
Puisque j'aime tant le Hollywood des années glorieuses et ses stars rutilantes, je devrais éprouver une admiration sans bornes pour miss Hedy Lamarr. Elle fut de l’avis unanime la plus fabuleuse créature des écrans de l’âge d’or. La Dalila éternelle et sublime de Cecil B. De Mille.
Or, j’ose à peine l’avouer, la créature miraculeuse m’ennuie.
Il ne me viendrait pas à l’idée de contester cette beauté fracassante ni le prestige qui est le sien et dont le souvenir brille haut et clair, glamourissime en diable au firmament des étoiles les plus fabuleuses du firmament hollywoodien.
Je n’éprouve hélas jamais en voyant un film d’Hedy Lamarr le délicieux frisson que procurent à l’image des stars telles que Katharine Hepburn, Bette Davis, Carole Lombard ou même Dorothy Lamour. Ces actrices qui nous donnent bien plus qu’une beauté somme toute artificielle et une élégance très relative à admirer. Elles nous donnent une part de leur cœur et de leur humanité.
Nimbée du statut de femme la plus belle du monde et de star prestigieuse parmi les plus prestigieuses, Hedy Lamarr condescend à simplement se montrer. Se soumettre à cette occupation vague qui consiste à se faire admirer d’une foule mécréante qui voudrait une part de vous en échange des cinq malheureux cents d’une place de cinéma !
Dans ses films, Hedy semble s’ennuyer prodigieusement. Complètement absente des tourments de l’héroïne qu’elle incarne, l’actrice ne joue pas, elle attend que ça se termine.

Et puis il y a cette étrange légende qui entoure la vraie Hedy Lamarr.
Cette Fräulein Hedwig Eva Maria Kiesler née dans les quartiers chics de Vienne le 9 Novembre 1914.
Miss Kiesler, cette petite fille juive née dans une famille de la haute bourgeoisie viennoise d’une mère professeur de piano et d’un père banquier fut dès ses premiers cris une créature à la beauté surnaturelle. Elle grandit donc dans l’apprentissage des bonnes manières, une cuillère d’or à la bouche et très vite persuadée elle-même de sa grande beauté et de sa haute importance. Si quelqu’un lui avait un jour annoncé qu’elle était destinée à devenir la reine du monde, elle aurait trouvé cela complètement normal et n’aurait même pas soulevé un cil tant c’était dans l’ordre des choses.
Ceci faillit d’ailleurs réellement lui arriver !
En attendant cet avenir glorieux, notre future étoile subit complaisamment une éducation de digne jeune fille et excelle aux « arts d’agrément » que sont le piano, la lecture, le chant et la broderie. Disons le tout de suite, elle ignore tout de l'existence d'une simple équation.
La divine créature sentit naître très tôt en elle, clament ses divers biographes, une envie irrésistible de devenir actrice ce qui la fit dit-on intégrer l’école de Max Reinhardt.
Il n’y a guère de traces, même chez les biographes les plus énamourés, d’un passé scolaire exceptionnellement brillant chez cette femme aujourd’hui considérée comme un des plus grands génies de son siècle.

Max Reinhardt dont se revendiquent toutes les actrices hollywoodiennes pêchées en Europe, de Garbo à Dietrich en passant par Ingrid Bergman se serait exclamé en voyant la belle Hedy Kiesler pour la première fois « Grands Dieux ! Vous êtes la plus belle femme que j’aie vue en Europe ! ». J’ignore qui était la beauté supérieure ou égale à celle d’Hedy qu’aurait rencontrée Reinhardt en de lointains confins extra continentaux. Et dans la foulée, ce sacré Max l’aurait soumise à quelques cinéastes de renom qui firent tourner la merveille. Dans quoi personne ne le sait, après "Extase" elle ne tournera strictement rien avant d'intégrer l'écurie MGM
Hedy tournera en effet quelques autres films que ce célèbre « Extase » qui allait la poursuivre toute sa vie. Elle y gambadait entièrement nue dans une de ses chères forêts viennoises et s’y précipitait dans l’onde pure et transparente d’un torrent pour y patauger joyeusement, de l'eau jusqu'aux chevilles et toujours aussi dévêtue. La belle ayant déposé son vêtement sur le dos de son cheval et celui-ci s’enfuyant à l’appel de l’amour d’une accorte jument, Hedy n’a d’autre alternative que de le poursuivre à travers la campagne toujours en tenue d’Eve. Si Hedy était réellement nue, la forêt n’était pas réellement viennoise. Le film ayant été tourné à Prague. Mais nous n’en sommes pas à un fallacieux détail près. Nous pouvons passer directement à la scène de masturbation qui soulage Hedy du stress de cette bucolique escapade.

En cette même année 1933, la belle Hedy Kiesler, actrice naturiste de son état a fait la rencontre du richissime fabriquant d’armes de père en fils Friedrich Mandl spécialisé dans la grenade.
Bien qu’il soit de 13 ans son aîné, Hedy n’a pas été éduquée pour refuser de tels partis.
Elle accepte d’emblée la demande en mariage de ce marchand de canons magnifiquement enrichi d’une première guerre mondiale encore toute fraîche dans les mémoires et ses actions boursières.
Le 10 Août 1933 elle devenait la belle et richissime madame Mandl.
Elle avait dix-huit ans et son mari 31.
La légende de miss Hedy Lamarr peut commencer.
Ou tout du moins on peut légitimement commencer à l’inventer, et donc à s’interroger.

La belle affirmera plus tard s’être prise d’une folle passion pour le département « recherche et développement » des usines de guerre Mandl. Elle aurait hanté les locaux et se serait gavée de tout son soûl de formules mathématiques et de théories complexes.
De là lui serait venu plus tard son génie qui lui permettra d’inventer le téléphone portable et le wifi entre autres choses indispensables à l’évolution du siècle suivant.
Les photos de l’époque nous montrent la très belle madame Mandl éternellement assoupie dans de profonds canapés, vêtue de seyants pyjamas de soie. Ce qui esthétiquement justifie ces clichés pris durant son sommeil feint.
Nulle part en tous cas on ne la voit en blouse blanche, ses lunettes sur le nez devant de belles équations scientifiques.
On imagine difficilement cette jeune mariée ultra sophistiquée, actrice et juive gambadant joyeusement dans les secrets militaires matrimoniaux. Mais bon, nous n’y étions pas.
On saura seulement qu’elle avait en effet évoqué dans une conversation conjugale ce fameux département de « recherche et développement », demandant à son mari s’ils ne pouvaient pas inventer un système pour lui gonfler les seins.
Toute sa vie en effet, elle regrettera amèrement sa poitrine plutôt menue.

