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JUDITH MAGRE



La petite Simone Dupuis vint au monde le 20 Novembre 1926 à Montier en Der dans la Haute Marne. La petite fille aura la stupéfaction de voir surgir à sa suite six petits frères et sœurs. Monsieur Dupuis est maintenant un industriel prospère établi en Champagne. Son épouse, une beauté à la voix céleste se rêvait cantatrice. Mais quand on est femme d’industriel avec une déferlante de sept enfants…La carrière…C’est un peu foutu. Alors elle se console, chante toute la journée, Bach, Haendel, Trenet, peu importe. Elle chante et fait chanter sa ribambelle avec elle.


Son aînée Simone semble elle aussi tenaillée par des velléités artistiques mais rechigne à l’admettre. Elle se trouve laide et dans son esprit être une artiste c’est d’abord être belle! Jeanne Moreau au même âge ne pensait pas autrement. A ceci près que si Jeanne se trouvait laide et se faisait une raison, Judith fut un jour complètement sidérée en découvrant que décidément non, elle n'était pas Jean Harlow. Nous voilà donc dans une famille bourgeoise où en principe on devrait trouver la fille aînée épouvantant la tablée du dimanche avec ses envies de théâtre. Or, nous avons droit au contraire. La fille qui rechigne et maman qui insiste.  Maman lui trouve un indéniable talent, Judith se trouve moche et pour être actrice il faut être belle. Un point c'est tout.

Le dilemme va trouver son terme de manière bien lugubre, ça s’appelle l’occupation. Il est bien temps de songer aux bravos et de décider si on est assez belle pour les recevoir. Il faut survivre, il faut manger. Simone aura 19 ans quand les couleurs nationales pavoiseront à nouveau la France. 19 ans!

D’autres et bien plus belles qu’elle étaient de grandes vedettes à 17 ans.


Alors Simone gagna Paris, s’inscrivit au cours de philosophie à la Sorbonne et ne tarda à se faire une amie pour la vie de madame Simone de Beauvoir. Faisant les 400 coups avec sa bande de copains et ne paraissant à la Sorbonne que de manière très occasionnelle, Simone prend quand même des cours de danse et suit les cours de René Simon au conservatoire. 

C’est d’ailleurs René Simon qui la rassure enfin « On se fiche que tu sois belle ou non, ce qui compte c’est que tu correspondes à un emploi! Que l’on sache quoi faire de toi! Et toi tu es une brune piquante, une rigolote, une aguicheuse, une légère, une désinvolte, pas une tourmentée! » Le démon des planches finit donc par avoir raison de ses scrupules esthétiques. Simone se choisit un pseudonyme un peu plus ronflant que Dupuis, ce sera Chambord!

Elle fit bien d’en changer plus tard, Chambord serait bientôt un modèle d’automobiles Simca.


Par un étrange sortilège, ou coup du sort, c’est selon, Simone Chambord va faire sa première apparition sur scène en Autriche. A Innsbruck. 

Lorsque je dis « paraître », je devrai dire « surgir ». Habillée en ravissante belle époque avec ses bottines à boutons, son canotier à voilette et sa petite ombrelle, Simone est tellement paralysée par le trac qu’elle reste plantée dans les coulisses, raide comme un passe lacet et livide comme un spectre. La voyant momifiée sur place, le régisseur la poussa sur scène avec une telle efficacité qu’elle atterrit à plat ventre après un vol plané sublime, l’ombrelle tordue, le canotier entre les dents et jupe par dessus tête!

Difficile de parler de « premiers pas sur scène » puisque ses pieds ne touchèrent pas le sol. Mais cette petite débutante étalée sur une scène au pied des Dolomites se jura bien une chose: « Maintenant qu’elle y était, elle allait y rester! » Imaginait elle alors que ce premier faux pas allait être le premier jalon d’une carrière de plus de 70 ans?


