Je suis peut-être la biographe "cinéma" la mieux placée pour parler de la belle Laraine Day.
Cette demoiselle naquit le 13 Octobre 1920 dans sa bonne ville de Roosevelt en Utah , flanquée d'un frère jumeau et sous le patronyme officiel de La Raine Johnson. Son alter ego de frangin étant pour sa part nommé Lamarr. Si nous sommes en Utah, il y a de grandes chances que nous soyons chez les Mormons , ce qui est le cas avec la famille Johnson. La future Laraine Day aura sept frères et sœurs et si j'ai dit au début de cet article que j'étais bien placée pour parler d'elle, c'est que je suis bien placée pour parler de son église.
Lorsque la religion a une emprise sur un être, il est toujours intéressant d'aborder son parcours par ce biais souvent révélateur. Sinon de la nature de l'individu, au moins de la motivation de ses actes. Laraine Day fera toute sa vie partie de l'église des saints des derniers jours. On y est tous "frère" ou "sœur", on prie au temple et non à l'église. On ne fume pas on ne boit ni alcool ni thé ni café. On a à la fois un grand sens du partage, du devoir accompli et de la famille. Les membres de l'église n'ont de cesse que de retracer la généalogie de leur famille pour abriter nominativement leurs ancêtres dans "la montagne sacrée" ce qui les préservera de l'apocalypse. L'église a accompli un travail de recensement titanesque et a réuni la plus grande banque de données généalogiques du monde. Vous pouvez d'ailleurs faire appel à eux, même sans faire partie de l'église si vous souhaitez vous informer sur vos ancêtres. Si vous l'avez fait déjà, vous avez probablement eu affaire à ma chère tante Marie-Claire Colassin-Parker qui géra longtemps les données généalogiques européennes en ce lieu sacré.
La moitié de ma famille est membre de la même église que Laraine Day.
On comprendra mieux son parcours de star hollywoodienne maintenant que l'on sait l'artiste empreinte de convictions inébranlables et de stricts préceptes religieux auxquels elle ne dérogera jamais. Voilà entre autres l'explication du pourquoi Laraine a toujours l'air si gauche en déshabillé vaporeux. Ce n'était guère dans le style de cette femme qui n'a jamais débouché une bouteille de bourbon de sa vie que d'allumer les mâles convoités avec ses dessous froufroutants. A l'époque de son vedettariat, l'actrice n'ayant pas communiqué sur sa religion, son attitude semblait pour le moins décalée. Elle ne faisait jamais parler d'elle et aurait pu mettre tous les publicitaires d'Hollywood au chômage. On la disait "irréprochable", "hautement respectable" drôles de qualificatifs pour une vedette d'Hollywood. On se plaignait presque qu'elle fut jolie sans ostentation, ne fumait pas, ne buvait pas et ne commettait aucun excès.
Mais revenons-en au début de notre histoire.
La vocation artistique de la jeune fille fut grandement favorisée par un déménagement familial vers la Californie. C'est à Long Beach qu'elle terminera sa vie de collégienne en 1938 et devint, fort brièvement il est vrai, institutrice. C'est à cette époque qu'elle a tâté du théâtre en amateur et a décroché un petit rôle dans "Stella Dallas" dans les ombres de Barbara Stanwyck et Anne Shirley. Elle est une des pimbêches snobinardes, clientes de l'hôtel élégant où descendent Stella et sa fille et c'est elle qui cancane en wagon lit. Bien que Stella Dallas ait fait un triomphe et mené Barbara et Anne tout droit vers une nomination aux Oscar et bien qu'il soit signé MGM, c'est la RKO qui va signer notre jeune débutante.
Le studio déjà très occupé avec les comédies musicales de Fred et Ginger et les échecs de Katharine Hepburn va reléguer l'actrice dans un genre qui, reconnaissons le, lui va comme un gant: le western. Elle sera rebaptisée Laraine Hays, puis Laraine Johnson puis son contrat à l'essai d'un an...Ne sera pas renouvelé.
Et je n'ai pas trouvé trace desdits westerns dans le catalogue RKO!
