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ANNIE DUCAUX


Annie Ducaux, Cette belle et altière créature naquit à Besançon le 10 Septembre 1908 sous le patronyme d’Anne-Marie Catherine Ducaux et…C’est à peur près tout ce que je saurai d’elle jusqu’à sa mort la nuit de la Saint Sylvestre 1996 à la maison de retraite de Champeaux en Seine et Marne.

 L’actrice en effet fut littéralement allergique aux « à côtés » de son statut pourtant très prestigieux de comédienne. Enfiler une robe de soir Maggy Rouff ou Schiaparelli pour la première d’un de ses films lui fut toujours un insupportable pensum et la star rechignait si bien que l’on se résolut à se passer de sa présence !


Cette blonde aux yeux clairs, exceptionnellement grande pour son époque et pourvue d’une distinction innée doublée d’une élégance rare serait sans aucun doute devenue un mannequin haute couture si la passion du théâtre ne l’avait pas taraudée dès le plus jeune âge.


Premier prix de conservatoire, Annie Ducaux débute à l’écran dès 1932 dans « Coup de Feu à l’Aube », elle a 24 ans.

Un film qui l’emmène dans les studios berlinois de l’UFA. Serge de Poligny, son premier metteur en scène la dirige dans ce qui est la version française du film « Schuss Im Morgengrauen » tourné simultanément en Allemand, procédé courant à l’époque où le doublage n’a pas encore fait son apparition.

Le film inaugural d’Annie Ducaux ne connaîtra aucun succès, même lorsque la production tentera une nouvelle sortie sous le titre de « La Femme au Diamant ». Aucun nom sensé affoler les foules devant les caisses ne brille à l’affiche, qu’elle soit Française ou Allemande. Le seul nom connu est celui de Peter Lorre qui a un bout de rôle dans la version teutonne.

Mais l’insuccès du film fera moins pour démoraliser la nouvelle venue des écrans que la vision de son nez en gros plan qui lui déplaît souverainement. Annie Ducaux est peut-être la première star française bien avant Juliette Greco, Martine Carol ou Jean-Claude Pascal à faire rectifier son appendice nasal.

 

Malgré l’insuccès de ce « Coup de Feu à l’Aube » qui fit moins de bruit qu’un pétard mouillé, Annie Ducaux va enchaîner les tournages et adopter dès 1933 un aimable rythme de croisière d’un film tous les deux mois. C’est qu’il ne faudrait pas, voyez vous, qu’engagée sur un film elle rate un rôle au théâtre. Le paysage culturel français sera durant les années 3O baigné de la lumière éblouissante du nom d’Annie Ducaux aux frontons des théâtres et des cinémas. Après ses piteux débuts, elle gagne en assurance et en abattage et des metteurs en scène aussi prestigieux qu’Abel Gance, Henri Diamant Berger ou Léonide Moguy aiment à s’assurer de sa radieuse présence dans leurs films.

Si aujourd’hui le souvenir d’Edwige Feuillère nous reste encore un peu comme celui de la grande élégance du cinéma Français d’avant guère, c’est sans doute que n’ayant pas la perfection d’Annie Ducaux, elle fit plus de tapage autour de ses efforts. Les dames ne sont pourtant pas rivales pour la bonne raison que dame Ducaux n’a rien à faire de ces vétilles. Ces deux prestigieuses personnes ne rechigneront ni l’une ni l’autre à s’adonner à la comédie. A cette différence près qu’Edwige Feuillère vécut l’expérience comme un mal nécessaire à une actrice qui se devait de savoir tout faire et qu’Annie Ducaux adora s’amuser en amusant.

Elle formera à trois reprises un « team » drolatique avec l’excellent André Luguet qui pour n’avoir pas le tapage de celui que formeront plus tard Louis de Funès et Claude Gensac, n’en fut pas moins drôle. « L’Inévitable Monsieur Dubois », « Florence est Folle » et « La Patronne » restent encore aujourd’hui de vrais petits bijoux sans prétention du cinéma français à qui la postérité n’accorde pas la place qu’ils méritent.


En ce qui la concerne, malgré son immense popularité, dès son costume ôté son maquillage effacé, Annie Ducaux cesse d’être une star, une vedette ou même un personnage public et regagne son appartement du quai Branly.