Monsieur Mandl de son côté a une autre hantise.
Ce film scandaleux où sa femme se montre nue.
Il paye à prix d’or une véritable armée de fins limiers chargés de débusquer, acheter et détruire toutes les copies d’Extase. Mais aussitôt que l’une s’envole en fumée, une autre réapparaît comme par enchantement.
Ni lui ni Hedy ne pourront jamais venir à bout de ce joyeux petit film de plein air qui régale encore aujourd’hui à la fois les fans de la star et les amateurs du genre. Plus tard Louis B. Mayer n'y réussira pas mieux.
Et puis il y a un autre hic dans cette fructueuse association matrimoniale.
Pour son mari, Hedy est clairement une « femme trophée », une beauté sublime qu’il pare de tous les joyaux possibles pour éblouir ses relations et établir son statut social. Si Hedy couverte de perles et de fourrures sert magnifiquement le prestige de son mari. Elle sait parfaitement dresser la table et composer les menus pour des dîners de cent convives mais sa conversation d’une platitude confondante est d’un tel ennui qu’on en viendrait à plaindre le richissime mari de se coltiner une telle buse aussi fabuleusement belle soit-elle. Bientôt complètement excédé par la niaiserie de sa belle épouse, il finira par ne plus lui adresser la parole en dehors de leurs apparitions publiques et ne plus lui prêter la moindre attention.
On pourrait imaginer Hedy mortellement blessée par cette injonction au silence, devant uniquement se contenter de sourire, d’être belle et de ne s’exprimer que sur des sujets fort basiques comme le temps qu’il fait.
Mais il n’en est rien.
Au fond, se taire lui convient parfaitement.
Elle ne savait jamais, de son propre aveu, quoi dire.

Les Mandl auraient pu rester richissimes et mariés jusqu’à la fin des temps. D’autant qu’une autre guerre s’annonçait et que pour un fabriquant d’armes c’est plutôt un bon augure.
Madame ayant une passion pour les perles les plus rares, les plus parfaites et surtout les plus grosses, elle aurait sans doute supporté ce petit désagrément et fait contre mauvaise fortune bon cœur et surtout belle pêche.
Mais la belle madame Mandl, est, rappelons-le, juive. D’abord et avant tout.
Ce qui veut dire qu’elle ne prise que très moyennement de recevoir les envoyés d’Hitler et Mussolini à sa table. Si les guerres sont un des aléas les plus bruyants de la civilisation, le parti-pris clairement antisémite des nouveaux attaquants n’est pas pour lui plaire outre mesure.
Je tiens à signaler en passant qu’il sera prouvé qu’Heinrich Mandl n’a jamais été un sympathisant nazi. Mais bon, en ces années 30, je présume que les affaires étaient les affaires.
Je présume donc qu’un fabriquant d’armes ne méprise pas des messieurs envisageant de déclencher une nouvelle guerre mondiale sous prétexte qu’il ne partage pas toutes leurs convictions. Fût-ce ils les pires antisémites.
Et puis, monsieur Mandl était relativement juif lui-même.
Cette situation finit néanmoins par altérer l’entente distante mais cordiale entre les époux.

Les choses s’envenimèrent et la belle madame Mandl finit par se retrouver purement et simplement surveillée puis séquestrée par son mari. Les versions relatives à cette triste période abondent et il n’en est probablement aucune qui vaille la vérité que nous ne connaîtrons hélas jamais.
Dans l’une d’elles, Hedy réussit à s’engouffrer dans un taxi et se faire conduire au port où elle s’embarquera sur le dernier paquebot en partance pour l’Amérique, payant sa cabine de pont promenade avec un de ses bracelets de diamants. La même version existe avec Hedy nue sous un manteau de fourrure (ma préférée).
S’étant ensuite souvenue que l’Autriche est en effet un pays plein de paquebots sur le départ, elle se résolut à plutôt sauter dans un train en partance pour Paris.
Une autre version très joyeuse nous montre Hedy fuyant apeurée dans les rues de Vienne par une froide nuit d’hiver. Tout est noir, et soudain, une lanterne au dessus d’une porte, une faible flamme rouge. La naïve Hedy entre, se cache dans ce qui s’avèrera être une maison close. Dissimulée dans une chambre, un client la découvre et lui pose la question fatidique : « C’est combien ? » Peu au courant des usages, elle lui demande le prix de trois Rolls Royce, ce qu’il lui donne bien volontiers tant elle est belle, souvenons-nous en.
Plus riche en billets et plus pauvre en vertu, la belle fuyarde fut reprise le soir même par les limiers conjugaux qui ne chassaient maintenant plus le film « Extase » mais bien sa vedette.

Hedy Lamarr devenue la star que l’on sait se contenta longtemps de cette épique version, puis la trouvant finalement d’un goût douteux la nia vertement. On en vint alors à des stratagèmes d’évasion plus sophistiqués.
Hedy se plaignit de sa femme de chambre et voulut en changer. Elle engagea alors une nigaude qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau.
Bonjour le casting !
Ensuite elle la drogua, lui subtilisa sa robe de pauvresse et s’en fut le plus naturellement du monde. C’est cette version qui lui permit, dit-elle, d’emmener tous ses bijoux.
Le péché mignon de la dame, je le rappelle. Et comme il se doit, de gagner le fameux train pour Paris.
Il existe également une version où Hedy aurait persuadé son mari de la laisser porter tous ses bijoux à une réception pour faire bisquer je ne sais quelle rombière.
A la suite de quoi la femme de chambre sosie aurait drogué Mandl lui-même pour permettre à Hedy et sa quincaillerie de sauter dans le même éternel fameux train. De Paris. Quoi qu’il en soit, la fuyarde gagna Londres et le scénario fantasmagorique peut continuer de plus belle.
Elle y rencontra de manière tout à fait fortuite, qui le croira, Louis B. Mayer en personne.