Pouvait-elle imaginer à quel point elle saurait attirer les réalisateurs les plus réputés de leur temps? René Clair, Pierre Chenal, Christian Jaque, André Hunebelle, Jean Paul le Chanois, Sacha Guitry, Julien Duvivier, Michel Boisrond, Georges Lacombe, Jacques Becker, Louis Malle, Vittorio de Sica, Claude Lelouch, Jacques Deray ou plus récemment Paul Verhoeven, Anne Fontaine ou… Sophie Marceau.


Presque tout est dit, presque tout est joué! Après s’être étalée au théâtre elle s’y engouffre! Judith Magre est une vraie boulimique de travail et enchaine les pièces à une allure de championne d’endurance. A peine si elle trouve le temps pour se peaufiner une réputation au cinéma. Il faut d’ailleurs probablement chercher dans cette affolante carrière théâtrale la raison d’une carrière essentiellement dévolue aux seconds rôles à l’écran. Comme toute actrice qui se respecte, Judith Magre attend qu’un rôle lui convienne avant de l’accepter. Mais le vrai challenge c’est de trouver cinq semaines de libres dans son emploi du temps pour tenir le rôle en question!

C’est pour elle que Jacques Chazot créera l’ineffable personnage de Marie-Chantal! Personnage que Judith ne trouvera pas le temps d'incarner à l'écran et qui fera la joie non feinte de Marie Laforêt.


Plus tard, Judith Magre rejoindra la très exigeante compagnie Barrault-Renaud. En tournée, la compagnie propose au public cinq pièces en dix jours à raison de deux jours par pièce. Pour une marathonienne comme Judith, si ce n’est pas du billard c’est quand même du bonheur. Georges Descrières connu pour sa mémoire capricieuse déclara un jour: « Tout le monde n’a pas la mémoire d’une Judith Magre! Cette femme connaît tout Claudel, tout Sartre et tout Shakespeare par cœur! Moi je suis incapable de répéter une pièce quand j’en joue une autre et je planque des pense-bête dans le décor pour m’aider. C’est comme ça qu’un soir j’ai lu mon texte du troisième acte alors qu’on n’en était qu’au deuxième! »

Heureusement, la télévision où les tournages sont plus rapides et nécessitent alors rarement l’obligation de quitter Paris lui permettent de tenir les beaux grands rôles qu’elle mérite, elle sera même Cléopâtre, et être en scène le soir, prête à mettre le feu.


Judith Magre trouva le temps de se marier, avec Claude Lanzmann. Cet ancien résistant avait été le compagnon de Simone de Beauvoir, laquelle ne s’était jamais cachée d’avoir ressenti le frisson aventureux de l’espionne en territoire ennemi en s’adonnant au…Marché noir! Le résistant et la contrebandière en turban se sépareront en 1959 et Judith Magre deviendra madame Lanzmann de 1963 à 1970.

Judith retiendra de son mariage sa passionnante amitié avec celle qui fut sa belle-mère. L’alerte nonagénaire, ancienne ouvrière dans une conserverie de sardines était une intime de Cocteau et de Jean Cau. Judith adorait passer du temps à refaire le monde avec elle. Un jour elle appelle son mari pour lui dire « Jai passé une soirée sensationnelle avec ta maman! Qu’est-ce qu’on  pu rigoler! » Jacques Lanzmann lui répond que sa mère est morte dans la nuit.  Ce n’est pas la mort qui a le plus estomaqué Judith mais de réaliser que sa copine avait…93 ans!

Aujourd’hui c’est Judith qui est presque centenaire. Elle a fêté ses 98 ans le 20 Novembre 2024…En scène, et sur deux tournages de longs métrages bien entendu! Où d’autre?

Celine Colassin


QUE VOIR?

