17 Mai 1911.
Ancienne copine de pensionnat de Vivien Leigh, Maureen fera la conquête d’Hollywood où après avoir donné la réplique à Greta Garbo soi-même, elle deviendra la très officielle madame Jane Tarzan-Weissmuller à l’écran. En 1936, Maureen tourne son troisième « Tarzan » et rencontre sur le plateau, un jeune réalisateur aussi blond qu’australien, le beau John Farrow.
John Farrow n’a que 32 ans mais il a déjà écrit plusieurs romans, commit quelques scénarii et bourlingué à peu près sur toutes les mers du monde.
C’est sa passion, John Farrow est d’abord un homme de la mer avant d’être un homme de cinéma. Raison pour laquelle Hollywood en toute logique lui confiera la réalisation de quelques épopées maritimes telle « The Sea Chase » avec Lana Turner et John Wayne.

Maureen est conquise. John est son aîné de 7 ans.
Le 12 Septembre 1936, Maureen O ‘Sullivan devient madame Farrow.
Qui aurait cru alors que sommeillait en « Jane Tarzan » qui avait tourné le premier film de la série avant le code Hayes et donc presque nue dans les bras de Johnny Weissmuller lui-même fort peu couvert, une âme de petite épouse gentiment bourgeoise.
Maureen n’a jamais rêvé dans le secret de sa chambre de jeune fille de brouettées d’Oscar mais de kyrielle d’enfants.
Malheureusement, l’annonce de sa première maternité est entachée par une autre déclaration bien moins festive. Celle de la guerre.
Lorsque Michael Farrow vient au monde, Maureen est seule, l’heureux père et mari est au combat. John est au combat dans le Pacifique. Où d’autre ?
Maureen n’est pas du genre à larmoyer et reprend le chemin des studios.
En 1942, John Farrow contracte une fièvre typhoïde. Il est rapatrié dans un état crépusculaire, Maureen supplie la MGM de résilier son contrat pour rester auprès de son mari.
Le studio accepte, nullement par sentimentalité quelconque mais parce que refuser à un héros mourant la présence de sa femme n’aurait pas été de bon ton dans une Amérique en guerre. La MGM en libérant Maureen fait briller un peu plus son blason de studio patriote.
John Farrow survivra à sa maladie. La naissance du deuxième fils du couple, Patrick, vient couronner ce retour à la vie.

En 1945, le 9 Février, leur première fille, Marie de Lourdes Farrow vient au monde.
Maureen avait tant prié pour le salut de John lorsqu’il était au combat, qu’elle baptisa sa fille Marie de Lourdes en remerciement pour le retour de son mari saint et sauf.
Maureen s’entiche de sa petite fille qu’elle rebaptise affectueusement « Mia » ou plus souvent encore « ma petite Cheetah » car elle lui rappelle furieusement son illustre partenaire chimpanzé. D’abord ravie, lorsque Mia découvrira qui est Cheetah elle en restera complètement traumatisée à l’idée de ressembler à une guenon !
Un an après la naissance de Mia, en 1946, c’est au tour de John Charles de venir compléter la tribu Farrow.
John Farrow qui est maintenant un metteur en scène très sollicité tourne beaucoup et gagne très largement sa vie. Conscient du sacrifice qu’a fait Maureen en délaissant sa carrière pour rester à son chevet, il la fera tourner dans ses films le plus souvent possible.
Les Farrow vivent maintenant comme de très riches bourlingueurs, parcourant le globe au gré des tournages de John, emmenant leurs enfants partout avec eux.
Deux nouvelles têtes blondes viendront d’ailleurs compléter la famille Farrow : Stéphanie qui naît en 1949 et enfin Theresa dite « Tessa » qui vient au monde en 1952.

En cette même année 1952, c’est Mia qui va jeter la première ombre au tableau idyllique de la famille Farrow. La petite fille est atteinte de la poliomyélite.
Maureen va donner des soins constants à sa petite fille souffrante. On s’installe à New-York là où sont établis les meilleurs spécialistes. Maureen ne travaille plus que pour la télévision où les tournages sont rapides et courts. Hors de question pour elle de se lancer dans l’aventure de longue haleine qu’est la préparation et le tournage d’un film et en 1958 elle arrête complètement son travail d’actrice pour veiller sur sa famille.
La petite Mia a toujours été plus fragile et plus faible que le reste de sa fratrie. Mais elle triomphera de la maladie et ne gardera aucune séquelle handicapante.
En cette année 1958 où Maureen arrête sa carrière, le malheur est entré dans le clan Farrow d’une manière bien plus foudroyante et définitive qu’avec la maladie de Mia. Cet été là, toute la famille à suivi John Farrow en Espagne où il tourne un film. Toute la famille à l’exception de Michael, l’aîné. Le jeune homme a maintenant 19 ans, il a sa vie en dehors de sa tribu.
Les Farrow apprendront par un télégramme la mort de Michael porté au nombre des victimes d’un crash aérien.