 Elle n’est plus alors que la très distinguée épouse d’un industriel fortuné.

A la fin des années 30, suite au succès colossal de « Prison sans Barreaux » où Corinne Luchaire fit un triomphe au moins aussi colossal que celui qui honorera la prestation de Martine Carol dans « Caroline Chérie », il devient difficile à l’actrice de continuer à vivre dans son cher incognito parisien. Elle achète alors une propriété à Andrésy dans les Yvelines dont le jardin vient mourir dans la Seine. Le côté bucolique des lieux ne justifie pas à lui seul le choix d’Annie Ducaux pour Andrésy. La belle Otero elle-même y a vécu avant son exil cannois, c’est dire si les habitants en ont vu des « théâtreux de Paris » et qu’ils s’en fichent bien !

C’est tout ce qu’il fallait pour qu’Annie Ducaux se décide !

 Annie y a pour voisin direct Bernard Lancret, lui aussi comédien en vogue depuis qu’il personnifia le peintre Breughel dans la « Kermesse Héroïque » de Jacques Feyder. Ajoutons que Lancret est marié à la comédienne Christiane Delyne, que le couple reçoit parfois Marais et Cocteau pour le week-end et on aura une petite idée ce de ce mini Beverly Hills sur Seine.

 Laquelle Seine sortait parfois de son lit pour une inondation impromptue, ces beaux messieurs et ces belles dames se réfugiant alors sur les hauteurs, chez Mouloudji ou Lise Delamare, improvisant de petites soirées théâtrales arrosées de champagne en attendant que la rivière daigne reprendre sa place dans son lit !


L’occupation Allemande trouva Annie Ducaux au sommet des affiches en compagnie d’Arletty pour un film au titre de circonstances « Tempête sur Paris ».


L’actrice ralentira par la force des choses son travail durant les années guerre et le public la retrouvera avec délectation, plus belle encore dès la paix revenue, dirigée par d’autres metteurs en scène, honorés de sa présence à leurs génériques dont Gilles Grangier, Pierre Billion, ou Jean Delannoy.

A la fin des années 40, Annie Ducaux, pourtant remariée à un producteur Suisse prend ses distances avec le cinéma. C’est que, voyez-vous, la dame a fini par rejoindre le temple sacré qu’est à ses yeux la Comédie Française. Elle y entre en 1946 et y restera 35 ans, allant de triomphe en triomphe.


On ne la reverra pour ainsi dire plus à l’écran si ce n’est dans « Les Grandes Familles », dans un rôle qui n’empiéta pas trop sur son emploi du temps et pour le plaisir qui ne se refuse pas d’être la femme de Gabin à l’écran. Si l’on excepte ses deux films de 1961, « La Belle Américaine » et « La Princesse de Clèves », la carrière au cinéma d’Annie Ducaux est bien morte avec les années 40. Mais son prestige intact demeure, l’actrice est bien une très grande dame de la scène et des écrans.


On la voit à la télévision et un an avant sa fin elle est encore une saisissante « Folle de Chaillot ».

Annie Ducaux s’éteint, son souvenir demeure et avec lui les rôles marqués à jamais de son éblouissante personnalité, de sa technique impeccable et de son éblouissante et digne beauté.

Celine Colassin.


QUE VOIR ?

1932 : Coup de Feu à l’Aube : Le film des débuts.

1933 : Le Gendre de Monsieur Poirier : Dès ce second film, le ton Annie Ducaux est donné, la voici premier rôle entre les très académiques et non moins excellents Jean Debucourt et Maurice Escande.

1934 : Cessez le Feu : Un scénario original de Joseph Kessel. Ce film de Jacques de Baroncelli semble voir disparu.

1936 : Les deux gosses : Voilà bien un film qui ne serait plus envisagé aujourd’hui et pour tout dire, il me semble être déjà très démodé en 1936. On en avait fini de pareilles sornettes d’enfants martyrs à côté desquelles les deux orphelines ont l’air de danseuses de cancan un soir de bombance. Songez donc qu’un nanti se croyant cocu se persuade que son enfant n’est pas de lui et le refile à un couple de Thénardier en roulotte. Lesquels exploitent déjà un petit être famélique et souffreteux. S’en suit de rocambolesques invraisemblances jusqu’à ce que le richissime découvre la pureté matrimoniale de madame et décide de racheter son rejeton aux malandrins qui lui refilent l’autre !

