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TUESDAY WELD




L'histoire de Tuesday Weld commence comme un conte de fées. Mais hélas un conte de fées qui n'est pas vécu par elle mais par sa mère. Et un conte de fées qui hélas tourne court;

Sa mère, Yoséne Balfour Ker est la fille de l'illustrateur William Balfour Ker. 

Restée orpheline et sans argent elle rencontre un millionnaire américain, roi des aciéries qui fait d'elle son épouse. Yoséne devient madame Lathrop Motley Weld, quatrième tenante du titre. 

Le couple regagne l'Amérique natale de monsieur et on s'installe richement. Yoséne se fait toiser avec des airs pincés par sa belle famille un peu comme si elle dégageait une odeur vaguement rance; mais peu lui importe.

Elle est heureuse et comblée par son mari et bientôt leurs enfants. Sarah, David et la petite dernière, Susan qui vient au monde à New-York le 27 Aout 1943.

Hélas la vie de riche oisive de Yoséne va tourner court. Son cher mari meurt brutalement en 1947. Sa fille Susan n'a que quatre ans.


La jeune veuve va vivre alors une scène que l'on imaginait uniquement réservées aux vieux mélos hollywoodiens en noir et blanc. Encore dans ses voiles de deuil, Yoséne voit débarquer de limousines longues comme des péniches, sa belle famille au grand complet. Ces dames profitent de mimer le chagrin pour protéger leurs narines de cette odeur de basse classe qu'exhale à leurs sens raffinés cette veuve inmontrable. Ces messieurs lui mettent un marché en mains:

Qu'elle déguerpisse!

Qu'elle retourne dans sa ruelle des bas-fonds de Londres!

Elle recevra une somme substantielle pour ses frais.



Par contre, la famille gardera les enfants qui seront richement mais sévèrement éduqués pour rejoindre plus tard les portraits de famille dans les cadres d'argent sur le piano à queue du manoir. On veut bien faire l'effort d'oublier de quelle mère ils étaient "sortis" et les traiter comme des membres de la famille à peu près normaux. 

La veuve en question flanqua tout le monde dehors dans une envolée de chapeaux melons et de petits mouchoirs en dentelle de Bruges. Les limousines s'égaillèrent et on ne les revit jamais.

La petite Susan qui avait assisté à toute la scène médusée du haut de ses 4 ans en conclut que sa mère adorait ses enfants plus que tout et lui voua une reconnaissance admirative sans bornes.

Mais enfin, si l'acte ne manquait pas d'allure, il allait falloir manger.


Très belle, avec un nom de milliardaire connu dans toute l'Amérique, la veuve téméraire n'eut aucun mal à se placer dans une agence de mannequins et nul doute que sa belle famille s'épouvanta de la voir faire "de la réclame". Cette damnée fille de rien! 

Ils n'avaient encore rien vu.

En 1956, pour répondre à la demande, Yoséne pousse sa fille devant les caméras de télévision déclarant qu'elle s'appelle Tuesday Weld. Il faut bien être un peu originales que diable si on veut se faire remarquer. Susan était depuis sa tendre enfance "Tutu" pour toute la famille à cause d'une de ses petites cousines qui ne savait pas dire "Susan". Sa mère avait cherché un nom commençant par "tu", Tuesday était sorti tout seul.


Le destin semble-il veillait. On préparait alors un film qui comme son titre l'indique "Rock, Rock, Rock" allait parler de Rock and Roll et de son influence sur les jeunes, les jeunes filles en particulier. Et pour que ce soit crédible, si tant est que ce fût possible, il fallait une jeune inconnue. Ce fut Tuesday qui emporta le casting haut la main.

Tuesday Weld débutait au cinéma doublée pour le chant par Connie Francis. On est bien là à l'aube d'une nouvelle génération et Tuesday n'a que 13 ans.


Le film à peine terminé, elle passe sur le plateau d'Alfred Hitchcock soi-même qui a besoin d'une très jeune fille pour "The Wrong Man" avec Henri Fonda et Vera Miles. Inutile de dire que Tuesday est "lancée".


A 13 ans elle paraît plus âgée, maquillée et coiffée à la mode BB. On lui en donnerait 18.

C'est la première vraie Lolita du cinéma américain.

C'est follement palpitant, la presse se repend sur "ces filles de plus en plus vite femmes". C'est un scandale. Un phénomène de société qui atteindra son paroxysme en 1962 avec Sue Lyon en "Lolita".


Mais en attendant, en cette même année 1956, Carrol Baker est "Baby Doll"  L'Amérique est en émoi. Paradoxalement, si Carrol Baker et Sue Lyon joueront les affranchies juvéniles à l'écran, Tuesday ne tiendra pas ce genre de rôle mais le jouera dans la vie. Elle a à peine 17 ans lorsqu'elle clame son intérêt pour le sexe mais pas pour le mariage. "Un amant oui, un mari, la barbe!". Comme elle s'était beaucoup affichée avec Tab Hunter et Anthony Perkins, les mieux informés se dirent qu'il ne s'agissait là que de bonne vieille publicité on ne peut plus classique si ce n'était l'âge de la demoiselle.