Mais quoi qu'il en soit, Il aura fallu l'épisode RKO pour que la MGM s'intéresse à elle et l'intègre à son prestigieux staff d'étoiles. On va l'essayer dans un court métrage puis la distribuer dans un sérial à succès dont le studio a le secret. Elle rejoint le casting récurrent des "Dr Kildare" avec Lionel Barrymore et Lew Ayres dont elle est l'éternelle sage fiancée. Si ces films sont bien oubliés, on imagine mal aujourd'hui la popularité incroyable du Dr Kildare, d'Irma ou de Andy Harry. Chaque film était attendu par le public comme le saint graal. Tournés en noir et blanc à budgets réduits ils engrangeaient des bénéfices colossaux et permettaient d'essayer les nouvelles recrues du studio à moindre frais. C'est dans ces sérials que vont faire leurs preuves des acteurs aussi prestigieux que Judy Garland, Mickey Rooney, Lana Turner; Bonita Granville ou Ann Rutherford. Et même Lupe Velez aura le sien à cette époque.
Il y aura 8 "Dr Kildare", Laraine en tournera 7!
Evidemment ce ne sont pas là les seuls films où elle paraît mais la popularité de ceux-ci a fait d'elle une vedette adorée du public et donc très commerciale. Le Dr Kildare lui ouvre instantanément l'accès aux premiers rôles, souvent d'ailleurs prêtée à d'autres studios. Il semble que la MGM ne voie en elle que cette tendre infirmière à la dévotion aussi impeccable que sa blouse et ses pansements!
Beaucoup de stars se seraient probablement révoltées contre le traitement que lui inflige le studio. Pas Laraine. Elle n'est pas du genre pétardier et son personnage correspond parfaitement aux préceptes de son église. A tout prendre elle en est plutôt fière puisqu'elle véhicule de solides valeurs à l'écran, laissant les paillettes, le stupre et la luxure à Lana Turner. Et puis Laraine a d'autres chats à fouetter. En 1942 elle épousait James Ray Hendricks et le couple adoptait aussitôt trois enfants: Christopher, Angela et Michèle. Action admirée d'un bout à l'autre du continent à l'heure où l'Amérique s'apprêtait au débarquement en Normandie.
Mais dès 1946, le ciel sans nuage du couple Hendricks a tourné à l'orage. Le couple se lance dans une procédure de divorce pénible et compliquée qui désole l'Américain moyen. Laraine Day, une "femme si bien" lancée à corps perdu dans un divorce qui aurait mieux convenu à Lana Turner. On découvre qu'elle était derrière la façade parfaite une femme malheureuse en plein désarroi moral.
Le 20 Janvier 1947, Laraine est divorcée mais n'a pas le droit de se remarier avant un an. L'actrice est tombée follement amoureuse de Leo Durocher, un joueur de base ball idolâtré de toute l'Amérique sous le sobriquet de "Lion Lip" et de 15 ans son aîné. L'actrice mécontente de cette clause restrictive mais hélas légale se retrouve dès le lendemain 21 Janvier à Juarez au Mexique où elle obtient un nouvel acte de divorce sans cette clause qui lui est intolérable. Le même jour, son acte mexicain en main, elle épouse Lion Lip à El Paso. Son premier mari entame aussitôt une procédure pour faire invalider le mariage et obtient gain de cause Son mariage mexicain invalidé, Laraine devra attendre un an pour épouser l'homme de ses rêves, en toute légalité, le 16 Février 1948 à Santa Monica.
Ce divorce, ces deux mariages "éclair" avec Leo vont offusquer l'entourage de la star qui ne fréquentait avec son premier mari que la gent la plus huppée de Los Angeles. Maintenant qu'elle est folle d'un joueur de base-ball ses relations s'estiment "trompées sur la marchandise" et claquent leur porte au nez du nouveau couple. Laraine qui avait jusque là fait grand cas du qu'en dira-on fut montrée du doigt par ses anciennes relations comme une sorte de Messaline folle de son corps et de celui d'un joueur de base-ball, envoyant au diable pour une simple amourette son foyer, sa respectabilité, sa dignité et la considération qu'on lui portait.
A Hollywood, considérée comme la Babylone américaine, Laraine vivait en fait chez des puritains égoïstes et bornés. Paradoxalement ce furent les stars les plus ouvertement volages et tapageuses du moment qui se déclarèrent outrées par l'inconduite de Laraine Day! Durant leur mariage, Lion Lip qui se fiche bien des clabaudages est l'entraîneur des Giants et Laraine va se piquer de base-ball, trouvant dans le sport une saine adrénaline et les valeurs fondamentales qu'elle véhiculait déjà à l'écran dans les "Dr Kildare!