Lequel était venu en Europe nous dit-on, à la recherche de nouvelles stars pour la Metro.
Il avait signé un contrat de cinq ans à Ruth Hussey à Broadway avant de s’embarquer vers Londres et Paris. Mayer est donc effectivement sur place en Europe. Essentiellement pour surveiller les avancements de la MGM Angleterre placée sous la direction d’Alexander Korda.
Il jettera son dévolu sur Greer Garson et jurera ses grands dieux avoir « découvert » Hedy Lamarr…En Autriche !
Tout est à refaire !
Quelle que soit l’intrigue qui permette cet aboutissement, la belle Hedy Lamarr embarque de Southampton pour New-York au bras de Louis B. Mayer. Un des hommes les plus puissants de son temps,
Mais n'est il pas plus simple d'imaginer une histoire plus logique et forcément moins rocambolesque?
Le nom de Friedrich Mandl est comme au ministère de la guerre et nul doute que son entreprise a dû voir défiler son quota de petits espions. Il aurait suffit d'un seul appel téléphonique de madame Mandl pour éveiller toute l'attention et l'intérêt du ministère. Il n'était rien de plus simple alors d'exfiltrer Hedy d'Autriche sous la protection de Mayer. Rien de plus simple encore de monnayer la collaboration d'Hedy sous forme de rutilant contrat de cinq ans à la MGM.
N’oublions pas que les stars de cinéma gagnent souvent plus d’argent que le président des Etats-Unis et que Mayer est l’employeur des plus prestigieuses de toutes. Certes la MGM est réputée pour la médiocrité de ses salaires mais curieusement celui d'Hedy pulvérise les records avant la moindre prise de vue. Ses films ne font pas recette, pourtant Mayer la garde. Que lui importait au fond, si les revenus colossaux de l'actrice ne venaient pas de sa tirelire mais des poches du ministère de la guerre.
Il ne m’appartient pas de douter ni de juger du talent mathématique de l’actrice Hedy Lamarr et de sa subtilité à échafauder de nouvelles techniques révolutionnaires de radioguidage.
Mais ne peut-on à juste titre s’émouvoir qu’une femme ayant eu accès à des secrets militaires quitte l’Europe en toute légalité au bras d’un des hommes les plus puissants de monde, d’autant que nous savons la relation fort étroite pour ne pas dire fusionnelle entre les studios hollywoodiens et le ministère de la guerre depuis la levée de fonds de la guerre précédente par les stars d'Hollywood ?

Il faut également ajouter à cela qu’Hedy Lamarr cédera à vil prix dès 1939, dès son arrivée à ce même ministère de la guerre un programme technique très au point permettant de brouiller les émissions ennemies.
Il faudrait également se souvenir de deux choses.
La première est qu’en 1939, une femme mariée doit avoir l’autorisation de son mari pour voyager, conduire ou posséder un compte en banque. Mandl a donc toute latitude pour la faire arrêter et rapatrier de n’importe où…Sauf si elle est sous la haute protection d’un homme tel que Mayer. Ensuite, nous connaissons assez l’histoire d’Hollywood et celle de la M.G.M. en particulier pour savoir qu’aussi belle soit-elle, il est hors de question qu’une actrice soit prise sous contrat alors qu’elle a tourné intégralement nue dans un film tout à fait explicite et que tout le monde le sait.
Hollywood vit sous le joug d’un code de décence, de censure et de moralité très sévère depuis 1934. Les contrats sont draconiens à ce propos et avec le spectre de sa nudité dans « Extase », il était hors de question pour Hedy Kiesler d’espérer quoi que ce soit d’un homme comme Mayer qui avait déjà jugé la blondeur de Jean Harlow comme un scandale pornographique.
Et quoi qu’il en soit, on ne rencontre pas Louis B. Mayer par hasard.
C’est aussi ahurissant que de prétendre avoir rencontré Tom Cruise au MacDo ou Madonna au lavoir automatique.

Je pense personnellement, mais ceci n’engage que moi et mon intime conviction qu’Hedy Kiesler a purement et simplement négocié des secrets militaires révolutionnaires de la plus haute importance au moment même où le monde allait à nouveau s’embraser dans un conflit général et où plus que jamais la supériorité technique serait gage de victoire. Elle reconnaîtra elle-même plus tard, et ses brevets le prouvent, qu’il s’agissait de téléguider les torpilles par ondes hertziennes.
On s’excuse du peu !
Ce qui m’a l’air autrement plus négociable qu’un talent d’actrice plutôt limité et une ravissante façon de battre des faux-cils, fût-ce sur les plus beaux yeux du monde.

Elle accepte selon sa solide légende de devenir Lamarr pour faire plaisir à Mayer et en hommage à Barbara la Marr, star qu’il admirait, morte à 25 ans d’une overdose.
Il faut encore une fois tordre le cou à ce canard.
Elle est déjà créditée « Hedy Lamarr » au générique d’Extase. Cinq ans avant de croiser Mayer!
La voici donc débarquée à Hollywood, dans le sacro-saint fief M.G.M et parachutée dans son premier film en qualité de vedette instantanée sans que l’on ait trace d’un quelconque bout d’essai. On reconnaîtra que Louis B. Mayer n’agit pas du tout avec Hedy Lamarr comme il en a l’habitude avec ses autres découvertes. Hedy est donc propulsée sur les écrans, face au french Lover Charles Boyer qui a déjà donné la réplique aux deux plus sublimes icônes maison : Jean Harlow et Greta Garbo. Le voici maintenant face à une illustre inconnue, certes d’une beauté fabuleuse mais aussi douée pour l’art dramatique qu’une plante verte artificielle.