Le choc est d’autant plus violent pour Mia.
L’instant qui précède l’arrivée du télégramme fatidique elle nageait en pleine bonheur. Elle est la seule des enfants Farrow à se passionner pour le métier de ses parents et piaffe déjà depuis des années pour être autorisée à débuter elle aussi. En Vain.
Jusqu’à cet été 1958 où son père lui laisse tenir un rôle minuscule dans le film qu’il tourne « John Paul Jones » avec Robert Stack et Marisa Pavan. La joie la plus forte aura laissé la place à la peine la plus dévastatrice.
La mort de leur fils aîné va dévaster le clan Farrow et bien des années plus tar, Tessa parlera de la difficulté pur une enfant de vivre dans une famille dont le membre le plus présent est désormais le fantôme d’un frère mort.
John Farrow dont la maladie avait laissé le cœur affaibli ne surmontera jamais vraiment son chagrin. Il meurt foudroyé d’une crise cardiaque le 28 janvier 1963. Mia devait fêter ses 18 ans une semaine plus tard.
A l’heure où la mort emporte son père après son frère, Mia est à l’aube de sa carrière. Une carrière qui connaîtra des débuts foudroyants alors même que la jeune actrice est en plein deuil.

En 1957, le film « Peyton Place » avait fait un véritable triomphe. Sa jeune première Diane Varsi avait été propulsée vers les sommets. Lana Turner dans le rôle de sa mère s’était retrouvée nommée aux Oscar pour la première et dernière fois de sa prestigieuse carrière. Aussitôt une suite avait été commise avec cette fois Carol Lynley et Eleanor Parker dans les rôles des dames Mackenzie fille et mère.
Mais il est une tradition américaine solidement implantée qui est de tourner pour la télévision les grands succès du cinéma en version allongée en série.
« Peyton Place » n’allait pas manquer à la règle même si sa suite n’avait pas connu le triomphe escompté.
En retravaillant le scénario pour la télévision on s’aperçut que le roman dont le film était tiré fourmillait d’aspects non exploités, faute de temps au cinéma. Finalement, la version télévisée ne serait pas une simple dramatique, ce serait un soap ! Constance Mackenzie aurait au petit écran les traits de Dorothy Malone, le personnage nécessite le choix d’une actrice au sex appel incontesté et connu de tous. Pour les personnages de « jeunes », par contre, la production prend le pari risqué de faire appel à une brochette d’inconnus.
Ce seront les premiers pas dans la célébrité de Ryan O’Neal, Barbara Parkins et bien sur de Mia Farrow.
Le choix de Mia à qui la presse trouvait des airs de « poussin chétif trempé par l’orage » fut assez contesté et le public se passionna bien plus pour les amours de Ryan et Barbara.
Mais si en effet, Mia Farrow était aux antipodes physiques des actrices à la mode en 1964, son choix pour le personnage d’Allyson était judicieux et elle allait s’y montrer parfaite.
Le public et la presse se passionnaient toujours pour la vie privée de Ryan et Barbara, la grande affaire nationale étant de savoir si oui ou non ils avaient une liaison sur le plateau, Ryan étant déjà marié et père, mais la donne allait changer très vite.

Frank Sinatra l’idole absolue annonce son prochain mariage avec la délicate Mia !
Personne n’y croit ! A commencer par Ava Gardner la somptueuse qui n’a pas tout à fait renoncé à l’idée de reconquérir un jour son Frankie adoré et qui s’en étouffe de dépit !
Ava a 43 ans, Frank Sinatra 50 et Mia Farrow…21 !

Le tout Hollywood avant le reste du monde s’ébouriffe. On ne connaît que trop les liaisons sentimentales du crooner avec les plus belles femmes du monde dont Marilyn Monroe, Lauren Bacall ou Lana Turner…Alors Mia Farrow ? La poitrine plate, le cheveu ras et criblée de taches de rousseur, que se passe-t-il donc dans ce monde ?
Une chose est sûre, il ne tournait plus rond !
Ces deux-là se marièrent, pourtant. Et ce pour la bonne raison qu’ils s’aimaient vraiment.
Trois choses passionnaient alors la presse people du monde entier.
Ce que pensait Maureen O ’Sullivan de toute cette histoire, combien de temps ces épousailles surprenantes allaient bien pouvoir durer et enfin et surtout l’énormité du diamant de fiançailles qui scintillait désormais au doigt de Mia.