Mais il y aura également Elvis Presley dans sa vie ainsi que l'acteur John Ierland fier des ses 44 ans au moment de sa liaison on ne peut plus tapageuse avec Tuesday. Lequel John Ierland verra sa succession assurée par...Frank Sinatra. Ces deux messieurs ayant largement l'âge de jouer les heureux "papa gâteau" de la belle Tuesday. Tuesday commente le plus sérieusement du monde: " Le genre intellectuel est très à la mode. Ce n'est pas tout à fait le mien. Mais comme je ne demande qu'à apprendre, je sors avec des hommes plus âgés que moi. Pour apprendre. Malheureusement les sujets qui nous occupent n'ont rien d'intellectuel!" Puis elle ajoute" J'aurai 18 ans au mois d'août! Ce n'est pas trop tôt! On va peut-être enfin me considérer comme une adulte! Hollywood est la capitale de l'hypocrisie. On y critique absolument tout ce que vous faites. Il faudrait se cacher et se taire pour vivre tranquille mais ce n'est pas dans mon tempérament, je n'aime ni me taire ni me cacher et je me contrefiche de l'opinion publique!"


Bientôt le personnage de la "nymphette" deviendra l'incontournable du cinéma et les plus grands acteurs des générations précédentes ne se feront pas faute de tourner avec de très jeunes demoiselles on ne peut plus délurées. Seul Clark Gable y échappe en déclarant "C'est la mode à Hollywood pour les vieux acteurs comme moi de tourner avec des filles dont ils pourraient être le père. Moi même je l'ai fait puisque je pourrais être le père de...Sophia Loren!" Bientôt Tuesday aura un surnom dont elle ne rougira jamais "Baby Sex". Sa mère joue les grandes épouvantées à chaque liaison de sa fille. Tout en appelant tous les journaux pour leur dire ce que Tuesday fait, avec qui et à quel point elle est contre. Ca ne fait qu'ajouter à ce qu'il faut bien appeler le prestige de la libération sexuelle des mineures.


Nous parlons quand même d'une époque où l'on est majeur à 21 ans et non 18 et que les filles n'ont souvent d'autre choix que le mariage pour s'émanciper de leur famille. Le mari exerce encore une tutelle légale sur son épouse. Il a le droit incontesté de leur interdire de travailler, d'avoir l'usage d'une voiture ou d'un compte en banque. Alors, quand Tuesday Weld clame son plaisir sexuel et son indépendance personnelle, c'est une réelle révolution.

Encore mineure, excédée par une énième dispute avec sa mère, elle sort de la maison pour faire quelques pas dans la rue. Voyant une maison à vendre, elle l'achète immédiatement. "Pour avoir la paix!" Pour son anniversaire elle s'offrira son second appartement, déclarant aux journalistes "Mes frères et sœurs ont un peu trop pris l'habitude de venir sonner chez moi à n'importe quelle heure, or j'estime que mon métier d'actrice nécessite beaucoup de sagesse, une hygiène de vie irréprochable et beaucoup de sommeil!"


La dévouée mère qui avait renoncé à une confortable rente en échange de ses enfants avait fini par devenir une véritable despote envers sa fille. Haïssant tous les hommes qu'elle fréquentait. Craignant que ceux-ci ne la lui enlèvent. Un jour à bout d'arguments, Tuesday lui lance "Si vous continuez , je vais tout bonnement arrêter de faire du cinéma! Vous vous rendez compte de tout l'argent que vous allez perdre, maman?" Sa mère s'était révélée être une des pires mères managers qu'Hollywood ait connues.



A neuf ans Tuesday avait sombré en dépression. A 12 elle était alcoolique et tentait de mettre fin à ses jours. La presse ravie de l'aubaine titrait "Le Drame de ces filles qui grandissent trop vite!" Sous-entendu "Rentrez à la maison fillettes et apprenez donc à raccommoder les chaussettes! 

Plus tard, Tuesday laissera tomber un laconique "Le pire avec ma mère c'est qu'elle croyait que je lui devais tout!"

Pourtant, quelqu'un devait probablement guider dans l'ombre les pas artistiques de la jeune tête émancipée et si ses principales rivales font scandale dans leurs films, Tuesday mise sur un certain confort sans risque au cinéma, préférant jouer les jeunes oiselles dans les films de Bob Hope, Bing Crosby  ou Danny Kaye.


Plus tard elle misera sur les plus prestigieux noms du catalogue hollywoodien masculin pour porter sur leurs épaules le succès de ses films. Plutôt que de briguer le haut de l'affiche, Tuesday préfère donner la réplique à des valeurs sûres. Henri Fonda, Paul Newman, Steve McQueen, Gregory Peck avant Robert de Niro,  Nick Nolte, Richard Gere ou Keanu Reeves. Elle délaissera également les exhibitions de charme chez Playboy à ses principales rivales au rayon des "nymphettes blondes et scandaleuses". Tuesday préfère faire de la télévision où là encore elle se cantonne aux spectacles des familles. Elle aura d'ailleurs refusé d'être Bonnie Parker à l'écran, préférant reprendre à la télévision le rôle de Marilyn dans "Bus Stop" ou plus tard celui de Lana Turner dans "Madame X".


