Le 7 mai 1918 (1914 selon certaines sources) naît à Vienne Ludowika Paula Koller d'un père médecin et d'une mère Française. Bien que grandissant dans un pays vaincu par la guerre, la petite Ludowika ne souffre d'aucune des privations qui sont pourtant le lot de ses concitoyens. Sa mère dont le chic parisien ne s'est jamais démenti l'escorte à de coûteux cours de danse, de chant, de maintient et de que sais-je encore. Peaufinant la perfection de sa fille jusqu'au soir où enfin rentrées à la maison, la petite peut enfin apprendre le Français. C'est que voyez-vous, l'éducation mène à tout. Et permet surtout à la petite demoiselle de se projeter dans un avenir doré sans souffrir du marasme ambiant.
La jeune Ludowika fera ses débuts sur scène à Bruxelles où elle danse de manière plutôt convaincue avant de se faire offrir un contrat à la UFA dès 1940.
Destinée aux rôles de petites françaises aguichantes, elle est rebaptisée Paulette Collar avant de devenir Monika Burg car le studio, in fine, a décidé de la parachuter dans la comédie musicale. Dans les années 30, toutes les stars françaises à commencer par Arletty, Gabin ou Morgan ont tourné pour la UFA toute puissante ce qui était on ne peut plus normal. Lorsque la guerre éclata, ils se retrouvèrent tous liés par contrat à la firme allemande et durent s'enfuir pour ne pas être contraints et forcés de se soumettre à la toute puissante firme teutonne.
Monika, puisque Monika il y a, n'avait pas les mêmes scrupules. Après tout, n'était elle pas née à Vienne? Le UFA payait bien, son étoile grandissait. Les rôles lui plaisaient.
La politique, la guerre, ce n'était pas son affaire.
Elle, elle faisait des films.
Pourtant, dès 1943, elle sent le vent tourner, les choses se gâter.
Devenue bien malgré elle témoin de choses peu dignes d'un Reich, elle s'enfuit et gagne la France en même temps qu'un nouveau pseudonyme.
Elle cherche du travail sous le nom de Pola Vivardi ou Paulette Von Suchan, mais rien n'y fait. les films Allemands ont été largement diffusés et sa tête est aussi connue que celle de Zarah Léander ou de Marika Rokk! L'actrice est boycottée et il faudra tout le courage d'Allégret pour la distribuer dans un court rôle de prostituée dans "Dédée d'Anvers" en 1947 avec Simone Signoret, Bernard Blier et Jane Marken, elle est alors devenue , enfin, Claude Farell.
Elle avouera plus tard qu'elle avait souffert de la faim avant la planche de salut providentielle d'Allégret. Très vite le cinéma français va s'arracher cette très allurale nouvelle venue aux qualités exceptionnelles pour une débutante. Et pour cause! Elle a tourné au moins dix films en vedette avant la panne d'Allégret mais à la candeur de "nier l'affaire" comme disent nos contemporains.
Claude Farell (qui ne changera plus de nom) fera une carrière prestigieuse grâce à des films qui le sont rarement. Sa notoriété s'étend en dehors de nos frontières et Fellini lui-même la sollicite pour "Les Inutiles" (Ce qui est à l'époque peu prestigieux, Fellini étant encore rigoureusement inconnu!)
En 1950, elle s'amuse elle-même de sa renommée à propos de son film "Nuit de Noces au Paradis": "Je ne suis plus une actrice je suis une véritable salade russe! Moi qui suis une vedette française de nationalité autrichienne je tourne en Italie un film allemand sous la direction d'un réalisateur hongrois avec un partenaire hollandais!" Et lorsqu'on lui demande quels sont ses futurs projets elle répond " Oh, d'abord je termine le tournage à Wiesbaden puis je rentre à Paris avant d'aller me reposer en Savoie avant de rejoindre mon mari à Londres où il tourne des films documentaires! "
Ne jugeant pas utile d'ajouter qu'elle épousait un réalisateur débutant, Michael Connor qui lui donnera une fille.
En 1953, l'actrice qui n'a pas froid aux yeux retrouve les caméras du cinéma Allemand...En Allemagne, comme si de rien n'était.
Elle tournera pour le cinéma international jusqu'en 1969 et persévèrera à la télévision dix ans de plus. Elle finit par sagement se retirer dans sa jolie propriété de Bourgogne où elle coula 30 années de jours heureux bien gagnés avant de s'éteindre le 17 mars 2008 deux mois avant de fêter ses 90 ans. (ou ses 93, donc!)
Celine Colassin
QUE VOIR?
1947: Dédée d'Anvers: Avec Simone Signoret et Bernard Blier
1947: Les Requins de Gibraltar: Avec Annie Ducaux
1948: La Nuit Blanche: Avec Pierre Brasseur.
1949: Le Secret de Mayerling: Avec Dominique Blanchar et Jean Marais
1950: Hochzeitsnacht im Paradies: Avec Johannes Heesters
1951: Méfiez-Vous des Blondes: Avec Martine Carol et Raymond Rouleau
1952: Allo, Je t'Aime: Avec Robert Lamoureux et Denise Grey
1953: Les Inutiles: Avec Alberto Sordi
1955: Die Drei von der Tankstelle: Avec Germaine Damar
1960: Le Cercle Vicieux: Avec Luisa Colpeyn et Claude Titre