Le couple convola, s’en alla passer sa lune de miel chez Claudette Colbert à la Barbade, histoire d’avoir un peu la paix et Frank incita sa jeune épouse à renoncer à son rôle d’Allyson Mackenzie dans « Peyton Place ».
Il était l’une des plus grandes stars mondiales, il ne pouvait guère être l’époux d’une actrice de soap opéra.
Mia accepta, en échange, Frank lui offrit le premier rôle féminin de son prochain film « Le Détective ». Mais le tollé médiatique autour de la jeune femme avait attiré sur elle l’œil très aiguisé de Diana Vreeland, directrice du très élégant VOGUE américain.
Si tout le monde voyait en Mia Farrow une rouquine pâlotte et souffreteuse, Diana voyait en elle un nouveau type féminin. Décrypter les beautés du futur dans l’air du temps était son métier et elle était extraordinairement douée. N’avait-elle pas choisi comme assistante une jeune fille inconnue du nom d’Ali MacGraw ?
VOGUE va faire de Mia Farrow son égérie et telle une Twiggy sortie tout droit du même moule, tous les photographes les plus illustres du monde vont se l’arracher !
Ce que Peyton Place n’avait pas fait pour elle, VOGUE allait s’en charger on ne peut plus brillamment !

Mia Farrow égérie des grands couturiers et des magazines de mode les plus prestigieux de la planète, épouse de superstar et vedette d’un soap à succès qui engrange des millions à la pelle. Qui pourrait se vanter d’une telle réussite en à peine un an?
Nous sommes en 1965, en 1964 personne ne savait encore qui et ce qu’elle était à part peut-être la fille de Maureen O ’Sullivan !
A Hollywood son box office va égaler ceux de Jane Fonda, Faye Dunaway, Jean Seberg, Elizabeth Taylor ou Raquel Welch et comme de bien entendu, les propositions vont pleuvoir sur sa jolie tête. Et parmi toutes celles qu’elle reçoit, il y a la plus inattendue de toutes : celle de Roman Polanski qui lui propose le rôle de Rosemary dans « Rosemary’s Baby ».
Roman Polanski est alors au sommet de la vague grâce au succès du « Bal des Vampires » qui a fait de sa jeune épouse Sharon Tate une superstar. C’est bien entendu à elle que Polanski réserve le rôle de Rosemary.

Mais le jeu d’actrice de Sharon est très décrié. Son statut de plus belle femme du monde ne fait par contre aucun doute. Mais Roman Polanski n’a pas besoin d’une beauté intersidérale pour le rôle de Rosemary, il a besoin d’une actrice à la fragilité très assumée. Et puis les circonstances s’enchaînent. Sharon se casse un pied. Ensuite elle est nerveusement très ébranlée par l’assassinat de Robert Kennedy, son ami avec qui elle avait dîné la veille de sa mort.
Sharon elle-même ne tient plus au rôle. Roman Polanski le propose à Mia Farrow et Sharon en est folle de joie.
Mia reçoit la proposition et le scénario. Elle accepte. Les qualités de ce que lui propose Polanski n’ont rien à voir avec ce que laisse présager « Le Détective », le film qu’elle doit tourner avec son mari. Et puis le plan de travail prévu lui permettra croit-elle alors de gicler sur le plateau du Détective dès le dernier tour de manivelle de Rosemary !
La jeune femme, le petit poussin rouquin souffreteux n’hésite pas une seconde et donne son accord sans réserve à Polanski.

Mia débarque sur le plateau, rate sa seule chance de tourner avec Joan Crawford que Polanski renvoie comme une malpropre dès le premier jour parce qu’elle est arrivée pompette sur le plateau. C’est Ruth Gordon qui la remplace au pied levé et ce petit dépannage lui vaudra un Oscar. Sharon est présente. Passionnée par le travail de son jeune mari et elle tombe instantanément sous le charme et la vivacité d’esprit de Mia Farrow. Et puis…Sharon attend un bébé. Pour Polanski, l’idée de faire d’elle au cinéma une femme enceinte des œuvres de Satan lui-même aurait été insurmontable et tout le monde se félicite de voir Mia dans le rôle.
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais il y en a un à qui on n’a pas pensé dans tout cela : Frank Sinatra.

