La mère d’Angela Lansbury, Moyna McGill était une actrice irlandaise très réputée dans Londres au début du XXème siècle. Née en 1895 sous le patronyme de Charlotte Lillian Maclldowie dan une famille d’avocats richissimes mais férus des choses de l’art puisque son père était également le directeur de l’opéra de Belfast. Elle avait débuté encore adolescente au théâtre et au cinéma dès 1918. Elle était une des partenaires préférées de John Gielgud. Moyna s’était éprise d’un jeune et bel acteur, Reginald Denham qu’elle avait épousé et qui avait fait d’elle la jeune maman d’une petite Isolde. Mais sa route croisa celle de monsieur George Lansbury, solide industriel en bois de construction doublé d’un ardent militant politique ce qui conquit instantanément ses origines irlandaises.
On divorça, on se remaria, on s’installa dans un très joli rez de chaussée à Regent Park et enfin, Angela Lansbury pouvait naître, en ce 16 Octobre 1925.
Moyna avait mis sa carrière en veilleuse pour la naissance de ses filles, mais celles-ci furent bientôt suivies par des jumeaux, Edgar et Bruce. George continua ses affaires et la politique, Moyna regagna ses chères scènes où elle aborda les rôles de caractère et tout aurait pu continuer ainsi jusqu’à la fin des temps si le destin ne s’en était pas mêlé avec une violence rare. George fut littéralement foudroyé par un cancer de l’estomac et il rendit l’âme en 1935. Angela avait dix ans, Isolde treize.
Certes Moyna était une actrice célèbre mais pas au point de mener grand train en restant veuve avec quatre enfants ! Comme cela ne suffisait pas, le monde entra en guerre. Bientôt Londres serait la proie des flammes. Hitler semblant cracher le feu sur la capitale tel un dragon enragé, Le monde était en pleine débâcle, même si, crânement, les théâtres restaient ouverts. Moyna réussit mille prouesses et put s’embarquer avec ses enfants vers des lieux plus sûrs : les Etats-Unis. Mais il était dit que Moyna ne dormirait pas tranquille pour autant. Sa fille Isolde avait rencontré un jeune acteur et en était tombée follement amoureuse, préférant l’épouser et rester avec lui sous les bombes plutôt que de fuir avec sa famille. Elle était devenue madame Peter Ustinov lorsque les Lansbury appareillèrent vers le nouveau monde et la sécurité. Mais pour être à l’abri des bombardements, du moins l’espérait on, on n’en était pas sauvé pour autant. La réputation de Moyna, pourtant solidement établie en Angleterre n’avait pas atteint les écoutilles de Broadway où personne ne l’attendait ni ne l’engagea ! Très affairée à se sortir d’une situation de plus en plus inextricable, elle ne vit aucun inconvénient à laisser sa fille suivre des cours d’art dramatique. Elle avait commencé en Angleterre, elle pouvait continuer en Amérique, au moins ça la distrairait ! Moyna qui n’était pas femme à s’attendrir sur son sort ni s’apitoyer sur elle-même prit les choses en mains et sillonna le pays de grande ville en grande ville, se disant qu’en dehors de New-York les théâtres devaient probablement avoir moins d’actrices à disposition. Angela resta à New-York pour s’occuper de ses petits frères et Moyna finit par atterrir à Hollywood, ayant appris que le contingent d’acteurs étrangers ayant fui la guerre y était le bienvenu et y trouvait du travail à foison.
Lorsqu’elle appela sa fille à New-York en lui disant de la rejoindre parce qu’elle avait enfin trouvé à Hollywood du travail pour elles deux, Angela s’imagina chevauchant au côté de Gary Cooper ou dansant la rumba avec George Raft, mais elle se retrouva employée dans un grand magasin au rayon des cosmétiques alors que sa mère s’occupait des jouets !
Décidément non, la vie n’était pas rose.