 1936 : Un grand amour de Beethoven : C’est Harry Baur qui incarne le compositeur sourd sous la direction d’Abel Gance.

 1938 : Le Voleur de Femmes : Un film d’Abel Gance qui vouait à Annie Ducaux un véritable culte

1938 : Prison sans Barreaux : Le film qui fit de Corinne Luchaire ce que l’on appelait alors une « grande vedette de l’écran français », laquelle mourra frappée d’indignité nationale. Annie Ducaux est ici madame Deschanel, la directrice de la « maison de redressement pour femmes » où croupit la belle Corinne aux « yeux semés d’étoiles et aux cheveux de lin ». Ginette Leclerc est elle aussi sous la surveillance d’Annie.

 1938 : Conflit : Toujours Léonide Moguy, toujours Corinne Luchaire pour un autre drame. Elles sont ici deux sœurs et Annie tire sur Corinne. Aucune des deux ne consent à s’expliquer.


 1940 : Tempête (Sur Paris) : Un film qui mérite d’être redécouvert, ne fusse que pour son casting

 1940 : L’Empreinte du Dieu : Plus allurale que jamais, Annie face à Pierre Blanchar, lequel affronte aussi Blanchette Brunoy et Ginette Leclerc.

 1942 : La Dernière Aventure : Cette fois la délicieuse Blanchette Brunoy dépasse Annie Ducaux au sommet de l’affiche.

 1942 : L’Inévitable Monsieur Dubois : La France occupée, privée de films américains se lance sous le soleil du midi dans la réalisation de « comédies à téléphones blancs » que n’auraient pas désavouées Lubitsch, Carole Lombard ou Cary Grant. Annie Ducaux est ici une « working girl », parfumeuse à Grasse, flanquée d’un artiste peintre hurluberlu campé par André Luguet. Le pari peut sembler impossible à relever, et bien détrompez-vous, le film est jubilatoire.

1944 : Florence est Folle : Le team Annie-Ducaux-André Luguet avait connu un tel succès avec « L’Inévitable Monsieur Dubois » que Georges Lacombe remit le couvert et réadapta pour Annie un rôle déjà tenu à Hollywood par Barbara Stanwyck dans « The Mad Mrs Manton ». André Luguet quant à lui succède à Henri Fonda.

 1947 : Rêves d’Amour : A savoir ceux de Pierre Richard Wilm et Mila Parély sous le regard d’Annie et de Jules Berry.

1947 : Rendez-vous à Paris : Voici Annie cantatrice voyageant incognito sur un transatlantique pour Gilles Grangier. Elle fera la rencontre d’un Claude Dauphin recherché par la police à qui elle confiera un précieux collier pour le « tester ». Voilà, voilà. Soulignons une des dernières apparitions de l’ineffable Marguerite Moreno. 

 

1950 : La Patronne : Troisièmes retrouvailles d’Annie Ducaux et André Luguet dans un registre comique. Il faut savoir que « la patronne » est en fait André Luguet soi-même qui commit le scénario du film d’après la pièce éponyme qui tint l’affiche deux ans guichets fermés à Paris. « La Patronne » fut pour Luguet ce que fut « La Cage aux Folles » pour Michel Serrault, et le film fut au moins aussi attendu. Vous verrez, si l’occasion vous en est donnée, Luguet dans « La Patronne » portant de très seyants costumes sur de confortables sandales d’une féminité rare. Lorsqu’il fait partie d’un jury de « miss » c’est lui qui a les plus hauts talons ! C’est Robert Dhéry des « Branquignols » qui assure la mise en scène.

1958 : Les Grandes Familles : Annie Ducaux est madame Adèle Schoudler, alias madame Gabin, laquelle, très à cheval sur les grandes manières trouve quand même l’avortement pratique et relativement élégant quand il s’agit d’éviter à la fois le scandale et le pouponnage.

 

1961 : La Princesse de Clèves : Alias la très en beauté Marina Vlady, Annie Ducaux campe une non moins allurale Diane de Poitiers, personnage auquel Lana Turner prêta également ses traits.

 1961 : La Belle Américaine : Sans doute par curiosité pour le genre, Annie Ducaux termine sa glorieuse et très prestigieuse carrière par une comédie de Robert Dhery.

 

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