Cette option plutôt "sécuritaire" se révélera payante car contrairement à ses rivales de la grande époque, Tuesday finira par être reconnue pour ses talents d'actrice et sera nommée aux Oscar pour son second rôle dans "Looking for Mr Goodbar" en 1978. C'est Vanessa Redgrave qui l'emportera pour "Julia" et profitera de l'aubaine pour transformer la scène du pavillon Chandler en tribune politique. Ce jour là, Tuesday n'emportait pas la mythique statuette. Mais juste consolation, qui, ce soir là, songeait encore à Sue Lyon, Yvette Mimieux ou Carol Lynley? Les fameuses "rivales Lollipop" de Tuesday?

Sam Peckinpah qui la dirigera dans "Les guerriers de l'enfer" aura ces mots à son propos: "La carrière de Tuesday a toujours été un malentendu. Confinée dans des feuilletons niais par la télévision américaine ou parachutée dans des rôles de folles à lier par le cinéma, elle a dû attendre d'être enfin nommée aux Oscar pour être reconnue comme comédienne."


Tuesday se mariera trois fois. D'abord en 1965 avec le scénariste Claude Harz, père de sa fille Natasha née en 1966. Le couple divorcera en 1971. Tuesday à cette occasion déclarera: "Quand je me suis mariée, je me suis sincèrement demandé si après tout, tout ce que j'avais vécu et fait jusque là n'était pas d'accomplir les exigences de ma mère et si au fond tout cela n'était pas une erreur et que je n'étais pas tout simplement faite pour être une épouse et une maman. Et bien, c'était encore une erreur de plus!"


En 1975 elle épouse le comédien Dudley Moore et le couple aura un fils l'année suivante, Patrick. A l'heure de leur mariage, la presse titre "Dudley et Tuesday: Huit ans de plus et huit centimètres de moins!" Dudley peine à trouver sa véritable chance au cinéma et sa vraiment très petite taille lui ferme de nombreuses portes même s'il en joue comme d'un ressort comique. Le couple divorce en 1980 et presque simultanément, Dudley devient une star planétaire, fort brièvement il est vrai avec "Ten" de Blake Edwards. Il s'y partage entre son épouse légitime de cinéma Julie Andrews et sa maîtresse la nouvelle venue Bo Derek.


En 1985, Tuesday se remariait une dernière fois avec le violoniste et chef d'orchestre Pinchas Zuckerman de cinq ans son cadet. Ils divorceront en 1998.


A partir des années 2000, Tuesday met sa carrière en veilleuse et apparaît de moins en moins.

En Août 2023 sonnent ses 80 ans.

Celine Colassin



QUE VOIR?

1956: Rock, Rock, Rock: Avec Fran Manfred et Chuck Berry

1956: The Wrong Man: Avec Vera Miles et Henri Fonda

1958: Rally 'Round the Flag, Boys!: Avec Joanne Woodward, Paul Newman et Joan Collins

1959: The Five Pennies: Avec Barbara Bel Geddes, Danny Kaye et Louis Armstrong

1960: Because They 're Young: Avec Victoria Shaw et Dick Clark

1960: Sex Kittens go to Collège: Avec Mamie van Doren et Mijanou Bardot

1960: High Time: Avec Bing Crosby, Fabian, Yvonne Craig et Nicole Maurey

1960: The Private Lives of Adam and Eve: Avec Mamie van Doren et Mickey Rooney

1961: Return to Peyton Place: Avec Carol Lynley, Eleanor Parker et Jeff Chandler

1961: Wild in the Country: Avec Elvis Presley et Hope Lange

1962: Bachelor Flat: Avec Richard Beymer et Terry Thomas

1963: Soldier in the Rain: Avec Steve McQueen

1965: I'll Take Sweden: Avec Frankie Avalon, Bon Hope et Dina Merrill

1965: The Cincinnati Kid: Avec Steve McQueen

1966: Lord Love a Duck: Avec Roddy MacDowall et Lola Albright

1968: Pretty Poison: Avec Anthony Hopkins

1970: I Walk the Line: Avec Gregory Peck

1977: Looking for Mr. Goodbar: Avec Richard Gere et Diane Keaton

1978: Who'll stop the Rain: Avec Nick Nolte

1980: Serial: Avec Martin Mull

1984: One upon a Time in America: Avec Robert de Niro

1988: Heartbreak Hôtel: Avec David Keith

1993: Falling Down: Avec Michael Douglas et Barbara Hershey

1996: Feeling Minnesota: Avec Cameron Diaz et Keanu Reeves

2002: Investigating Sex: Avec Julie Delpy et Dermot Mulroney

 

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