Et puis soudain la vie va donner un coup d’accélérateur inouï aux destinées de la famille Lansbury. Moyna qui bien entendu n’entend pas végéter derrière son comptoir à remonter des Mickeys mécaniques, apprend que la MGM, le plus glorieux des studios, cherche désespérément une jeune fille anglaise un peu effrontée pour jouer la boniche du couple Ingrid Bergman Charles Boyer dans « Gaslight ». Immédiatement elle précipite sa fille de dix sept ans sur le casting. Casting qu’elle emporte haut la main. Angela ne crut vraiment en la réalité des choses que lorsqu’elle retrouva pour son premier jour de tournage, coiffée, maquillée et costumée en Nancy sur le plateau. Un film à Hollywood ! Jouer avec Charles Boyer ! Était-ce bien vrai ?
Mais l’aventure de Gaslight avait déjà connu quelques tumultes qui avaient tendu les nerfs de l’équipe comme des cordes de piano.
Ingrid Bergman n’était pas sous contrat chez MGM et le rôle avait failli lui échapper parce que son contrat stipulait que son nom était toujours en haut de l’affiche, or, le contrat de Charles Boyer stipulait la même chose. Ingrid avait réglé la situation pourtant inextricable en clamant à tout va : « Je veux ce rôle et je l’aurai et si je ne fais pas ce film et bien je n’en ferai pas d’autre ! Je me fiche bien de savoir si mon nom est en haut de l’affiche ou même s’il s’y trouve tout court ! Mettez celui de Charles Boyer et qu’on en finisse ! » Ainsi fut fait. Mais Charles Boyer commençait le tournage très énervé par cette histoire d’affiche, et qui de plus est, la presse ne parlait d’Ingrid Bergman que pour dire qu’elle jouait sans maquillage (ce qui est faux) et qu’elle était gigantesque (ce qui est vrai) Or la presse aimait également à se gausser de Charles Boyer, l’acteur à la taille si réduite qu’il « Oblige ses partenaires à jouer dans un fossé » ! Evidemment, l’idée de serrer Ingrid Bergman dans ses bras ne l’enchantait pas, il se sentait comme une souris devant un poteau télégraphique ! Le film était donc commencé, Charles jouait juché sur des caisses et Ingrid en chaussons lorsqu’on eut besoin de « Nancy » et qu’Angela apparut pour la première fois sur le plateau avec son…mètre 73 ! Boyer blêmit sous sa célèbre perruque et devant le ridicule de la situation, Ingrid partit d’un fou rire inextinguible. Ce n’est pas tant la tête déconfite de Charles Boyer qui déclenchait son hilarité mais le fait qu’on ait chaussé Angela de bottines à très hauts talons ce qui la faisait plafonner au mètre 80 ! Ce détail n’était pas dû à une erreur impardonnable du département costumes mais bien une volonté de Georges Cukor qui souhaitait voir la jeune Nancy dominer Ingrid Bergman, sans songer évidemment à la susceptibilité de Charles !
Ingrid Bergman était étrangement fascinée par le travail de la jeune fille et bientôt elles devinrent inséparables, mais Angela allait connaître quelques uns des mauvais côtés du cinéma hollywoodien. Un jour que les deux amies papotent entre deux scènes, un assistant s’adresse à Ingrid Bergman comme si elle était la dernière des souillons : « Taisez-vous ! A Hollywood les vedettes ne s’abaissent pas à parler aux seconds rôles ! » Ce à quoi elle répondit du tac au tac : « Mais elles s’abaissent à parler aux imbéciles puisque je vous réponds ! » Un autre jour ce fut Angela qui fut copieusement vilipendée parce qu’elle avait invité Barbara Everest qui jouait l’autre boniche à venir prendre le thé avec elle, or, contre toute attente, on eut soudain besoin de Barbara sur le plateau. Plus jamais Angela Lansbury ne prit aucune initiative de ce genre, cette bordée d’injures lui avait suffit.
