Quelque part dans l'hiver de Vichy, le 14 Janvier 2012, une étoile s'éteignait. Une étoile se mourait. Une étoile est morte Mila Parély entre dans l'éternité, elle était déjà depuis longtemps entrée dans sa nuit.
Mila Parély naît le 7 Octobre 1917 à Paris sous le patronyme d'Olga Perzinsky. Ses parents, d'aimables bourgeois d'origine Polonaise ont entre autres habitudes, celles de passer leurs vacances d'été à Vichy, ville dont la petite Olga va s'enticher à jamais.
En grandissant, elle se souhaite comédienne et se détourne de la médecine qu'elle avait pourtant considérée comme sa vocation première. Elle n'aura que 15 ans lorsqu'elle fera des débuts, certes modestes, dans des courts métrages plus modestes encore tel ce "Martyre de l'obèse" dont il ne reste rien si ce n'est le titre. Est-elle trop jeune? Ne correspond elle pas aux canons de beauté de son époque?
Elle devra faire un détour par Bruxelles pour enfin fouler les planches d'un théâtre. Elle sut ce soir là qu'elle ne s'était pas trompée.
Mila serait volontiers restée une petite actrice obscure toute sa vie si elle avait été sûre de pouvoir jouer jusqu'au dernier de ses jours et parfois se nourrir.
Mais à Paris, le destin veillait.
Un destin qui a pris la curieuse apparence de Fritz Lang pour faire d'elle son ange dans "Lilliom". Face à une des plus grandes icônes du cinéma mondial: Charles Boyer. Le french lover lui-même Charles qui mène déjà et mènera encore une carrière sensationnelle entre Jean Harlow, Marlène Dietrich, Greta Garbo, Arletty, Ingrid Bergman, Danielle Darrieux, Michèle Morgan ou Brigitte Bardot.
La carrière de l'inconnue Mila Parély peut réellement commencer...Ou presque!
Est-ce à cause de Charles? Est-ce parce qu'elle s'est sentie trop peu sûre d'elle sur le tournage de Lang? Je l'ignore et Mila s'abstint de donner des explications. Toujours est-il qu'elle s'embarqua pour Hollywood sans attendre la sacro sainte proposition de contrat. On la retrouva chez Paramount qui ne sut trop que faire d'elle. D'un volte face coutumier de son caractère, elle devint la chanteuse de l'orchestre de Rudy Vallée et le suivit en tournée dans toute l'Amérique.
Rentrée en France après un détour par Broadway, elle se sentit fin prête pour une carrière d'étoile du cinéma et aligna film sur film à un rythme tellement intense que je me demande même si elle s'aperçut tout de suite que les Allemands avaient envahi Paris.
Mila Parély fût-elle particulièrement affûtée dans ses choix ou eut-elle une chance extraordinaire, qui sait?
Elle affichera son nom à quelques films essentiels du cinéma et jouera pour et avec les plus grands. Dirigée par Pabst, Cocteau, Ophüls, Grémillion, Lang, Guitry, L'Herbier, Duvivier, Boyer et tant d'autres, elle donnera la réplique à Louis Jouvet, Raimu, Gabin, Raymond Rouleau, Charles Boyer, Albert Préjean, Michel Simon, Harry Baur, Jean Marais, Yves Montand, Jean Claude Brialy. Et tant qu'elle y est à Viviane Romance, Edith Piaf, Françoise Rosay, Danielle Darrieux, Micheline Presle, Marie Bell, Gaby Morlay ou...Maruschka Detmers parmi tant et tant d'autres!
En 1942 elle donne la réplique à la nouvelle idole des foules: Jean Marais. L'acteur s'entiche complètement de la belle Mila, laissant Jean Cocteau aussi ébaubi qu'effaré. Mila de son côté adora Jean. Lequel souhaita l'épouser afin d'avoir d'elle un enfant.
Le projet obtint l'aval de Cocteau qui fit de Mila la soeur de Belle dans "La Belle et le Bête" et se voyait sans doute déjà grande tante du futur bambin. (sois dit sans malveillance)
Mila, elle, ne donna finalement pas suite à ces projets matrimoniaux.
Pourtant elle était non seulement très entichée de Jean Marais mais elle tenait à "rétablir sa réputation". Elle n'aimait rien tant que de s'enfermer avec l'acteur dans la loge de ce dernier et pour ne laisser aucun doute sur ce qui s'y déroulait, elle avait la jouissance bruyante. Cocteau dira plus tard: "On entendait Parély brâmer comme un vieux cerf dans tout le théâtre!". Jean Marais resta son plus grand et plus fidèle ami pour la vie, une amitié qui ne put être interrompue que par la mort de l'acteur en 1998.
Mila Parely mène donc une carrière riche en films et en qualité. Même si parfois son rôle est très court comme dans "Circonstances Atténuantes", elle a parfois des premiers rôles à porter . Elle n'hésite pas alors, à tâter de la composition comme le fait si volontiers Bette Davis à Hollywood, aimant à se faire des "têtes". Quitte à s'enlaidir ou se ridiculiser. Tant pis pour son image!
Je prends pour exemple "Etoile sans lumière", où elle joue une star du muet dotée d'une voix de brouette et se faisant doubler par Edith Piaf planquée derrière un rideau. Toute actrice française en 1946 donnerait à ce personnage des allures de grande diva dans un film de Griffith. Mila se fait moutonner la tête à la Mae Murray et se rend parfaitement grotesque. Lorsque Piaf la vit arriver sur le plateau, elle qui attendait la belle actrice blonde qu'elle admirait au cinéma partit d'un tel fou rire qu'elle dut courir aux toilettes.