1948: Clochemerle: Avec Félix Oudart et Saturnin Fabre

1949: Maya: Avec Viviane Romance et Marcel Dalio

1952: Adorables Créatures: Avec Daniel Gélin et Martine Carol

1952: Mon mari est merveilleux: Avec Sophie Desmarets, Elina Labourdette et Fernand Gravey

1953: Les Dents Longues: Avec Danièle Delorme et Daniel Gélin.

1954: Papa, maman, la bonne et moi… Avec Robert Lamoureux et Nicole Courcel

1955: Les grandes manœuvres: Avec Michèle Morgan et Gérard Philipe.

1955: Napoléon: Avec Daniel Gélin et Michèle Morgan

1955: Vacances d’amour: Avec Lucia Bose et Robert Lamoureux.

1957: L’homme à l’imperméable: Avec Fernandel

1957: Pot Bouille: Avec Gérard Philipe et Danielle Darrieux

1957: Une Parisienne: Avec Brigitte Bardot et Henri Vidal

1958: Les jeux dangereux: Avec Pascale Audret et Jean Servais

1958: Cargaison blanche: Avec Françoise Arnoul et Jean-Claude Pascal

1958: Les Amants: Avec Jeanne Moreau

1958: Les amants de Montparnasse: Avec Gérard Philipe et Anouk Aimée

1958: Le Sicilien: Avec Pascale Roberts et Fernand Raynaud

1959: Signé Arsène Lupin: Avec Robert Lamoureux et Alida Valli

1959: Le travail c’est la liberté: Avec Raymond Devos et Sami Frey

1960: Le dialogue des Carmélites : Avec Jeanne Moreau et Pascale Audret

1967: Woman Times Seven: Avec Shirley MacLaine

1970: Le Voyou: Avec Jean-Louis Trintignant

1971: La Cavale: Avec Juliet Berto et Catherine Rouvel

1971: Un peu de soleil dans l’eau froide: Avec Claudine Auger et Marc Porel

1974: Les guichets du Louvre: Avec Christine Pascal

1975: Le Chat et la Souris: Avec Michèle Morgan et Serge Reggiani

1976: Mon coeur est rouge: Avec Françoise Lebrun, Anne Wiazemsky et Mai Zetterling

1979: Rien ne va plus: Avec Jacques Villeret et Eva Darlan

1980: Je vais craquer!!!: Avec Anémone et Christian Clavier

1981: Oxalá: Avec Karen Blanguernon

1983: Vive la sociale! : Avec Elizabeth Bourgine

1989: Jésus de Montréal: Avec Lothaire Bluteau

1994: Montparnasse-Pondichéry: Avec Miou-Miou et André Dussolier

1996: Andréa: Avec Susana Garcia Diez

1998 : L’homme est une femme comme les autres : Avec Elsa Zylberstein et Antoine de Caunes

2000 : Le pique-nique de Lulu Kreutz : Avec Carole Bouquet et Philippe Noiret

2003 : Nathalie… : Avec Fanny Ardant

2007 : La disparue de Deauville : Avec Sophie Marceau et Christophe Lambert

2009 : La folle histoire d’amour de Simon Eskenazy : Avec Elsa Zylberstein et Antoine de Caunes

2010 : Ces Amours-là : Avec Audrey Dana et Samuel Labarthe

2012 : Adieu Berthe – L’enterrement de mémé : Avec Valérie Lemercier

2012 : Du vent dans mes mollets : Avec Agnès Jaoui et Isabelle Carré

2012: A l’abris de la tempête: Avec Maria de Medeiros

2015 : Parisiennes : Avec Eriko Takeda

2018: Les Fantômes: Avec André Schneider

2016 : Elle : Avec Isabelle Huppert et Anne Consigny

2021: Tout s’est bien passé: Avec Sophie Marceau

2022: Joyeuse retraite: Avec Michèle Laroque et Thierry Lhermitte

2024: Le Molière imaginaire: Avec Catherine Lachens

2024: Pourquoi tu souris? Avec Emmanuelle Devos

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