Le film est un remake tarabiscoté de « Pépé le Moko », des pans entiers du film de Duvivier se retrouvent dans ce « Algiers » made in Hollywood qui ne convainquit personne. Boyer se vautra lamentablement dans le rôle où Gabin avait su être magnifique et en eut honte pour le reste de sa vie. Quant à Hedy Lamarr les critiques se tapèrent sur les cuisses et rédigèrent encore secoués de fou rires les critiques les plus catastrophiques jamais reçues par une actrice depuis l’invention du théâtre. Elle était belle, certes…Et encore !
Elle était si maquillée qu’elle en était vulgaire et si hautaine et amorphe tout à la fois qu’elle en était rigoureusement antipathique. Or, le miracle fut que Mayer lui avait signé un contrat sublime d’une durée de cinq ans et agrémenté d’un cachet aligné d’emblée sur ceux de Greta Garbo, Joan Crawford et Norma Shearer. Du jamais vu, et surtout de l’invraisemblable. Plus invraisemblable encore qu'il ait gardé une actrice après un tel résultat artistique, critique et commercial. L'homme virait séance tenante, sans scrupules ni vergogne n'importe quelle icône dès que les recettes de ses films menaçaient de faiblir.
Miss Lamarr s’installa dans une des plus fabuleuses villas de Bel Air, refusa de poser en pin-up par contrat et obtint une jolie collection de premiers rôles face aux partenaires masculins les plus prestigieux de l’écurie M.G.M. Clark Gable, Spencer Tracy, Robert Taylor !

Elle s’offrit le luxe de balancer à la poubelle une myriade de scénarii qui lui déplaisaient dont « Casablanca », « Hantise » et « L’Intrigante de Saratoga » qui furent proposés à Michèle Morgan qui les refusa aussi, par principe. Elle n’était pas à Hollywood pour servir de poubelle à Hedy Lamarr ! Ingrid Bergman en fit ses choux gras et « Duel au Soleil » suivit également le même chemin vers la poubelle de miss Lamarr après avoir transité cette fois chez Maria Félix !
Aucun de ses films, ceux qu'elle daigna tourner s'entend, malheureusement, ne connurent de véritable succès. Son meilleur score au box office restant « White Cargo » dont personne ne se souvient. Elle fit des commentaires désabusés sur Hollywood et le travail qu’elle y faisait, déclarant un jour : « Il suffit de mettre une belle robe et de prendre l’air complètement idiot pour que le public américain ravi vous prenne pour une « glamour girl » ! ».
Et reconnaissons sans être médisants qu’en « airs complètement idiots », miss Lamarr excellait.
Je regrette de dire qu’il n’y a aucune lueur d’intelligence sur aucun de ses clichés aussi magnifiques soient-ils. A l’écran elle a toujours l’air de s’être nourrie de somnifères et se déplace avec la joyeuseté d’une béquille.
Elle s’ennuye prodigieusement à ne pas écouter ses partenaires et triture son éventail ou ses perles dans un coin de l’écran en attendant que ce pensum cesse enfin !

Le public ne s’y trompe pas et ne l’apprécie que modérément. Mais le public en question est littéralement submergé par des tombereaux de photos où la belle Autrichienne est de plus en plus sublime et les articles de presse dithyrambiques inondent maintenant les premières pages de tous les journaux du monde. C’est que la MGM a un excellent service de presse qui semble durant ces années-là, entièrement consacré à la cause Hedy Lamarr. Hedy Lamarr la star, la beauté, l’actrice, la merveille, la plus belle femme du monde.
La guerre vint.
L’embargo hitlérien bloqua immédiatement les films américains en Europe. La réputation de déesse fantastique de miss Lamarr était donc déjà bien chevillée dans tous les esprits européens lorsque l’on pourra la découvrir enfin en action sur les écrans dans des films parfois tournés six ans plus tôt et restés bloqués. Alors, durant la guerre, s’il n’y avait pas les films, il y avait les photos, les articles, la rumeur, la réputation. Nombre de ses films, échecs en Amérique ne seront même pas distribués outre Atlantique. En fait lorsque quelques films d’elle débarquent en Europe, son contrat MGM est déjà terminé.

En attendant, l’Amérique s’amusa beaucoup avec ses torpilles téléguidées. Hedy Lamarr tourna des films, fit beaucoup de crochet durant les longues heures d’ennui que représentaient pour elle les tournages de ses films. Lorsque durant les longues heures de pause, elle recevait des journalistes dans sa loge, elle leur montrait fièrement les plaids d'une hideur rare qu'elle se plaisait à crocheter et dont elle était très fière. Bien plus de son travail sur le film dont elle n'avait strictement rien à dire. Elle vint quelques fois l’air pincé danser avec des soldats à la Hollywood Canteen ou trimballer un drapeau américain dans une parade quelconque.
C’est bien plus tard que l’on apprendra que telle Joan Crawford, elle avait englouti des fortunes colossales dans l’effort de guerre .
Elle fut débarrassée comme par un autre enchantement de son encombrant mari autrichien et convola dès 1939 avec le scénariste et producteur John Markey avec qui elle eut son premier fils, James. L’homme était puissant à Hollywood. Déjà divorcé de Joan Bennett, il deviendrait plus tard l’époux de Myrna Loy et enfin de Lucille Wright. Ce gentleman ne sortit qu’une seule fois de sa réserve en disant que son mariage avec Hedy avait été la période la plus ennuyeuse de toute sa vie. Le couple divorça en 1941, Hedy spécifiant que si son mari avait passé une semaine au domicile conjugal depuis leur mariage c’était le bout du monde. L’époux de son côté déclarait « On se lasse de la beauté féminine et quand on a épousé que ça… »
On le voit la supposée intelligence Einsteinienne était encore et toujours mise à mal.

Que tout le monde sache qu’elle vivait une liaison torride avec George Montgomery ne lui parut pas devoir être mentionné dans ce cas précis. D’ailleurs cette liaison touchait à sa fin et elle convola presque subitement avec John Loder. Acteur spécialisé dans les rôles de bellâtres de salon, importé d’Allemagne où il avait fait faillite avec son usine de cornichons et divorcé d’avec l’actrice française Micheline Cheirel alors en escale à Hollywood.
Le couple Lamarr Loder fut un couple très mondain, tapageur et il faut bien le reconnaître d’une rare photogénie. La bonne éducation de miss Lamarr et son impeccable distinction faisaient d’elle une invitée très prisée dans les salons et elle aimait converser joyeusement en allemand avec son amie Marlène Dietrich alors flanquée de Jean Gabin.
Hedy sera à nouveau maman, de son second fils Anthony né en 1947 et de sa fille Denise née deux ans plus tôt, en 1945.
Les hostilités terminées et la paix revenue, très étrangement, la M.G.M. fêta la victoire en se débarrassant de la coûteuse et peu productive et encore moins rentable Hedy Lamarr.
Celle-ci déclara reprendre sa liberté et vouloir devenir une actrice indépendante, la réalité m’obligeant à dire qu’aucun autre studio ne se révéla intéressé.