Le film de Polanski prend du retard.
Mia ne sera pas libérée pour tourner « Le Détective » et honnêtement elle s’en fiche un peu.
Ivre de colère d’avoir été lâché par sa jeune épouse alors qu’il avait bataillé pour l’imposer sur « Le Détective », Sinatra débarque sur le plateau et lance les papiers du divorce au visage de Mia Farrow avec une brutalité telle qu’elle les reçoit comme une gifle et que Sharon Tate, présente, en est complètement ébranlée.
Mia Farrow ne fera aucun commentaire, cuirassée dans une dignité et une discrétion toutes deux héritées de sa mère. C’est Sharon qui outrée fera le seul commentaire : « Comment peut-on désaimer quelqu’un aussi vite et aussi fort ? ».
Sinatra va se dépêcher d’offrir le rôle prévu pour Mia à Jacqueline Bisset. Malgré des qualités inattendues, « Le Détective » ne sera perçu que comme un brave film policier de série.
« Rosemary’s Baby » dès le début de son tournage était entré dans la légende pour y rester à jamais.
Une pluie d’Oscar et de récompenses en tout genre s’abattront sur le film. De quoi faire bisquer Sinatra un peu plus.
Et puis il y avait le phénomène Mia Farrow !
L’égérie de VOGUE s’était montrée très à son désavantage dans le film, sans une once de glamour ou d’élégance. Sa performance n’en avait été que plus saisissante et jusque là il n’y avait guère que Bette Davis qui s’était risquée à se montrer aussi désavantagée face aux caméras pour servir un personnage. Mia Farrow pour avoir été Rosemary gagna ses galons de superstar, d’actrice incontournable. Au passage, elle ouvrit grandes les portes du vedettariat hollywoodien à des actrices comme Barbra Streisand, Liza Minnelli et plus tard Meryl Streep qu’on n’aurait peut-être pas osé montrer dans toute leur « non splendeur » si Mia-Rosemary n’était pas passée par là avant elles.
On n’imagine plus aujourd’hui l’impact de « Rosemary’s Baby » sur le public de son époque. La planète en fut à la fois sidérée, bouleversée, subjuguée et terrorisée. Lorsque Sharon Tate sera assassinée de la façon brutale que l’on sait, une grande partie des populations considèrera son meurtre odieux comme une des conséquences du film de son mari. Avant l’arrestation des coupables, on considérait comme un fait acquis que l’actrice à dix jours de son accouchement avait été la victime d’un forcené voulant anéantir l’enfant de Satan qu’elle portait en elle.
Il n’en était rien. Finalement Sharon meurt pour avoir été avec ses amis au mauvais endroit au mauvais moment. Mais qu’à l’époque sa mort fut reliée comme une évidence au film montre assez l’impact que « Rosemary’s Baby » avait eu sur les esprits comme sur l’imaginaire collectif.
L’image de Mia Farrow restera elle aussi très imprégnée de son rôle.
Après le film, elle ne collaborera plus avec l’univers de la mode.
Estampillée superstar grâce aux chiffres records de « Rosemary’s Baby », cataloguée actrice de composition pour ce mépris souverain de son esthétique et enfin reine des films d’horreurs, Hollywood va plus souvent qu’à son tour lui proposer des rôles de mochetés névrosées dans des superproductions destinées à épouvanter leur public.
Lorsqu’on la reverra très à son avantage dans « Gatsby le Magnifique » on sera très étonnés de par le monde de voir une Mia Farrow gracieuse et glamoureuse à souhait.
Ce n’est pas « Cérémonie Secrète » et « Blind Terror » qui pouvaient laisser présager le retour d’un si joli cygne.