Elle découvrait, un peu effarée que l’on pouvait être une star et être malgré tout traitée avec moins de ménagement qu’un paquet de linge sale.
Angela et son amie Ingrid allaient se retrouver toutes deux nommées aux Oscars Ingrid en premier rôle, Angela en second. Mais si Ingrid triompha, Angela fut évincée par Ethel Barrymore.
Mais à Hollywood, lorsque vous êtes dans la course aux Oscar alors vous faites partie de la grande famille. Entre la fin du tournage et la cérémonie, la MGM avait signé un contrat de sept ans à Angela et l’avait distribuée dare-dare dans « National Velvet » entre sa star maison Mickey Rooney et son petit prodige Elizabeth Taylor. Ce film « de famille » posa étrangement beaucoup de difficultés à Angela. Si dans « Gaslight » on avait vieilli ses dix-sept ans en la rembourrant par ci par là et en durcissant ses traits, maintenant qu’elle avait fêté ses dix-huit ans, il lui fallait se rajeunir pour jouer le rôle d’une fille de seize ! Et dieu sait qu’entre seize et dix huit ans, lorsque l’on est une fille, il y a tout un monde. Angela retrouva ensuite les atours belle époque pour « The Picture of Dorian Gray » et sa notoriété était déjà telle qu’elle avait réussi à obtenir un rôle à sa chère maman dans le film.
Une nouvelle nomination aux Oscar vint couronner sa prestation dans ce film face à Hurd Hatfield et George Sanders mais elle fut évincée cette fois par Anne Revere qui, détail qu’il convient de souligner, triomphait pour son rôle dans « National Velvet » face à Elizabeth Taylor et…Angela ! Mais au fond qu’importe. MGM se frottait les mains. Ils tenaient là un excellent second rôle, on n’allait pas se gêner de la faire tourner, même si, paradoxalement, malgré sa grande versatilité et sa popularité certaine, on ne lui confierait jamais un beau grand rôle dans un film de prestige. Sans doute si elle avait accepté de se débaptiser pour devenir Angela Marlowe comme le studio l’avait exigé, la donne aurait-elle été différente.
Elle allait donc servir la soupe, mais pas n’importe comment et encore moins à n’importe qui ! Ce seraient les meilleurs potages aux plus illustres acteurs pour les plus doués des metteurs en scène. Et puis non seulement Angela enchaînait les tournages et les succès, mais elle avait rencontré l’amour en la personne du très beau Richard Cromwell de seize ans son aîné. Angela a 19 ans et Richard 35. Ils se sont enfui comme deux jeunes étourdis jusqu’à Indépendance, la ville natale de Ginger Rogers et se sont unis lors d’un petit mariage civil à la sauvette le 27 Septembre 1945.
Mais les deux jeunes étourneaux vont vite déchanter, un an plus tard ils divorcent. Cromwell déclare à la presse que sa femme est plus anglaise que l’Old Jack et qu’elle passe ses nuits à boire du thé et les journées à décorer leur maison de rideaux à fleurs, Angela déclare plus stoïquement que « Toute cette histoire n’aurait pas dû arriver, 19 ans n’est pas un âge pour se marier » Et enfin tout le monde conclut que le goût très prononcé de Richard Cromwell pour les garçons avait dû avoir raison de la belle histoire. Angela regagna donc les plateaux, enchaîna les tournages et se confronta à tout le gratin Hollywoodien dont Katharine Hepburn, Spencer Tracy, Gene Kelly, Orson Welles, George Sanders, Paul Newman, Tony Curtis, Victor Mature, Frank Sinatra Rex Harrisson, Walter Pidgeon et tant d’autres. Parfois, sans doute pour lui faire plaisir, on lui confiait un premier rôle, mais sans y croire vraiment, dans un film qui ne coûtait pas trop cher. Brave policier ou brave western. Et puis les choses reprenaient leur élégant train-train. Angela revenait briller dans l’ombre des plus grands, excellente camarade, épouvantable voleuse de scènes !
