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AMANDA LEAR



Il y a longtemps que j’aurais pu intégrer Amanda Lear dans ce florilège d’actrices, puisqu’après tout, du cinéma, elle en fait depuis 1968. Mais j’ai longtemps été découragée. J’ai même failli y renoncer. Les déclarations sans cesse changeantes de la personne, à propos de tout, de rien et surtout d’elle-même m’épuisent. Amanda Lear passant d’une version à l’autre d’une interview à l’autre, mentant toujours effrontément, prenant sans vergogne ni scrupules, ses interlocuteurs comme le public pour de parfaits imbéciles.

S’y plonger pour faire le tri vaut bien quelques travaux d’Hercule. D’autant plus que ses délires déblayés, reste un parcours personnel et privé qui non seulement ne me regarde pas mais ne m’intéresse pas.

Et puis j’ai songé à une chose toute bête, à laquelle elle-même a forcément songé. En France, et contrairement à d’autres pays, sur simple demande on peut recevoir l’extrait d’acte de naissance de n’importe qui. Que soit remerciée l’administration française tant décriée mais que le monde peut envier. Elle me permet de rédiger cet article tout simplement sans tenir compte d’élucubrations ni de prétendues rumeurs, leurs preuves et leurs démentis.


Alain Maurice Louis René Tap naît le 18 juin 1939 à Saïgon d’un père officier de l’armée française et d’une jeune femme probablement annamite, ce qui donnera un petit air oriental à leur enfant. Les premières traces que nous avons ensuite de notre vedette du jour, c’est en 1959, à Paris, place Blanche. Haut lieu de noctambules, repaire d’un Paris by night interlope où nombre de transsexuels et travestis monnaie volontiers leurs charmes.

Un photographe, Christer Stromholm couvrant cet aspect de la capitale française, photographie une de ces créatures nocturnes, poussant la porte d’un petit bistrot. C’est la future Amanda, elle a 20 ans.



Est-ce à dire qu’elle vend aussi ses charmes? Pas du tout. Elle est déjà devenue Peki d’Oslo, se produit dans des cabarets « spécialisés » et gagne déjà très correctement sa vie. Elle se produit au Carrousel de Paris, le plus célèbre cabaret du genre mais aussi à Berlin, à Milan, bref Peki d’Oslo mène sa petite carrière de vedette de cabaret. Malheureusement pour sa future identité, elle ne la mène pas avec beaucoup de discrétion et fréquente déjà d’autres personnalités du Paris by night dont Régine ou la célèbre Coccinelle.

Ladite Coccinelle n’ayant jamais caché son parcours trans identitaire, c’est elle qui présentera Peki à Georges Burou, son chirurgien à Casablanca. L’opération étant alors interdite en France. Si l’opération est interdite en France, à contrario l’administration est beaucoup plus tolérante. Sur simple présentation d’un certificat prouvant que la personne est désormais physiquement et physiologiquement féminine, la personne en question devient officiellement pour l’état civil une femme.

Ce qui a permis à Coccinelle de se marier en blanc à l’église. Plus tard, les choses vont s’inverser fort curieusement. L’opération de transition sexuelle étant autorisée en France et remboursée par la sécurité sociale, l’administration va freiner des 4 fers pour donner aux personnes leur nouvelle identité administrative.

Peki, rentrée de Casablanca continue sa carrière, se montre même au festival de Cannes mais elle ne souhaite pas être une nouvelle Coccinelle. D’ailleurs ses traitements hormonaux ont effacé tout ce que ses traits pouvaient avoir de masculin. Lorsqu’elle se produit au Caprice, à Milan, la clientèle se sent flouée. Venus voir des travestis, les clients ont la sensation qu’on leur présente une vraie fille sur scène. La direction exigera de l’artiste, une mise au point formelle chaque soir.



C’est alors que les choses vont s’emballer. Rentrée de Casablanca avec un corps enfin conforme à sa véritable personnalité et un état civil assorti. Peki qui peu à peu devient Amanda, c’est le prénom qu’elle s’est choisi, n’a d’autre cesse que d’obtenir un passeport anglais. C’est le premier pas vers le brouillage de pistes. C’est encore une fois compter sans la qualité scrupuleuse de l’administration anglaise dans le soin qu’elle apporte à ses archives. « Amanda Tap, mannequin de 26 ans, épouse Morgan Paul Lear, un étudiant écossais en architecture ancienne de vingt ans. Les officiers de l’État civil sont S. G. Marsh et B. J. Lawrence. Les témoins du mariage sont A. Corbett et E. Charles. Le registre des mariages concerné mentionne de plus que le père de l’épouse est un officier militaire, le « capitaine en retraite de l’armée française André Tap »

Amanda devenue officiellement Amanda Lear peut enfin vivre sa vie telle qu’elle l’a rêvée. Il est temps, elle a 26 ans. Se sentant bien à Londres elle se fait dévaliser sa chambre d’hôtel puis se fait arrêter pour trafic de stupéfiant alors qu’elle fournissait les Rolling Stones!

Elle a fait ses débuts de mannequin en ayant bien soin d’occulter son passé et prétendre être née Amanda Lear, tantôt en Chine, tantôt en Suisse, tantôt, telle un vampire en Transylvanie. Malheureusement ses premiers succès dans le mannequinat où elle est payée au même tarif que Twiggy, ce qui n’est pas rien, vont être bouleversés par une indiscrétion. Alors qu’elle a travaillé pour Lagerfeld, Paco Rabanne, Mary Quant, Le syndicat des mannequins est saisi d’une plainte pour concurrence déloyale. Ces dames estimant n’avoir pas à batailler contre « un homme déguisé en femme » pour obtenir des contrats!