Le tournage au budget faramineux promettait d’être la grande affaire hollywoodienne du moment. Et Mia va faire souffler la tempête. Dès les premières prises de vues elle se déclare follement amoureuse de son partenaire Robert Redford. On n’avait plus vu un tel épanchement énamouré d’une actrice envers son partenaire depuis Marilyn Monroe pour Yves Montand.
Mais la belle mécanique céleste imaginée par Mia va tourner court. Pour la bonne et simple raison que Robert Redford ne se montre pas intéressé par les avances de sa partenaire qu’il feint d’ignorer.
Mia va faire une volte-face aussi spectaculaire que médiatique.
« Robert Redford c’est du flan, les scènes d’amour que j’ai tournées avec lui ne sont que de vulgaires simulacres et j’y suis probablement très mauvaise car mimer la passion dans les bras d’un type que l’on exècre plus que tout demande un courage et une abnégation dont je suis incapable. Plus jamais je ne tournerai avec ce type pour la bonne raison que je refuse d’encore le croiser dans ma vie ».
Ce n’était pas très sympathique mais Robert Redford n’en était pas à sa première volée de bois vert de la part de ses actrices féminines. Jane Fonda, Katharine Ross et Barbra Streisand l’avaient précédée par ordre d’entrée en scène. Le plus séduisant acteur de l’écran devenait aussi l’acteur le plus détesté de ses partenaires !
Mia Farrow, de son côté ne tournera plus jamais avec lui et va devenir une des plus importantes superstars américaines des années 70.
En 1978, dix ans après « Rosemary’s Baby » elle est encore la star d’une superproduction : « Mort sur le Nil » où la côtoient Bette Davis, Angela Lansbury, Maggie Smith, Jane Birkin et Peter Ustinov. Production au budget énorme, succès critique et public à la hauteur des ambitions du film.
Une décennie marquée de nombreux succès, d’un travail constant à la télévision où elle sera Peter Pan et quelques prestations scéniques d’anthologie dont la moindre n’est pas d’avoir servi Shakespeare en Angleterre avec la Royal Shakespeare Company.
Mia Farrow fait salle comble et elle est une des rares actrices américaines à avoir à la fois les faveurs inconditionnelles du public et de ses pairs.
Terriblement secrète sur sa vie privée, elle ne se confie guère aux journaux. En 1968, comme c’était alors la mode, elle avait disparu un an pour une retraite dans un ashram en Inde.
Non sans avoir connu un nouveau triomphe : celui de « John and Mary » avec Dustin Hoffman.
La presse y vit une tentative d’échapper à la malédiction du film de Polanski comme de bien entendu. Mia s était retirée en Inde avec sa sœur Prudence mais aura la surprise de s’y retrouver avec Dalida et les Beatles au grand complet !
En 1970, rentrée des Indes, Mia Farrow s’est installée pour un temps à Londres où elle tourne.
Elle mène une liaison discrète avec un homme marié, le compositeur chef d’orchestre André Prévin de 19 ans son aîné.
Mais Mia Farrow tombe enceinte. Prévin divorce pour l’épouser, Mia met au monde des jumeaux et Dorin Previn, l’épouse abandonnée est hospitalisée pour une dépression nerveuse.
Les Previn ont donc d’emblée quatre enfants puisque le vénérable mari a déjà deux filles d’un premier mariage avec la chanteuse Betty Bennett.
Les jumeaux Matthew et Sasha auront un petit frère, Fletcher, né en 1974.
Comme sa mère avant elle, Mia a la passion des enfants.
Femme richissime et mariée à un homme solide qui est tout aussi riche qu’elle, Mia Farrow a les moyens de ralentir drastiquement sa carrière pour s’occuper de sa famille.
Une famille jamais assez nombreuse pour elle.

Le couple Previn adopte deux petits nourrissons vietnamiens, Lark Song et Summer.
Ensuite c’est la petite Soon-Yi, souffrant d’une grave maladie osseuse qui vient compléter la famille.
Si Mia Farrow divorçait d’André Previn en 1979, elle continuerait sa fringale d’adoptions et ira jusqu’à neuf enfants.
En 1979, Mia Farrow fait figure d’actrice à la quasi retraite.
Elle tourne un film par an, parfois pas du tout, on ne la voit plus ni au théâtre ni à la télévision.
C’est encore dans la rue, avec une ribambelle d’enfants sur le chemin de l’école avec son inséparable maman qu’on a le plus de chance de tomber sur elle.
Qui pourrait alors prédire que la phase la plus prestigieuse de sa carrière va seulement commencer ?
Mia Farrow a rencontre le réalisateur Woody Allen, considéré à la fois comme le roi de l’humour juif new-yorkais et comme un des réalisateurs les plus prestigieux de son époque. Chaque film de Woody Allen est un événement. Cinématographique bien sûr, mais aussi culturel et mondain.
Et Woody Allen fait de Mia Farrow non seulement sa compagne, bien qu’ils ne vivront jamais sous le même toit, mais son égérie.
Ne pas vivre sous le même toit que son nouveau compagnon lui permet de continuer cette fois à l’abri absolu des médias une relation très suivie avec Frank Sinatra dont elle dira plus tard « Nous n’avions jamais vraiment rompu ».