La MGM avait vu en elle une sorte de Lana Turner de second plan et longtemps on la coiffa, l’habilla et la maquilla comme Lana pour la distribuer dans le même genre de rôles que l’idole, mais plus courts, comme dans « Harvey Girls ». Longtemps Angela Lansbury bataillera pour obtenir de meilleurs rôles dont celui de Milady dans « Les Trois Mousquetaires » mais Mayer était inflexible. « Vous jouerez la reine de France parce que c’est ce que nous voulons et nous savons ce qui est bon pour vous comme pour le film, Lady de Winter sera jouée par…Lana Turner ! »
En 1949, Angela Lansbury a un nouveau coup de foudre, encore pour un acteur, Peter Shaw, comme elle sous contrat à la MGM. Ces deux-là se marièrent le 12 Août 1949 mais cette fois là fut la bonne et ils restèrent unis pour la vie. Au même moment elle glane encore un peu plus d’estime en étant de l’aventure de « Samson et Dalila » où elle n’a aucun mal à briller face à Hedy Lamarr que personne n’aurait même remarquée si Angela ne se faisait pas trucider dans les dix premières minutes du film, laissant le champ libre au plus bel ectoplasme jamais filmé ! Quant à Peter Shaw, si son nom ne vous dit rien malgré son physique à la Tyrone Power, c’est que voyez vous, avec son tact habituel, un jour Angela Lansbury s’assit en face de son cher époux à la table du petit déjeuner ; Ils avaient vu la veille un film où jouait Peter. Lorsqu’il demanda son avis à son épouse, l’infortuné s’entendit répondre : « Mon chéri, tu es certainement le plus bel homme du monde et je t’adore, mais tu n’es pas un acteur, tu pourrais être n’importe quoi sauf ça ! » L’orgueil un peu douché, Peter Shaw se rangea sans trop de blessures d’amour propre à l’avis de son épouse et rangea ses velléités artistiques au grenier.
En 1952, Angela est maman pour la première fois, d’un petit Anthony, en 1953 c’est une fille qui vient compléter la famille Shaw, Deidre. Mais avec les années 50, Hollywood amorce un nouveau tournant. Le son, la couleur, le technicolor étaient déjà venus bousculer les règles établies d’un art pourtant en constante évolution, mais cette fois la révolution vient de l’extérieur.
Elle a pour nom télévision. Angela ne fut pas de ces stars qui pincèrent les narines et minaudèrent devant la taille des écrans, elle accepta les propositions télévisées dès qu’on lui en fit qu’elle trouva à son goût ! Et puis elle était jeune mariée, jeune maman, et si les films à Hollywood étaient d’une infinie lenteur à tourner, à la télévision il s’agissait de se grouiller. L’idée d’aller droit au but quitte à prendre plus de risques mais avoir bien plus de temps à consacrer à sa vie privée n’était pas pour déplaire à notre héroïne qui d’ailleurs quittait MGM au terme de son contrat. Dès lors, devenu indépendante, elle se montrera encore au cinéma, mais la télévision sera son véritable fief.
Elle tournera quelques films qui lui font envie et d’autres moins prestigieux mais promis à un succès populaire, ce qui à la fois permettait à l’actrice de montrer aux producteurs hollywoodiens que l’on pouvait toujours compter sur elle, et de continuer aux yeux des producteurs de télévision d’avoir le prestige d’une star d’Hollywood et les cachets assortis. Car la télévision ne put jamais se débarrasser de cet étrange complexe d’infériorité qui perdure de nos jours : Les acteurs de cinéma y ont un prestige que n’égalent jamais les acteurs de télévision. Qu’importent si les premiers condescendent à paraître une fois par an et que les seconds passent leur vie sur les plateaux. Les vraies stars viennent du cinéma un point c’est tout ! Angela Lansbury le comprit immédiatement et ne laissa jamais son statut s’altérer. Mais si les années 50 avaient commencé par un bouleversement professionnel, elles allaient se terminer par un autre, sans doute plus spectaculaire encore. En 1957, à son grand ébahissement, elle reçoit une offre de Broadway !
