Barbara Luna fut plus qu’une actrice, plus qu’une artiste.
Elle est un phénomène tel que personne ne serait surpris d’apprendre qu’elle est arrivée sur terre en soucoupe volante en droite ligne d’une autre galaxie. Une galaxie où on aurait meilleure santé inaltérable, enviable longévité, jeunesse éternelle, énergie inépuisable et tous les talents possibles.
Hollywood avec ses œillères habituelles ne verra en elle qu’une starlette exotique de plus. C’est une véritable maladie hollywoodienne que de faire des actrices des potiches exotiques plutôt que d’exploiter leur réelle personnalité. Gene Tierney fut chinoise, arabe, polynésienne. La russe Natalie Wood fut une indienne et même Marlène Dietrich la prussienne fut espagnole. Si Greta Garbo avait été plus conciliante, nul doute qu’ils en auraient fait une squaw ou une princesse de la banquise chez les esquimaux.
Ceci dit, pour instruire l’affaire à charge et à décharge, il faut bien reconnaître que l’arbre généalogique de Barbara Luna était lui-même d’une espèce aussi rare qu’exotique.
Barbara Anna Luna naît à Manhattan le 2 mars 1937. Sa maman est juive hongroise avec un père italien. Son père est né à Manille aux Philippines d’une maman espagnole. Il y a aussi dans ses veines délicates quelques sang portugais pour la bonne mesure. Jolie mixture.
Très jeune elle s’est entichée de danse, de théâtre et bien sûr de cinéma. Ecolière modèle aux résultats brillants, ses parents ne se font pas trop de souci pour elle. C’est une petite demoiselle sage studieuse et obéissante. On peut lui faire confiance. Ce qui lui permet d’écumer en douce les petites annonces de castings sur Broadway. Et c’est ainsi, alors qu’elle n’a que 13 ans qu’elle débute sur scène dans « South Pacific ». Une comédie musicale qu’elle quitte bientôt pour un rôle plus conséquent dans « Le roi et moi » où déjà on fait d’elle une petite siamoise.
Le soir elle est en scène et s’époumone, la journée elle est sagement assise sur les bancs de l’école !
Elle abandonnera son rôle lorsque la pièce partira en tournée. Elle ne veut pas quitter l’école ! Elle enchaîne avec un troisième grand spectacle « La maison de thé sous la lune d’août » où elle sera cette fois japonaise. Son diplôme d’école secondaire enfin en poche elle tiendra son rôle deux ans, de 1954 à 1956. Cette fois, elle suivra la pièce en tournée mondiale, ce qui la mènera jusqu’à Okinawa où l’action de la pièce était censée se dérouler. C’est toujours en tournée avec sa maison de thé, cette fois à Los Angeles, toujours grimée en japonaise, qu’elle épate le réalisateur Mervyn Leroy. Il l’engage le soir même pour donner la réplique à Frank Sinatra dans « Le diable à quatre heures ».
S’il est trop tôt pour dire qu’une star est née, en tout cas une nouvelle actrice est arrivée.
Mais nouvelle, seulement pour Hollywood. La télévision qui se fait alors essentiellement à New-York n’a pas attendu le bon vouloir de Mervyn Leroy pour faire travailler Barbara. Elle a déjà tourné dans une vingtaine de séries et a même tenu un rôle récurrent dans la série « Zorro ». Elle a même tâté, fort discrètement il est vrai le cinéma.
Chorus girl dans L’ange bleu version 1959, elle avait vendu ses charmes dans « Elmer Gentry ».
Elle est donc loin d’être une nouvelle petite starlette essayée à bas prix. Toute exotique qu’elle soit. Lucille Ball qui crée son propre studio de production TV, la Desilu lui fait une confiance absolue et Barbara tourne et tournera dans toutes les séries de la Desilu. Et puis elle a déjà 23 ans. Elle n’a plus l’âge des exhibitions sur calendriers pour chauffeurs routiers ni pour poser déguisée en lapin de Pâques. Playboy peut aller se faire voir ailleurs. Elle préfère rejoindre le très prestigieux plateau de « La Nef des Fous » entre Vivien Leigh et Simone Signoret.