Woody Allen va lui confier la vedette de quelques uns de ses plus beaux films qu’elle va littéralement porter sur ses épaules comme « Radio Days » ou « Purple Rose of Cairo ». Mia sera treize fois son héroïne au cinéma.
Bien entendu, la frénésie familiale ne cesse pas lorsque Woody Allen succède à André Previn. Le nouveau couple adopte Moïse et Dylan puis en 1987, Mia met au monde un garçon, son fils Stachel qui ne portera jamais le nom de Woody Allen bien qu’il soit officiellement considéré comme son père biologique. Bien plus tard, Mia confiera qu’il est en réalité le fils de Frank Sinatra et non de Woody Allen !
Aux yeux du public et des médias, le couple du cinéma, après Fred et Ginger, Tom et Jerry, Tony Curtis et Jack Lemmon ou Laurel et Hardy, c’est Mia Farrow et Woody Allen.
On les imagine volontiers dans leur penthouse de Manhattan qui n’existe pas, Woody à sa table de travail, Mia en chaussettes de montagne dans un canapé compagnie des Indes en cuir vieilli et sous un plaid Ralph Lauren corrigeant les devoirs des enfants. Woody levant parfois les yeux de sa page pour raconter à Mia sa dernière trouvaille spirituelle.
Le couple est un véritable mythe pour toute une génération de cinéphiles dont certains auront la candeur de s’étonner qu’il existe d’autres films de Mia Farrow en dehors de celui de Polanski et ceux de Woody.

Le choc du retour sur terre va être plutôt rude ce sera la grande « affaire Woody Allen », le grand scandale comme Hollywood n’en avait plus imaginés depuis les années vingt et les frasques de Fatty Arbuckle ou de Clara Bow.
Mia Farrow et Woody Allen se séparent avec fracas, Mia a découvert que son compagnon de vie depuis 12 ans avait une liaison avec sa fille adoptive Soon-Yi, la petite coréenne à la santé chancelante qu’elle avait adoptée en 1978 avec André Previn.
L’affaire va gravement se corser. La petite Dylan, sept ans au moment des faits accuse Woody Allen d’attouchements sexuels et Mia porte immédiatement plainte contre son ex compagnon. L’affaire fera un véritable tollé, l’Amérique se scindant en deux partis, ceux qui croient Woody innocent ceux qui sont sûrs de sa culpabilité.
Mais la petite Dylan n’a que sept ans, son témoignage est décousu, contradictoire. Les charges contre Woody Allen seront abandonnées, on aurait aimé plus de détails à la cour de justice. On accusera la petite fille d’avoir voulu faire son intéressante et Mia de lui avoir mis « des sales idées dans la tête ».

Pourtant, devenue adulte, Dylan ne reviendra jamais sur ses dires et regrettera au contraire que pour avoir voulu la protéger, sa mère n’ait pas accepté qu’elle témoigne au tribunal et que l’on se soit contenté de déclarations actées par les forces de l’ordre.
Mia Farrow obtiendra, malgré tout, la garde inconditionnelle des enfants car la cour de justice dans un joli paradoxe déboute la petite Dylan mais considère que Woody Allen n’est quand même pas une personne à qui confier des enfants !
Soon-Yi défendra son beau père et en 1997 elle deviendra l’épouse officielle de Woody Allen. Elle ne reverra plus Mia, il y aura quelques règlements de comptes par voie de presse. Mia déclarant « Notre way of life a peut-être été un choc plus profond qu’on ne peut l’imaginer pour cette petite fille souffreteuse ramassée dans une rue de Corée et conduite de force dans un orphelinat d’état ! » Et la principale intéressée de répondre « Il faut arrêter de prendre Mia Farrow pour une sainte ! ».
L’affaire Woody Allen un peu calmée, Mia adoptera ses six derniers enfants.
En 1998, sa mère Maureen O’Sullivan décède en Arizona à l’âge vénérable de 87 ans.
En 2000 sa fille Tam décède à 21 ans fauchée par le cancer. Huit ans plus tard c’est une de ses autres filles, Lark qui décède, emportée par le sida.
C’est ensuite son neveu, le fils unique de sa sœur Tisa qui décède d’une surdose médicamenteuse alors qu’il combattait en Irak.
Mia avait elle-même déterré la hache de guerre contre Tisa à qui elle reprochait d’avoir laissé son fils s’engager dans un combat contre lequel elle militait intensément.
L’année suivante c’est son frère Patrick qui se donne la mort.
Patrick étant terriblement attaché au fils de Tisa, Mia mettra le geste désespéré de son frère au crédit du décès de leur neveu et en tiendra Tisa pour responsable.