On lui propose un rôle dans la version musicalisée et américanisée d’une vieille pièce d’Eugène Labiche : »Hôtel Paradisio ». Le tout, très démodé ne tint pas l’affiche très longtemps mais la surprise d’une Angela Lansbury sur scène chantant et dansant lui valut un énorme succès. Gina Lollobrigida reprendrait plus tard le rôle au cinéma, sans toutefois chanter, ce qui est fort dommage. Et pourquoi ne pas l’avouer, Angela Lansbury se piqua de théâtre. A quarante ans, l’âge ou nombre de vedettes descendent de scène, elle y montait et se grisait jusqu’à plus soif de chant, de danse, de comédie, de paillettes, de boas, de boys et de standing ovations ! Cette nouvelle activité la passionne et lui vaut une notoriété encore jamais atteinte ! C’est presque distraitement qu’elle accueille en 1962 la nouvelle de sa troisième nomination aux Oscar pour the « Manchurian Candidate ». C’est Patty Duke qui l’évincera pour son rôle de sourde muette aveugle dans « Miracle en Alabama ».
En 1966 elle accepte de jouer « Mame », jusque là sacro sainte propriété très privée de Rosalind Russell qui avait crée la pièce et fait perdurer le personnage au cinéma. Mary Martin avait refusé le rôle comme elle allait deux ans plus tard refuser « Funny Girl ». Judy Garland l’avait accepté mais les producteurs renoncèrent au challenge de huit représentations par semaine avec elle. Angela Lansbury jouera, chantera et dansera Mame sans faillir puis Céleste Holm, Ann Miller, Jane Morgan et Janis Paige lui succèderont pour aller jusqu’à la 1508ème représentation. D’autres stars telles que Ginger Rogers ou Greer Garson endosseront également les tenues excentriques et tapageuses du personnage. En 1974, Hollywood portera à nouveau la chose à l’écran mais Angela n’étant pas libre, c’est Lucille Ball qui héritera du rôle et les comparaisons ne furent pas en sa faveur. Angela avait reçu un Tony Award en 1966 pour sa performance. En 1969 elle en recevait un autre pour une pièce directement inspirée de « La Folle de Chaillot » : « Dear World ».
Mais le malheur est entré dans la vie d’Angela Lansbury. Son fils adoré est tombé sous l’emprise du gourou Charles Manson qui s’apprête d ‘ailleurs à perpétrer le massacre de Cielo Drive où Sharon Tate, son bébé et ses invités perdront la vie. On prend encore Charles Manson pour un illuminé complet et on se heurte plus des libertés sexuelles qu’affichent les membres de ce que l’on appelle encore sa « communauté hippie » et qui n’est rien de moins qu’une secte.
Que son fils ait les cheveux longs et pratique l’amour libre ne correspondait pas aux ambitions maternelles d’Angela Lansbury, mais qu’il se drogue et fasse des enfants vivant nus et appartenant à tout le monde, non ! Mais Charles Manson est, on l’a vu, n’est pas de ceux qui acceptent qu’on se mêle de leurs affaires ni qu’on lui désobéisse. A peine quelques jours après l’intervention musclée d’Angela Lansbury pour récupérer son fils, la propriété familiale de Malibu est ravagée par les flammes. Y avait-il cause à effet, plus que probablement, mais l’affaire de l’incendie de Malibu fut oubliée dans l’épouvante du massacre perpétré par Manson et ses acolytes. Une chose est sûre, Angela Lansbury ne demanda pas son reste, et les ruines encore fumantes, la famille s’embarquait pour l’Irlande renouer avec la mère patrie. Finalement, Angela et son mari achètent une vieille ferme à retaper dans le comté de Cork et annoncent qu’ils resteront définitivement en Irlande.