Elle va même se fendre de deux livres sur le sujet et sera longtemps surnommée "La première dame" par les fans de base ball. Elle apparait d'ailleurs à la télévision avant chaque grand match des Giants lorsqu'ils jouent "a domicile" et galvanise l'enthousiasme des fans durant un bon quart d'heure!
Le cinéma bien entendu est relégué au second plan et la star qui tournait cinq ou six films par an en tourne maintenant un ou deux...ou pas!
Dès 1957 elle vit toute l'année à New-York et si le cinéma se fait à Hollywood, la télévision se fait sur la côte Est. Laraine s'y engouffre, elle aura même sa propre émission et dès la fin des années 50, la revoir au cinéma sera purement accidentel!
Mais en Juin 1960, le couple emblématique du base ball divorce. L'étonnement est à son comble dans l'Amérique entière. Laraine se remariera l'année suivante au producteur de télévision Michael Grilikhes avec qui elle aura deux filles: Dana Laraine et Gigi nées respectivement en 1962 et 1964, Laraine est alors une jeune maman de 44 ans. C'est un fait rarissime à l'époque où l'on croyait encore que les enfants de mères plus âgées risquaient débilité et malformations génétiques ce qui est on ne peut plus grotesque comme on le sait aujourd'hui.
L'actrice, épanouie entre son mari, la télévision et ses cinq enfants: trois grands et deux petits, va rester active très longtemps au petit écran et finira dans "Hôtel", "La Croisière s'amuse", "L'île Fantastique", "Arabesque" et même "Supercopter"!
Ses convictions religieuses inébranlables lui firent jusqu'à la fin de ses jours défendre les plus nobles et les plus justes causes, se fichant de la beauté qui s'étiole comme d'une guigne. A sa fin, après avoir fait découvrir au monde l'œuvre de l'écrivain Ray Bradbury et défendu tant la création que la liberté, elle se battait encore comme une acharnée pour le respect de l'environnement.
En Mars 2007 son troisième mari la laissait veuve alors qu'elle même se battait avec son habituelle conviction contre le cancer. Elle se retira alors chez sa fille Gigi qui vivait en Utah et c'est là que sa maladie l'emporte le 10 Novembre 2007 à l'âge vénérable de 87 an fêtés un mois plus tôt entourée des siens.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1937: Stella Dallas: Avec Barbara Stanwyck et Anne Shirley
1938: Scandal Street: Avec Louise Campbell et Lew Ayres
1939: Think First:(court métrage) avec Mark Lawrence
1939: Calling Dr. Kildare: Avec Lew Ayres et Lionel Barrymore
1939: Tarzan trouve un Fils: Avec Johnny Weissmuller et Maureen O 'Sullivan
1939: The Secret of Dr Kildare: Avec Lew Ayres et Lionel Barrymore
1939: Sergeant Madden: Avec Wallace Beery et Alan Curtis
1940: Foreign Correspondant: Avec Joël McCrea et George Sanders
1940: Dr Kildare's Crisis: Avec Lew Ayres et Lionel Barrymore
1940: I Take this Woman: Avec Hedy Lamarr et Spencer Tracy
1940: My Son, my Son: Avec Madeleine Carroll et Brian Aherne
1940: Dr Kildare's Strange Case: Avec Lew Ayres et Lionel Barrymore
1940: Dr Kildare Goes Home: Avec Lew Ayres et Lionel Barrymore
1941: Unholy Partners: Avec Edward G.Robinson
1941: The People vs Dr; Kildare: Avec Lew Ayres et Lionel Barrymore
1941: The Trial of Mary Dugan: Avec Robert Young et Tom Conway
1941: Dr Kildare's Wedding Day: Avec Lew Ayres et Lionel Barrymore
1941: Kathleen: Avec Shirley Temple et Herbert Marshall
1942: Dr Kildare's Victory: je cite le film pour que la série soit complète, mais Laraine n'y est présente...Qu'en photo!
1942: Journey for Margaret : Avec Robert Young et Fay Bainter
1945: Those Endearing Young Charms: Avec Robert Young et Ann Harding
1946: The Locket: Avec Robert Mitchum et Brian Aherne
1948: My Dear Secretary: Avec Kirk Douglas
1954: The High and the Mighty: Avec Claire Trevor et John Wayne
1956: Three for Jamie Dawn: Avec Ricardo Montalban
1956: The Toy Tiger: Avec Jeff Chandler
1960: The 3rd Voice: Avec Julie London et Edmond O'Brien