Il va pourtant se passer une chose un peu étrange. Hedy Lamarr en fin de contrat tourne « Dishonored lady ». Le scénario, déjà idiot à l’époque n’est plus envisageable aujourd’hui. Hedy incarne une femme libre, célibataire et indépendante. Elle gagne somptuairement sa vie à la direction d’un magazine de prestige. Appréciant les hommes et les alcools forts elle traite ses amants comme ses chapeaux démodés et en change comme d’humeur. Un psychiatre dont elle a défoncé la clôture avec sa Cadillac s’en émeut et lui explique qu’une telle conduite indépendante est indigne d’une femme dont la vocation est la soumission à un mari. Hedy convaincue de ses vils péchés abandonne tout pour les yeux falots d’un blondinet borné. Accusée de crime, elle ne se défend pas, considérant que sa conduite de femme émancipée, libre et indépendante vaut bien un petit coup de chaise électrique. Tout finira bien et tout aussi bêtement que ce fatras n’avait commencé.
Mais là où on peut s’étonner c’est de voir soudain en Hedy Lamarr une véritable interprète. Elle fait preuve d’une autorité glaciale dans son rôle de directrice et est tout à fait crédible en femme menant les hommes à la baguette. Elle réussit une autre gageure qui est d’être parfaite dans ce qui est une des choses les plus difficiles à jouer : Une scène d’ivresse. C’est avec les scènes de dialogue au volant ce qu’il y a de plus casse gueule pour un acteur et à fortiori une actrice. On sombre facilement dans le burlesque ou le pathétique. Hedy se contente d’avoir un débit plus rapide, une démarche un peu plus raide sans se prendre les pieds dans les tapis pour autant et affiche l’expression un peu idiote de toute personne un peu grise qui espère encore que ça ne se voit pas.

S’il ne fallait voir qu’un film d’elle à part "Sanson et Dalila", ce serait celui-là. Malheureusement c’est un film idiot tourné vite fait et sans ambition artistique malgré un budget d’1.200.000$ qui seront perdus corps et bien. Mais Hedy y est tout à fait parfaite dans les scènes qui lui permettent de vraiment jouer.
Le couple Loder divorça en 1947. Après le tournage de ce fameux « Dishonored lady » où ils échangeaient quelques répliques. A son tour, ce troisième mari ne sera pas tendre envers la belle : « L’amour d’Hedy Lamarr, c’est à vous décrocher la mâchoire à force de bailler d’ennui ».
Hedy Lamarr continua de vivre à Hollywood sur le même fastueux train de vie et rebuta plus d’un producteur en ayant des exigences financières colossales complètement disproportionnées en regard de sa cote inexistante au box-office. Le tout en agrémentant ses demandes fastueuses de caprices supplémentaires qui auraient fait rougir Pola Negri soi-même .
La principale constante étant que la diva devait disposer de trois limousines de modèles identiques mais de couleurs différentes : une noire, une blanche et une dorée. Elle garderait comme une évidence toutes les robes et toutes les fourrures portées à l’écran ainsi que les bijoux qui ne pouvaient sortir que de chez Tiffany. La tournée promotionnelle se ferait en jet privé et la vedette n’adresserait la parole à personne…Sauf à son staff personnel d’au moins vingt personnes ! Et ainsi de suite durant vingt pages !

Aucun producteur ne se laissa faire, mais Hedy Lamarr ne céda jamais !
Son comportement fantasque continuait d’alimenter les gazettes. Pas une semaine ne se passera vingt ans durant sans que l’on ne trouve à se gausser de nouvelles exigences, nouveaux caprices, nouvelles déclarations nouvelles amours et nouvelles séparations.
Un jour toute la Mecque du cinéma se réveilla stupéfaite. Miss Lamarr avait sorti sur sa pelouse toutes ses affaires, ses meubles, ses robes, absolument tout ce que contenait sa villa pour une sorte de luxueuse brocante. La presse se rua, Greta Garbo passa des heures à contempler d’un œil d’experte la lingerie fine qu’Hedy Lamarr bazardait avec tout reste jusqu’à son lit et ses pantoufles. A la fin de la journée il ne restait plus une épingle à cheveux, plus un rouge à lèvres qui n’ait trouvé preneur malgré les prix mirobolants que demandait la star pour la moindre babiole qu’elle eût touchée de ses mains.
En 1949 elle se laissa convaincre, et elle fit bien, de devenir Dalila pour Cecil B. De Mille.
Il est des prestiges devant lesquels on s’incline.

L’homme ne détestait pas les brunes à la peau claire et ne dédaignait pas non plus prendre des risques en confiant des rôles lourds à porter à des actrices de peu de talent ou d’expérience qu’il aimait à modeler comme il le fit avec Gloria Swanson et Paulette Goddard toutes deux somptueuses brunes aux yeux clairs et débutantes lorsqu’il les « prit en mains ».
Avec Hedy qui fut probablement la plus magnifique créature humaine qu’il dirigea il tomba sur un os comme Sanson sur sa mâchoire d’âne : il ne sut en tirer aucun suc. Au bout de quelques jours il renonça à essayer d’en obtenir la moindre émotion, il commanda aux costumiers les tenues les plus tapageuses pour son actrice afin qu’il y ait quand même « quelque chose à regarder », d’où la célèbre robe de plumes de paon. Il se concentra sur sa mise en scène et ses couleurs, traitant son film en désespoir de cause comme un peintre et non plus comme un metteur en scène. A Hedy Lamarr fabuleusement parée, il disait simplement « Ne jouez pas ma chère, soyez vous-même, vous êtes parfaite ! »
Elle fut en effet très bien !