Cet éloignement ne sera pas sans incidence sur la carrière d’Angela Lansbury et les films se font rares, ce qui ne l’empêchera pas d’encore rafler deux Tony Award à Broadway successivement en 1975 avec « Gipsy » et en 1979 avec « Sweeney Todd » il faudra attendre 1978 pour un fracassant retour face à Bette Davis dans « Mort sur le Nil ». La nostalgie qui soudain embrase le monde pour le Hollywood de la grande époque, ses stars et ses films de grand prestige porte « Mort sur le Nil » au triomphe. Agatha Christie redevient une fois de plus l’auteur à la mode et Angela « rempile » en 1980 avec « Le Miroir se Brisa » où elle retrouve sa copine des débuts MGM Elizabeth Taylor . Malgré la présence de la star aux yeux violets flanquée de Rock Hudson et de Kim Novak, c’est Angela en « Miss Marple » qui frappa les imaginations ! Dorénavant, Angela Lansbury et l’univers du crime ne font qu’un. Elle enchaîne les films policiers et en 1984 la chaîne CBS ne voit qu’elle pour devenir Jessica Fletcher, la Miss Marple de Cabot Grove. Elle va enchaîner 264 épisodes en douze ans ! Le public est fou de Jessica Fletcher et la série fait encore aujourd’hui, près de 30 ans après sa fin les beaux jours des chaînes de télévision du monde entier.
Au début des années 90, les studios Disney avec qui elle avait déjà collaboré avec succès ne voient plus qu’elle pour être la voix des personnages de mamies vieillissantes et sympathiques dans les dessins animés du studio. Et cerise sur le gâteau, Angela chante elle-même les inévitables chansons propres au genre. Les royalties de « Murder, she Wrote » feront rouler Jessica Fletcher, heu, pardon, Angela Lansbury sur l’or jusqu’à la fin des temps. Sans compter que le personnage reprendra régulièrement le collier dans des téléfilms de prestige jusqu’en…2003 ! Nullement retraitée, et encore moins oisive, elle travaille pour Disney, apparaît dans des téléfilms policiers raviver le souvenir de Jessica et parfois même, pourquoi pas, s’adonne au cinéma entre deux émissions télévisées.
En 2003 hélas, le 29 Janvier, son grand amour de toujours, son mari Peter Shaw succombe à une crise cardiaque. Anéantie jusqu’au plus profond de son âme, Angela Lansbury refit néanmoins surface. En 2005 elle donnait la réplique à Emma Thompson au cinéma, en 2010 c’était à Catherine Zeta Jones à Broadway. Ais-je eu le temps de vous dire qu’elle avait raflé un cinquième Tony Awards en 2009 pour « Blithe Spirit » ?
Angela Lansbury s’éteignit le11octobre 2022, cinq jours avant de fêter ses 97ans. Elle savourait encore son ultime gloire que lui avait value sa dernière série mythique « Downtown Abbey » lorsque la mort vient la saisir paisiblement dans son sommeil.
QUE VOIR ?
1944 : Gaslight : Les premiers pas d’Angela Lansbury à l’écran, face à Ingrid Bergman et Charles Boyer, et d’emblée une nomination aux Oscars.
1944: National Velvet : Angela rejoint Elizabeth Taylor et son traitement aux hormones sur le plateau du film qui fera d’elle une superstar pour le reste de sa vie.
1944: Le Portrait de Dorian Grey : Encore une prestation hors normes pour Angela qui chante pour la première fois à l’écran et se souvient encore soixante dix ans plus tard de son trac et qui vaudra sa deuxième nomination aux Oscars à l’actrice.
1946 : The Harvey Girls : Un véhicule pour Judy Garland où l’on verra également passer Cyd Charisse.
1947 : The Privates Affairs of Bel Ami : Voici Angela, prêtée à la United Artist pour être la dame de cœur de Georges Sanders qu’elle retrouve après « Le Portrait de Dorian Gray ».