Les cinéphiles qui s’étonnaient qu’il existât des films de Mia Farrow autres que celui de Polanski et ceux de Woody Allen s’imaginent volontiers que Mia Farrow s’est éloignée des écrans après sa tonitruante rupture. Elle a pourtant continué sa carrière travaillant un peu pour la télévision et tournant un ou deux films par an tout en bataillant avec beaucoup d’énergie dans la succession d’Audrey Hepburn à l’UNICEF.
Maintenant, que les films que tourne Mia Farrow n’atteignent plus à la perfection de « Purple Rose of Cairo » est une autre histoire.
« De tous les films que j’ai tournés avec Mia Farrow, « Purple Rose of Cairo » est le plus touchant. Un des seuls films que j’ai fait dont je suis entièrement satisfait. Je la revois encore sur le tournage. On était en plein hiver, elle mourrait de froid avec son petit manteau et ce petit chapeau qui lui allaient si bien. Elle possédait une vraie dimension chaplinesque et elle a apporté une émotion authentique au personnage et au film. On peut donner n’importe quoi à faire à Mia, elle en fera quelque chose d’unique à chaque fois. Elle est parfaite. Comédie ? Drame ? Aucun problème ! Elle assure à elle seule la définition du mot « professionnelle » et en plus c’est une très grande actrice. »
Woody Allen
Celine Colassin