Le film fit un triomphe colossal au point de devenir le plus gros succès au box office pour 1949.
Il a gardé encore aujourd’hui tout son prestige et son intérêt. Dans la flamboyante beauté des images, Hedy Lamarr n’est pas en reste et sa Dalila ferait bel et bien se damner un saint. « Samson et Dalila » reste le film phare des carrières d’Hedy Lamarr et de Victor Mature et un des plus célèbres films de Cecil B. De Mille avec ses « Dix Commandements ».
Avec un tel triomphe à son actif, Hedy Lamarr connut enfin les trompettes de la gloire, elle était à Hollywood depuis dix ans !
Mais avec ses exigences draconiennes qui la tinrent toujours, entre autres raisons, éloignée des plateaux TV, elle ne sut pas profiter de cette relance dans sa carrière. Elle campa sur ses ergots de diva intouchable et commit l’erreur de se remarier dans la foulée avec un ex chef d’orchestre devenu patron de boîte de nuit au Mexique qui ne fit qu’entamer le prestige de Dalila la fabuleuse. Le règne de monsieur Ted Stauffer ne dura fort heureusement que neuf mois entre 1951 à 1952. Il avait été auparavant le mari de la magnifique Faith Domergue. Ce quatrième mari vint ajouter sa pierre à l’édifice des précédents : Cette femme, aussi belle soit-elle, était d’un ennui mortel.
Hedy, le plus naturellement du monde, leur apporte sa confirmation « Mes maris se morfondent avec moi. John Loder allait jusqu’à s’endormir dès que j’ouvrais la bouche »

Lassée elle-même semble-il de ces maris tombant en léthargie à son contact, Hedy se consola avec quelques aventures non conjugales. L’inévitable Howard Hugues passa par là. L’acteur Mark Stevens lui succéda rapidement puis vint le règne de Georges Montgomery déjà évoqué.
Hedy pour la première fois sembla s’être vraiment entichée de ce bel acteur élégant et à la carrure d’athlète. Il passait des soirées entières avec elle sans paraître s’ennuyer. Ce furent des projets matrimoniaux qu’Hedy aborda, pour la première fois, fort joyeusement. Jusqu’à ce qu’elle apprenne par hasard que son George adoré allait en effet se marier mais…Avec Dinah Shore.
Pour ne pas être en reste, Hedy convola avec ce fameux Ted Stauffer.
Elle annonça sa décision de tout plaquer et de suivre son mari au Mexique où ses affaires l’attendaient et ne plus vouloir être qu’une épouse et mère de famille.
Elle s’envola en effet pour le Mexique, y installa la villa de ses rêves et ressurgit un an plus tard à Hollywood pour divorcer.
« Je suis une star d’Hollywood, je ne peux pas me contenter de servir d’attraction exotique dans le night-club mexicain de monsieur Stauffer ».
Puis elle ajoutait déconfite « Ce n’était pas un vrai mariage. Nous étions si seuls, si abandonnés, si désespérés tous les deux que nous avons mis nos souffrances en commun, c’est tout. C’était une erreur. Dix jours après notre mariage il se mettait déjà à me traiter de manière odieuse. »
Vint ensuite le règne du richissime pétrolier texan W. Howard Lee avec qui la star vivra sa plus longue expérience matrimoniale puisqu’ils resteront mariés de 1953 à 1960. Ensuite ce brave milliardaire épousera la fabuleuse Gene Tierney.

L’après Dalila pour Hedy Lamarr fut relativement saumâtre. Elle ne tournera plus que quelques films de qualité très moyenne, deviendra la partenaire de Bob Hope, claquera la porte d’un ou deux tournages et ne laissera plus aucun doute sur ses talents de comédienne en devenant une Jeanne d’Arc aussi ridicule qu’incrédible dans « The Story of Mankind » où Virginia Mayo jouait Cléopâtre ! Elle fut plus brillante au cours de son divorce d’avec Howard Lee puisqu’elle obtint la moitié de la vente de leurs biens, maisons, meubles voitures, œuvres d’art et compagnie. 100.000$ de pension annuelle ce qui représente encore 125.000 euros actuels Et c’était…Il y a plus d'un demi-siècle ! Elle avait également eu la candeur de demander 3.000$ mensuels supplémentaires car elle…avait des frais !
Howard Lee qui avait tout supporté s’insurgea contre ces derniers 3.000$ qui faisaient déborder le vaste vase de sa patience.
Il fit appel de cette dernière décision, souhaitant ramener la somme à 250$ mensuels
Hedy, alors en week-end à Huston ou elle inventait sans doute Apollo 9 fut littéralement outrée ! Comment osait-il ? Cet homme a qui elle avait tout donné !
Elle contre attaqua et puisqu’il en était ainsi, les 3.000$ mensuels qu’elle avait demandés en deviendraient 7.500 (un ouvrier qualifié en gagne alors 150)
Et elle exigea 500.000$ de dommages et intérêts car on ne traine pas impunément devant les tribunaux une star d’Hollywood ! (Soit 625.000 euros du XXIème siècle)
Et elle obtint, bien entendu, gain de cause !
Un peu amère de voir son étoile pâlir, Hedy Lamarr commettra plusieurs maladresses en faisant à la presse des déclarations à l’emporte pièce qui la montrèrent parfois méchante, parfois stupide et toujours médiocre. Personne ne trouvait plus grâce à ses yeux, ni Hollywood ni ses maris ni les critiques ni même le public. Lorsqu’elle ne fut plus l’épouse d’un milliardaire pouvant lui offrir les meilleurs avocats du monde, les choses se gâtèrent et elle fut traitée sans aménité, ce qu’elle avait d’ailleurs largement mérité.
Vint alors la déchéance.
Celle d’une femme traînée en justice pour vol à l’étalage.