Dans cette activité folle qui pourrait passer pour une boulimie de tournage, elle avait trouvé le temps de devenir madame Sander Mann Salkind en 1956. Un mariage qui finira en 1958 et dont Barbara elle-même parlera peu, voire pas du tout dans ses rares interviews.
Comme si elle avait le temps d’en donner !
Son mariage suivant sera moins discret et régalera vivement les gazettes. Barbara épouse l’acteur Doug McClure. Un mariage lui aussi tout aussi bref que le précédent. Le couple restera uni de 1961 à 1963.
Doug aura eu le temps de se marier cinq fois avant d’être emporté par le cancer du poumon à seulement 59 ans.
Barbara de son côté poursuit sur sa flamboyante lancée.
Le cinéma c’est une chose mais elle n’a pas abandonné Broadway pour autant. De West Side Story à Chorus Line, elle est une des reines des scènes new-yorkaises et semble passer sa vie sur les plateaux de télévision.
Un admirateur assidu aura un jour l’idée de lister tous ses rôles, toutes ses apparitions à la télévision et renoncera devant l’ampleur de la tâche à la cinq centième référence. Des Drôles de dames à Dallas, de Mike Hammer à Bonanza, de l’homme à la Rolls à Laredo, des Envahisseurs à Tarzan, de Kung Fu à Cannon, de Spider man à Hawaï 5-0, de Supercopter à Mission impossible, de Rick Hunter à Star Trek, elle est partout.
C’est d’ailleurs à la télévision qu’elle doit son titre de gloire plutôt inattendu. En 1967, elle tourne un épisode d’une série de science-fiction sans grande renommée : Star Trek. Mais Star Trek devient au fil des ans un classique, une légende et finalement une marque comme James Bond ou La Guerre des étoiles. L’épisode de Barbara devient cultissime et elle symbolise pour le monde entier le phénomène Star Trek à elle toute seule. Invitée dans le monde entier à chaque reprise, chaque festival, chaque nouveau tournage, elle se prête volontiers au jeu et apparaît en véritable sirène qui pourrait tenir la dragée haute à Julia Roberts ou Sandra Bullock même si miss Luna galope allègrement vers ses 90 ans.
Le 4 octobre 1993, elle avait fait une troisième tentative matrimoniale en devenant madame Steve Hiram Gerber mais il semble que ce ne soit définitivement pas son truc. Elle était à nouveau divorcée dès 1998.
Celine Colassin
QUE VOIR ?
1958 : Tank Bataillon : Avec Leslie Parrish et Edward G. Robinson Jr.
1959 : Cry Tough : Avec Linda Cristal et John Saxon
1959 : L’ange bleu : Avec May Britt et Curd Jürgens
1960 : Elmer Gentry : Avec Shirley Jones et Burt Lancaster
1961 : Le diable à quatre heures : Avec Frank Sinatra et Spencer Tracy
1962 : Five Weeks in a Balloon : Avec Barbara Eden et Fabian
1963 : Dime with a Halo : Avec Rafael Lopez
1964 : Mail order Bride : Avec Lois Nettleton et Buddy Ebsen
1965 : Synanon : Avec Stella Stevens et Edmond O’Brien
1965 : Ship of Fools : Avec Vivien Leigh, Lee Marvin et Simone Signoret
1968 : Firecreek : Avec James Stewart, Inger Stevens et Henri Fonda
1969 : Che ! Avec Omar Sharif et Jack Palance
1973 : Camper John (Gentle Savage) Avec William Smith
1982 : The Concrete Jungle : Avec Jill Saint John et Nita Talbot
1997 : Fool’s paradise : Avec Karen Duffy
2015 : Superseven Unchained : Avec Jerry Kokich
2020 : Unbeliveble !!!! Avec Snoop Dog et Chase Masterson