QUE VOIR ?
1959 : John Paul Jones : Pour faire plaisir à sa fille, John Farrow lui permet de tenir un petit rôle dans son film de pirates à l’ombre de Robert Stack, Marisa Pavan et…Bette Davis qu’elle retrouvera vingt ans plus tard pour « Mort sur le Nil ».
1968 : Rosemary’s Baby : Le triomphe emblématique de la carrière de Mia comme de celle de Roman Polanski. Le film n’a rien perdu de son impact malgré l’évolution des effets spéciaux d’ailleurs sans le moindre intérêt et après « Psychose » c’est à son tour de devenir une série TV près de 50 ans après avoir été tourné !
1968 : Secret Ceremony : Elizabeth Taylor en prostituée vulgaire, Mia en millionnaire cinglée et Robert Mitchum en pré retraite pour un film sombre et ambigu de Joseph Losey.
1969 : John and Mary : Un film plutôt romanesque dont l’action se tient en une seule journée, celle où Mia rencontre Dustin Hoffman. La lecture en est un peu faussée lors de sa sortie car le public s’attend, à cause de la présence de Mia voir surgit l’horreur à chaque image ! Or, il s’agit d’une tentative « nouvelle vague » du cinéma américain et ce n’est pas un hasard si John et Mary se rencontrent autour d’une discussion sur le dernier film de Jean-Luc Godard ! C’est un avertissement!
1971 : Blind Terror : Depuis le triomphe de « Rosemary’s baby », Mia se voit étiquetée « terreur filmée ». La voici aveugle dans un film tarabiscoté qui n’est pas sans évoquer « Seule dans la Nuit » où se débattait Audrey Hepburn. Dans une des scènes du film, Mia, aveugle je le rappelle, fuyant à travers les bois et les forêts se vautre lamentablement dans la gadoue. Les photos de Mia couverte de boue des pieds à la tête parurent dans la presse et scandalisèrent un peu tout le monde « Mia, pourquoi tant de boue ? » peut-on lire un peu partout, l’image symbolisant aux yeux d’une certaine presse le déclin d’une certaine élégance au cinéma.
1972 : Docteur Popaul : Chabrol, dieu sait pourquoi se lance dans la comédie gaudriolante, genre qui ne lui a jamais vraiment réussi et parachute Mia Farrow entre Jean-Paul Belmondo tel qu’en lui-même et sa sublime compagne du moment Laura Antonelli. On pourra voir passer une jeune Josiane Balasko, mortifiée d’avoir été choisie par Chabrol pour jouer les laiderons !
1974 : The Great Gatsby : Jack Clayton adapte Scott Fitzgerald dans un film glamour à mort, précurseur de la superproduction vintage ! Un rôle taillé sur mesures pour Redford ! Notons que la chose avait déjà fait l’objet d’une adaptation en 1926.
1977 : Le cercle infernal. A peu près dix ans jour pour jour après le tournage de « Rosemary’s baby », Mia Farrow renoue avec le genre angoisses et cauchemars. Elle est une mère de famille qui voit sa fille s’étouffer devant elle en mangeant une pomme. Incapable de lui venir en aide, en désespoir de cause elle utilise un couteau et lui tranche la gorge. C’est le début d’une spirale infernale…Dont je ne dirai rien.
1978 : Avalanche : On oublie souvent la période « superproductions » dans la carrière de Mia Farrow : la voici dans un film catastrophe très enneigé avec Rock Hudson
1978 : Death on the Nile : Une adaptation très luxueuse d’un roman d’Agatha Christie avec Peter Ustinov en Hercule Poirot.
1979 : Hurricane : Les cinéastes hollywoodiens ayant parfois d’étranges idées, Jan Troell, se prenant pour John Ford confie la succession de Dorothy Lamour dans son rôle le plus emblématique de sa carrière à Mia Farrow. Il convient cependant de préciser que le projet initial était un projet de Roman Polanski qui ne pourra pas s’en acquitter puisqu’il est emprisonné à l’heure où doit débuter le tournage. Ce sera également la dernière musique de film composée par Nino Rota qui décède avant la fin du tournage.
1982: A Midsummer Night’s sex Comedy: la première collaboration Mia-Woody. Etrangement le public ne suit pas et il faudra attendre la collaboration suivante du couple sur Zelig pour rencontrer le succès.
1983 : Zelig : Mia psychanalyse Woody Allen dans les années 30 ! Le film est particulièrement habile en jouant d’effets spéciaux très réussis intégrant Woody Allen dans des films d’archives. C’est ainsi que l’on peut voir Zelig en compagnie d’Hitler.
1984 : Broadway Danny Rose : Woody impresario à la manque de Broadway dans un film dont de nombreuses scènes dont la scène d’ouverture évoquent furieusement le futur « Meurtres à Manhattan »
1985 : Purple Rose of Cairo : Mon film préféré de Woody Allen avec Radio Days. Le seul film qui a mon sens réussit à traduire la fascination absolue qu’ont exercée les grandes stars du Hollywood de l’âge d’or sur leur public. Mes grand’ mères et leurs sœurs auraient toutes pu être le personnage du film.
1986 : Hannah and her Sisters : Une petite pépite Woody Allenienne devenue un des grands classiques de son oeuvre et où on verra passer Maureen O’Sullivan. Après ce film, le cinéma subira une véritable épidémie de « films de dîners de famille ». Diane Wiest remportera un Oscar pour avoir été une des sœurs de Mia et Michael Caine pour avoir été son mari. Le film est un succès commercial énorme et Woody Allen voit son scénario oscarisé lui aussi.
1987 : Radio Days : Woody Allen, après le théâtre de Broadway et le cinéma d’Hollywood se souvient du pouvoir inouï qu’ont eu les vedettes de la radio dans les années 30-40. La séquence « martiens » d’Orson Welles est un bijou absolu et Woody Allen manipule la nostalgie comme personne.
1988 : September : Ce film de Woody Allen souvent considéré comme mineur dans son œuvre est un huis-clos familial à mi-chemin entre sonate d’automne (Mia Farrow s’est fait la tête de Liv Ullman) et l’affaire Cheryl Crane. C’est si magnifiquement filmé si magnifiquement joué qu’on est loin me semble-il d’un film « mineur ».
1989 : Crimes and Misdemeanors : Mia en productrice tv à succès et Anjelica Huston en hôtesse de l’air ! Ce film vaudra un doublé aux Oscars à Woody Allen pour le meilleur film et le meilleur scénario.
1990 : Alice : Woody fait de Mia une riche new-yorkaise obtient de son médecin chinois une potion qui la rend invisible, faut-il y voir un signe lancé par le cinéaste à sa compagne ?
1991 : Shadows and Fog : Sans doute le seul intérêt du film est-il la présence de Madonna dans l’univers de Woody Allen ?
1992 : Husbands and Wives : la collaboration filmée Allen-Farrow s’achève, le film sort en même temps que le fameux scandale n’éclate. Mais pour en revenir au film, quelle étrange idée d’avoir choisi Sydney Pollack comme acteur. Judy Davis quant à elle sera nommée aux oscars pour son second rôle dans l’ombre de Mia mais elle sera évincée par Marisa Tomei hilarissime dans « Mon Cousin Vinny »
2002 : Purpose : j’ai loupé le film et ne pourrai hélas rien en dire.
LES FILMS QUE VOS NE VERREZ PAS
(Avec Mia Farrow)
The Détective : Mia renonce à son rôle au côté de son époux Frank Sinatra pour devenir la Rosemary de Roman Polanski