1947: If Winter Comes : La MGM teste Deborah Kerr en vue de lui confier la succession de Greer Garson qui ne fait plus recette après quelques triomphes inouïs.
1948 : State of Union : Dans un rôle que n’aurait pas désavoué Joan Crawford, la machiavélique Angela reste d’une indifférence glaciale lors du suicide de son cher papa puis tente de mettre Spencer Tracy sur le fauteuil de la présidence des USA quitte à froisser un peu les draps et la susceptibilité conjugale de Katharine Hepburn.
1948 : Les Trois Mousquetaires : Angela en reine de France voit le rôle de Milady lui échapper au profit de Lana Turner bien plus spectaculaire il est vrai. Elle reste donc contrite en ses appartements en attendant que D’Artagnan lui ramène ses ferrets en sautillant plus que jamais.
1949 : Samson et Dalila : Angela est la sœur de Dalila-Hedy Lamarr, et c’est sur elle que Samson Victor Mature jette son dévolu avant de se rabattre sur Hedy, car Hélas, sans le faire exprès il a, avec une lance, traversé sa dulcinée de part en part !
1951 : Kind Lady : Angela forme avec Keenan Wynn un affreux couple prêt à tout, y compris à balancer l’infortunée Ethel Barrymore par la fenêtre.
1952 : Mutiny : Un aimable film d’aventures mais réalisé par Edward Dmytryck ce qui aide à l’intérêt général. Mark Stevens est le héros musculeux de la chose.
1954 : A Life at Stake : Les premiers rôles que l’on confie à Angela Lansbury sont bien trop rares pour que l’on ne s’en délecte pas jusqu’à plus soif. Mais Hollywood mise peu sur elle et elle devra se contenter de Keith Andes pour mimer la folle passion, là où il aurait fallu un Burt Lancaster ! Et tant qu’on y était, un metteur en scène, ca n’aurait pas été de trop non plus ! Ici cette délicate mission est confiée à un certain Paul Guilfoyle.
1955 : The Purple Mask : Voici Angela distribuée face à Tony Curtis, mais hélas, le film est surtout destiné à promouvoir une nouvelle tocade d’Howard Hugues, miss Colleen Miller dont on espérait beaucoup mais qui elle préférait la chasse aux milliardaires au cinéma.
1955 : A Lawless Street : Angela Lansbury est tellement « british » que sa présence dans un western semble tout à fait incongrue, mais à Hollywood on ne s’en fait pas pour si peu ! La voici donc blonde platine, chantant dans un saloon en costume affriolant dans un western avec Randolph Scott !
1958 : The Long Hot Summer : Angela dirigée par Martin Ritt dans une œuvre de grand prestige où elle côtoie le couple Paul Newman Joanne Woodward et Orson Welles sur un scénario de William Faulkner. Elle passe la totalité du film à poursuivre Orson maquillé comme un totem de ses velléités de mariage. Un des films les plus prestigieux de la carrière d’Angela et qui vaudra à Paul Newman le prix d’interprétation à Cannes.
1958 : The Reluctant Debutante : Une petite merveille de comédie anglaise qui bien entendu doit tout à Rex Harrisson et Kay Kendall à côté de qui le couple Sandra Dee John Saxon peine à exister. Mais la palme de la composition délirante revient sans aucun doute à notre chère Angela tout à fait hilarante.
1959 : The Summer of 17th Doll : En 1955 cette pièce australienne révolutionne le théâtre national qui jusque là se contentait des grands succès anglo-saxons. Burt Lancaster fut le premier à se ruer sur les droits. Il voyait là l’occasion idéale pour faire à nouveau équipe avec Rita Hayworth après leur succès de « Tables séparées ». Malheureusement la pièce fit un four à Broadway. Le public se plaignit de ne rien comprendre au texte avec l’accent et le vocabulaire propre à l’Australie. Les enthousiasmes fondirent. Il ne fut plus question de Burt ni de Rita.