Terriblement amaigrie, le visage dissimulé dans quelques mousselines, les traits étrangement figés dans d’improbables liftings, cette femme jeune encore, seulement 50 ans, n’avait plus rien à la barre des accusés de la somptueuse créature des années M.G.M. Ses déclarations ensuite ne laissèrent plus aucun doute sur ses facultés intellectuelles qui ne parurent pas brillantes loin s’en faut.
Elle farfouillait son carnet de chèques, tenant son cabas sur ses genoux comme une ménagère dans un bus et déclarait : « Voilà un chèque de 3000 dollars pour ce magasin, en voici un autre de 6000, signé le jour où ils disent que j’ai volé des chaussures, mais pourquoi aurais-je volé des chaussures après avoir dépensé 6000 dollars ? » Puis elle se figeait dans un sourire forcé. Le juge lui dit alors en toute logique « Mais ces chaussures se trouvaient-elles bien dans votre cabas, miss Lamarr ? » Et elle presque vexée : « Evidemment oui, quelle question ! »
Lorsque le juge lui demanda pourquoi elle avait exigé la présence de la presse elle répondit : « Moi ? Ce n’est pas moi qui ai voulu cela…C’est vous ! ».
Les poursuites furent abandonnées mais la star humiliée quitta Hollywood pour la Floride, non sans avoir épousé son avocat au passage !
Union qui ne dura guère que le temps de « l’affaire ».

On la revit parfois, vieillissant dans le prestige, d’une maigritude affolante et agrippée à ses faux-cils gigantesques. Son ami Bob Hope réussit même à la traîner à la télévision.
Myope depuis toujours sa vue s’était encore affaiblie et lors de sa courte apparition, elle ânonne comme aux meilleurs jours son texte de façon mécanique et bute dans tous les éléments du décor. Elle se penche alors et met le nez sur le meuble pour voir dans quoi elle s’est cognée et finit par sortir du plateau en…emportant le téléphone qu’elle avait en main ! Bob Hope ne peut guère masquer son désarroi.
Elle était déjà venue quelques années plus tôt sur le plateau de « What’s My Line » et elle s’était montrée d’une platitude sidérante et sans la moindre parcelle d’humour, elle avait à peine l’air de comprendre ce qu’on lui voulait. Lorsque l’on voit les prestations « en direct » de miss Hedy Lamarr, il est honnêtement très difficile de s’imaginer que l’on a affaire à une des intelligences les plus brillantes de notre temps. Lorsqu’on lit ses déclarations dans la presse la chose devient complètement incrédible et le doute n’est plus permis lorsque sans malice ses contemporains nous parlent d’elle.

Ava Gardner se souvint, encore complètement effarée, qu’un jour, elle qui avait vécu ses années sous contrat M.G.M. comme autant d’années d’esclavage, Hedy Lamarr entra dans sa loge alors qu’elle devisait avec Arlène Dahl. C’était vers la fin des années 50, Hedy s’affala sur une chaise et déclara d’une voix éteinte et sans préambule : « Qu’est-ce que ça me manque la Metro, c’était vraiment le bon temps ! »
Et devant les têtes dubitatives d’Ava et d’Arlène elle ajouta : « ils nous coiffaient, nous maquillaient, nous disaient quelle robe mettre, quoi faire et quoi dire, c’était merveilleux, il ne fallait jamais penser ! Vous ne trouvez pas ça magnifique, vous ? »
Bien longtemps après sa retraite définitive des écrans bien qu’elle annonçât régulièrement son retour dans une production grandiose, on parla encore régulièrement d’Hedy Lamarr.
D’abord à cause de ses propres déclarations toujours aussi intempestives du style « Je vis entièrement nue avec un jeune homme hongrois nous peignons, nous faisons l’amour, la vie est merveilleuse ! » C’était bien entendu en pleine époque « Flower Power », en 1965. Si elle avait cru cela distingué elle aurait ajouté « nous nous droguons c’est splendide ! » mais elle s’abstint !
Ses problèmes oculaires furent ensuite divulgués et l’on crut longtemps qu’elle vivait recluse et complètement aveugle avant qu’elle ne se fasse à nouveau arrêter pour vol à l’étalage.
Une chose est certaine avec Hedy Lamarr : c’est qu’elle fut une star sublime, une actrice médiocre, une beauté fabuleuse et un esprit fantasque, mais par-dessus tout qu’elle adora ses enfants à qui elle voua une réelle passion.
Ils le lui rendirent bien et gardent à leur mère une tendresse profonde.

La star a fermé à jamais ses beaux yeux sur ses souvenirs et ses mystères le 19 Janvier 2000. Elle avait atteint l’âge vénérable de 86 ans deux mois plus tôt et venait encore de déclarer à la presse : « Je me coiffe, me maquille, m’habille d’une manière élégante et distinguée tous les jours même si je n’ai rien à faire et que je reste chez moi sans voir personne car une femme a le devoir de s’occuper de sa beauté jusqu’à son dernier souffle ! Je n’aimerais pas être surprise négligée par la mort et faire mon entrée dans l’autre monde comme une paysanne crasseuse et fagotée, ce serait indigne de moi et indigne d’une star ! »
Bien entendu elle ne plaisantait pas.
Après sa mort on sut que les héritiers d’Hedy Lamarr revendiquaient sur foi des brevets déposés par leur mère leurs droits sur des inventions liées à la communication sans fil dont le téléphone portable et le wifi. Ces inventions étant directement dérivées de son travail sur le téléguidage des torpilles. Ils ont eu gain de cause mais malheureusement pour eux, les brevets étaient périmés. Ce qui permet de douter encore un peu plus des exceptionnelles facultés mathématiques de cette femme qui aurait révolutionné le monde de ses inventions et aurait été trop évaporée pour gérer ses brevets. Et puis si il fut officiellement déclaré que ces brevets appartenaient bine à Hedy Lamarr, celà ne signifie-t-il pas qu'ils étaient sa propriété mais ne signifie pas pour autant qu'ils étaient le fruit de son travail? Il n'a jamais été demandé à Hedy Lamarr d'en faire la démonstration, il ne lui a a jamais été demandé le moindre exposé sur ses travaux ou sa méthodologie.