C’est ce petit drame en froufrous qui attisera l’intérêt de Salvador Dali, du moins officiellement.  L’idée l’enchante, le séduit, l’émerveille. Il connaît Amanda depuis 1959 et c’est lui qui a financé son opération. Elle est depuis lors sa préférée et il reste non seulement subjugué par son androgynie mais il est également séduit par son humour, son intelligence, sa soif inextinguible d’apprendre, découvrir et se cultiver. Dotée d’un joli coup de pinceau, il l’aide à peaufiner son art.

Tout en lui assénant volontiers que la peinture n'est pas accessible aux femmes...Mais pas à Amanda.

Lui-même la peint volontiers et l’emmène désormais, maintenant qu’elle est un peu célèbre partout avec lui. Pour clouer le bec au « syndicat des mannequins » il la présentera même à Coco Chanel pour ses défilés mais elle l’enverra bouler d’une force surprenante malgré son âge avancé.

La collaboration fusionnelle du peintre et de sa muse durera jusqu’à la mort de l’artiste en 1989. Malheureusement pour Amanda qui avait tiré de cette relation une visibilité planétaire, Salvador Dali ne comprenait pas l’obstination d’Amanda Lear à occulter son passé. Faisant fi de sa douleur il n’aime rien tant que le claironner sur tous les toits. Trouvant la chose formidable et sans doute délicieusement sensible à l’humiliation de sa muse.

Dali passé à pertes et profits, David Bailey fait d’elle la star du numero de Noël de VOGUE en 1971. Amanda Lear continue son parcours, affiche des amitiés, des liaisons avec tout ce que la scène pop rock compte de stars et se retrouve même à poser pour une pochette du groupe Roxy Music.



Après avoir chanté « La bagarre » en 1976, la reprise d’une vieille lune 1962 de Johnny Halliday, elle même adaptée d’un titre d’Elvis et reprise simultanément par Amanda et Sylvie Vartan, Amanda va toucher à la gloire.

Enfin! Elle va avoir 40 ans. En un album elle devient reine absolue du disco. Désœuvrée c’est David Bowie qui lui a insufflé l’idée de chanter et lui a offert ses cours de chant et de danse.

Elle va vendre des millions d’albums et dépasser ABBA en ventes de disques et en notoriété dans les pays scandinaves. Son album « Follow Me » la fait entrer dans la légende mais son premier album triomphal sera le dernier. Star du disque sanctifiée dans un mouvement qui vit ses dernières heures, le disco, Amanda Lear est désormais une célébrité planétaire et entend le rester. Animatrice radio, présentatrice TV, peintre, chanteuse, mannequin, qu’importe ce que fait Amanda Lear, l’important n’est-ce pas d’être enfin Amanda Lear?

En ce qui me concerne elle peut bien déclarer qu’elle est la fille d’Elvis Presley et Marilyn Monroe ou qu’elle est née à Eurodisney la nuit de la Saint Sylvestre 2000, très sincèrement je m’en fiche.

Quant au cinéma dans tout ça? Puisqu’au fond c’est bien de celà qu’il s’agit.

Amanda Lear y a fait ses débuts dès l’obtention de son passeport britannique. Sans grand succès d’ailleurs. C’était en 1968. En 2020 elle s’y obstine encore bien qu’elle ait annoncé plusieurs fois la fin de sa carrière. Aucun rôle ne la fera entrer dans la légende du septième art. Pas même me semble il dans son souvenir.

Vocalement et quelle que soit la sympathie que l’on a ou n’a pas pour la personne, Amanda Lear ne peut pas être confondre avec Maria Callas ni même avec Sheila ni même avec Carla Bruni. Il en va de même, quel que soit ou ne soit pas le succès de ses entreprises de comédienne. On ne risque pas de la prendre pour Adjani ou Isabelle Huppert. Quant à la fameuse « rumeur » elle n’a jamais existé. Amanda Lear baptise de rumeur le fait qu’elle-même choisisse de nier des faits pourtant largement connus et avérés. Il ne m’appartient pas de juger sa volonté de balayer jusqu’au souvenir d’Alain et de Peki.

Je considère que toute personne née dans un genre et dans un corps qui ne lui correspondent pas, devrait pouvoir vivre sa transition dans la paix et le respect. Lorsque cette transition se termine et que la personne est enfin en accord avec elle-même, elle devrait pouvoir vivre sa vie sans se justifier, sans rendre des comptes, sans devoir évoquer un passé, un parcours qui ne regardent qu’elle.

Qu’Amanda Lear souhaite la même chose me paraît fort légitime.

Mais le problème est qu’elle a souhaité, et trouvé, la notoriété dans ses vies précédentes et qu’elle en fait fait volontiers commerce et publicité pour nier ensuite ses propres dires.

Ca me semble très irrespectueux vis à vis des personnes qui lui ont fait l’honneur de l’écouter, de la croire et de la respecter et même de l’aimer. Pour être respecté, il faut aussi être respectable.

mais je l'aime bien quand même

Celine Colassin



QUE VOIR?

1968: Ne jouez pas avec les Martiens: Avec Macha Méril et Jean Rochefort

1968:  Fun and Games for Everyone: Avec Salvador Dali et Patrick Bauchau

1970: Double Pisces, Scorpio Rising: Avec David Bradley

1998: Bimboland: Avec Judith Godrège et Aure Atika

2002: Le Défi: De et avec Blanca Li

2017: Metti una notte: Avec Cristiana Capotondi

2020: Miss: Avec Isabelle Nanty et Pascale Arbillot

2020:  Si muore solo da vivi: Avec Alessandra Mastronardi


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