1960 : The Dark at the Top of the Stairs : Un film de haute volée dirigé par Delbert Mann. Considéré comme un des dix meilleurs films de l’année avec une histoire bien charpentée et bien racontée, il mettait en vedette le couple inhabituel formé par Robert Preston et la charmante Dorothy McGuire. Eve Arden et Angela Lansbury apportèrent leur savant concours.
1961 : Blue Hawaii : Qui aurait cru qu’un jour Angela Lansbury serait la mère d’Elvis Presley ? Et bien voilà !
1962 : All Fall Down : L’insuccès de ce film est une fort étrange chose car tous les ingrédients étaient pourtant là pour en faire un triomphe ! Warren Beatty en tête d’affiche, les excellents Karl Malden et Eva Marie Saint, Tout ce joli monde dirigé par John Frankenheimer sur un scénario solide lui-même tiré d’un roman à succès, mais le tout subit une indifférence générale, et même au festival de Cannes la chose passa inaperçue !
1962: The Manchurian Candidate (Un Crime dans la Tête) : Ce film qui réunissait Laurence Harvey et Frank Sinatra connut un triomphe inouï et Hollywood reconnut tenir en Angela Lansbury le plus solide second rôle de son époque.
1965 : Les Aventures Amoureuses de Moll Flanders : Cette longue et ennuyeuse chose est destinée semble-il à conserver le statut un peu branlant de superstar à Kim Novak, ce qui échoua. Ce film sera pour elle le commencement de la fin et si le film reste aujourd’hui supportable, c’est grâce aux prouesses hilarissimes du couple Angela Lansbury-Vittorio de Sica.
1965: La Plus Grande Histoire Jamais Contée : George Stevens invite la prestigieuse Angela à rejoindre la non moins prestigieuse distribution de son film consacré à la bible.
1965: Harlow : Angela campe le rôle de la mère très décriée de Jean Harlow, alias Carrol Baker. Un autre film se tourne en même temps sur le même sujet, et là c’est Ginger Rogers qui s’y colle !
1978 : Mort sur le Nil : Disparue des écrans depuis quelques années, Angela y revenait dans un rôle de vieille toquée face à Bette Davis pourtant championne de l’outrance mais qui fut battue à plate couture par l’ouragan Lansbury .
1980 : Le Miroir se Brisa : Angela rempile dans l’univers d’Agatha Christie et devient miss Marple face à Elizabeth Taylor, Rock Hudson et Kim Novak.
1984 : The Company of Wolves : Neil Jordan s’inspire d’une dizaine de contes dont il chamboule les rapports de force et de séduction entre les hommes et les femmes ce qui provoqua un véritable tollé. Certains critiques s’attendant sans doute à une resucée de Cendrillon en furent pour leurs illusions et qualifièrent le film de pornographique !
2005 : Nanny Macphee : Emma Thompson se prend à la fois pour Mary Poppins, Julie Andrews et la reine d’Angleterre. L’ensemble est malgré tout sympathique, Angela est hilarissime et le tout connut même une suite : Nanny Macphee et le Big Band » !
2011 : Mr. Popper's Penguins : Angela dans un véhicule pour Jim Carrey. C’est typiquement le genre de comédies familiales en prêt à mâcher qu’Hollywood produit aujourd’hui à grands frais pour engranger des montagnes de dollars. Celui-ci coûta la somme encore fort modeste de 55 millions de $ pour en rapporter 187 millions.
2014 : Driving miss Daisy : On pourrait s’étonner de voir Hollywood se lancer dans le remake d’un film encore dans toutes les mémoires. Mais qu’on ne s’y trompe pas, il s’agit de la captation de la pièce de théâtre filmée pour la postérité et le régal des foules trop éloignées de Broadway ou...d’Australie où Angela a rôdé la pièce.
2018 : Mary Poppins ’return : Un petit tour chez Disney pour Angela.