Quant on sait à quel point elle se montra âpre au gain toute sa vie, tout ça ne tient même pas debout. Elle aurait continué son travail de chercheuse, d'inventeur plutôt que de s'étioler entre de vagues mariages et d'hypothétiques rôles. N'était-ce pas disait-elle, sa folle passion?
Hedy Lamarr est aujourd’hui considérée comme un des plus brillants cerveaux mathématiciens de son temps. Pourquoi pas, même si rien dans sa vie et son héritage artistique ne laisse supposer de telles merveilleuses facultés.
Ces inventions cruciales pour le siècle furent elles de son fait ou vinrent elles tout droit des coffres de monsieur Friedrich Mandl ? Il ne m’appartient pas d’en juger et sans doute devrais-je laisser le mot de la fin à son fils qui déclara lors d’un récent documentaire consacré à sa mère (Calling Hedy Lamarr)
« Je l’adorais et elle nous adorait, mais je l’ai laissée partir sans lui poser un million de questions qui me brûlaient les lèvres et aujourd’hui je ne sais toujours pas qui elle était réellement, ma mère est pour moi un mystère complet ».
Pour moi aussi, mais dieu du ciel, quel somptueux mystère !
Celine Colassin

QUE VOIR ?
1933 : Extase : La chose a bien vieilli, peut-être mais il serait injuste de considérer ce film pour la seule exhibition de miss Lamarr. Cette histoire de femme frustrée sexuellement est filmée à la manière expressionniste et les dialogues sont pour ainsi dire inexistants. Tout est montré dans le geste, la langueur, le regard. C’est une très belle réussite artistique.
1938 : Algiers : Impossible de visionner cette chose après avoir vu le « Pépé le Moko » de Julien Duvivier. Tout est ici atroce et tous les plans d’ensemble sont ceux du film français !
1939 : Lady of the Tropics : Un véhicule exotique pour Hedy Lamarr parfaitement mise en valeur dans les bras de Robert Taylor !
1941 : Viens Vivre avec Moi : Ce marivaudage élégant entre James Stewart et Hedy Lamarr pourrait être l’ancêtre de « Green Card » qui réunissait Gérard Depardieu et Andie MacDowell. Hedy est une show-girl d’origine viennoise et sans papiers à qui on laisse une semaine de délai pour épouser un Américain, faute de quoi elle sera expulsée ! Et devinez qui elle rencontre un soir d’orage ?
1941: Ziegfeld Girl : Un des plus gros budgets M.G.M. de l’année destiné à promouvoir les : nouvelles idoles maison : Judy Garland dans le rôle de celle qui veut réussir à force de talent, Hedy grâce à sa beauté et Lana Turner grâce à des moyens plus expéditifs mais moins avouables couplés à une fâcheuse tendance à la polchtronnerie invétérée !
1941H.M. Pulham, Esq. : J’ignore complètement ce qui peut se cacher derrière cet étrange titre : et je le regrette amèrement car ce film dirigé par King Vidor réunit le couple Hedy Lamarr-Robert Young à l’excellentissime Ruth Hussey.
1942 : Tortilla Flat : Un film ambitieux tiré du roman de John Steinbeck dont il ne reste d’ailleurs plus grand-chose.
1944 : The Heavenly Body : Hedy Lamarr et l’excellent William Powell sont ici mariés mais miss Lamarr contrarie beaucoup son époux depuis qu’elle a lu son horoscope !
1944 : Experiment Perilous : Un Excellent film de Maurice Tourneur en exil à Hollywood. Hedy y est parfaitement sublime et parfaite dans la mesure où son personnage d’Alida Bedereaux n’a rien à faire que de patienter dans ses froufrous second empire que ce dénoue cette intrigue autour de sa personne en danger. Elle a l’air d’une sublime somnambule aux prises avec un époux psychopathe et le film lui-même vous entraîne dans une spirale hypnotique du meilleur effet, un grand moment de cinéma et une réussite complète. Mon film préféré d’Hedy Lamarr.
1945 : Her Highness and the Bellboy : Princesse européenne de passage à New-York, Hedy Lamarr s’éprend du garçon d’ascenseur qui l’a prise pour une petite boniche ce qui nécessite une certaine imagination.
1947 : Dishonored Lady : Hedy a commis l’impensable : Elle s’est affranchie de la tutelle des hommes. Heureusement que son psychiatre lui explique que ça ne se fait pas du tout !
1948 : Let’s Leave a Little : Le moins intéressant du film n’est certes pas la présence de la magnifique et trop rare Anna Sten dans l’ombre du couple formé par Hedy et Robert Cummings.
1949 : Samson et Dalila : Le film clé de la carrière d’Hedy Lamarr plus sublime que jamais dans le personnage qui l’inscrira parmi les plus fabuleuses légendes hollywoodiennes.
1950 : A Lady Without Passeport : Hedy ne porte que du blanc et d’immondes sandalettes dans ce film de série B aux ambitions aussi limitées que son budget
1954 : L’Amante di Paride : Hedy Lamarr qui a toujours eu une nette prédilection pour les réalisateurs européens est ici dirigée par Marc Allégret au profit du cinéma italien. Ceci permet à la belle de jouer quelques personnages hauts en couleurs dont Hélène de Troie, l’impératrice Joséphine et la blonde Geneviève de Brabant dont elle nous conte les amours !
1957 : The Story of Mankind : Malgré son impressionnante distribution, ce film tourné dans un technicolor abominablement criard est tout bonnement insupportable.
1958 : The Female Animal : Hedy, Jane Powell et Jan Sterling convoitent le musculeux George Nader dans cette comédie qui sera l’ultime apparition d’Hedy Lamarr au cinéma.
LES FILMS QUE VOUS NE VERREZ PAS
(Avec Hedy Lamarr)
Casablanca : Hedy refuse de travailler sur un film dont le scénario n’est pas boucle, Ingrid Bergman en fera un chef d’œuvre inoubliable entre Humphrey Bogart et John Henreid mais reconnaîtra elle aussi que travailler sans un scénario digne de ce nom est une épreuve redoutable pour une actrice.
Hantise : Hedy avait déjà donné la réplique à Charles Boyer mais n’eut pas envie de jouer les scènes de dérives mentales de son personnage. Ingrid en fera un autre chef d’œuvre.
L’Intrigante de Saratoga : Hedy Lamarr refuse ce film pour les mêmes raisons et ne donnera jamais la réplique à Gary Cooper, ce qu’il est permis de vivement regretter !