Mila allait jouer une femme égocentrique, bête et sans coeur prisonnière de son passé. Elle n'allait pas la défendre. Il ne fallait pas que le public prit son parti. Cela ne risquait pas d'arriver.
Le film fut mauvais, Piaf passable, Montand ridicule et Mila sublime.
Le 30 Avril 1947, Mila Parely a enfin trouvé l'élu de son coeur. Le pilote automobile qui court pour Ferrari Thomas Mathieson connu par ses fans comme "Tasso". Durant cinq belles années, Mila Parely est une des créatures les plus heureuses de la terre, comblée par son mari et son métier. Elle s'apprête à rejoindre Danielle Darrieux, Jean Gabin et Madeleine Renaud sur le tournage du "Plaisir" d'Ophuls lorsque son destin la frappe. Tasso s'est fracassé avec son bolide et si ses jours ne sont plus en danger il restera gravement paralysé et dépendant pour le reste de sa vie. Mila ne montra rien de son chagrin, rit beaucoup avec Danielle son amie la plus chère sur le tournage, puis, le film terminé, Mila rendit son tablier d'étoile et consacra le reste de sa vie à soigner son cher et tendre Tasso.
Le couple s'installa un temps au doux soleil du Portugal dont on croyait le climat plus propice à la santé du blessé. Mila s'ennuyait trop de son cher Vichy. Elle avait conté à ses arbres des places ses rêves de petite fille, ses espoirs d'artiste, elle voulait maintenant leur confier ses peines. Jamais, par contre, elle n'aurait de regrets à leur confier.
Mila Parely resta fidèle à sa promesse jusqu'à ce que Tasso la laisse veuve. Elle resta à Vichy. Trouvant que la vie culturelle manquait d'un peu d'animation elle s'y investit et finit par devenir la grande dame de la ville.
Si on la revit en 1989 à un âge avancé devant les caméras, c'est que, voyez vous, elles passaient par là.
A 95 ans, Mila Parely a dit depuis longtemps adieu à ses chers arbres. Leurs feuilles sont tombées, les arbres dorment et la vieille dame s'éteint, et avec elle un peu de la belle lumière du cinéma.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1933: Le Martyre de l'Obèse: Avec Paulette Dubost, Colette Darfeuil et Suzet Maïs
1933: L'amour qu'il faut aux Femmes: Ce film est perdu et réunissait Mila à Gina Manès.
1934: Cartouche: Avec Noël Roquevert
1934: Lilliom: Avec Charles Boyer et Madeleine Ozeray.
1934: On a trouvé une Femme nue: Avec Mireille Balin et Saturnin Fabre
1935: Calling All Stars: Avec Bert Ambrose et Evelyn Dall
1935: La Petite Sauvage: Avec Christiane Delyne, Pierre Larquey et Paulette Dubost
1936: Les Jumeaux de Brighton: Avec Raimu, Michel Simon et Suzy Prim
1936: Valse Royale: Avec Renée Saint Cyr et Henri Garat
1936: Pattes de Mouches: Avec Renée Saint Cyr, Claude May et Pierre Brasseur
1936: Mister Flow: Avec Edwige Feuillère et Fernand Gravey
1938: La Rue sans Joie: Avec Albert Préjean, Line Noro et Fréhel
1938: Le Drame de Shanghai: Avec Louis Jouvet, Elina Labourdette et Raymond Rouleau
1938: La Tragédie Impériale: Avec Harry Baur, Pierre Richard Wilm et Marcelle Chantal.
1938: Remontons les Champs Elysées: de et avec Sacha Guitry.
1938: Le Monsieur de Cinq Heures: Avec Meg Lemonnier et André Lefaur
1939: Circonstances Atténuantes: Avec Arletty et Michel Simon
1939: La Charrette Fantôme: Avec Louis Jouvet, Micheline Francey, Marie Bell et Ariane Borg
1939: L'Esclave Blanche: Avec Viviane Romance, John Lodge et Marcel Dalio
1939: La Règle du Jeu: Avec Nora Gregor, Paulette Dubost et Marcel Dalio
1940: Le Grand Elan: Avec Max Dearly et Charpin
1940: L'Empreinte du Dieu: Avec Pierre Blanchar, Blanchette Brunoy et Ginette Leclerc.
1940: Elles Etaient Douze Femmes: Avec Gaby Morlay, Françoise Rosay et Simone Renant
1942: Le lit à colonnes: Avec Jean Marais, Michèle Alfa et Odette Joyeux
1943: Monsieur des Lourdines: Avec Raymond Rouleau
1943: A la Belle Frégate: Avec Michèle Alfa et René Dary
1943: Le Camion Blanc: Avec Blanchette Brunoy et Jules Berry
1945: Le Cavalier Noir: Avec Georges Guétary
1946: Destins: Avec Tino Rossi et Micheline Francey
1946: Etoile sans Lumière: Avec Edith Piaf et Yves Montand
1946: La Belle et la Bête: Avec Jean Marais Josette Day et Michel Auclair
1946: Jeux de Femmes: Avec Jacques Dumesnil et Hélène Perdrière.
1947: Rêves d'Amour: Avec Pierre Richard Wilm, Annie Ducaux et Jules Berry.
1947: Dernier Refuge: Avec Raymond Rouleau et Giselle Pascal
1948: Snowbound: Avec Dennis Price et Herbert Lom
1950: Véronique: Avec Gisèle Pascal et Jean Dessailly.
1952: Le Plaisir: Avec Madeleine Renaud, Danielle Darrieux, Jean Gabin et Ginette Leclerc.
1989: Comédie d'Ete: Avec Remi Martin, Maruschka Detmers et Nelly Borgeaud