Maria del Carmen Garcia Galistéo naît à Séville le 16 Octobre 1930 mais grandira à Madrid.
Dès sa naissance elle baigne dans le chant populaire espagnol et apprend à marcher au son du flamenco. C’est que le papa de Maria est un parolier connu en Espagne sous le pseudonyme de Kola.
Dès son plus jeune âge, la petite Carmen se fera un plaisir sinon un devoir de connaître par cœur toutes les chansons de son papa, de les chanter avec entrain sur une petite chorégraphie trépidante de sa création. Pas de doute pour l’heureux père : la petite a ça dans le sang.
A douze ans, Carmen est déjà sur scène et ne tarde pas à avoir des engagements dans des compagnies officielles.
Elle fera tout naturellement ses débuts au cinéma en 1947 comme si tout coulait de source.
C’est que non seulement la petite Carmen devenue Sevilla chante et danse depuis toujours, mais c’est qu’elle est bougrement jolie ! Bref, Carmen est ravie, la famille est ravie, les caméras sont ravies et le public est ravi.
Que demander de plus ?
En fait rien.
Il suffira à Carmen Sevilla de laisser venir les choses. Elle n’attendra pas longtemps.
Après les années d’occupation, la France enfin libérée a des envies de vacances et de soleil, on lorgne vers le soleil, les plages, vers un exotisme teinté de dolce farnienté.
Gina Lollobrigida a mis la France à ses pieds, Sophia Loren va lui emboîter le pas.
Dans la chanson les rythmes latins sont à la mode et la voix de Gloria Lasso est le nec le plus ultra pour les oreilles. On aime ce qui est latin, ce qui est Italien, ce qui est espagnol, on aime les rythmes de Xavier Cugat, les voix de Dario Moreno et de Luis Mariano, on rêve de Naples, de Capri, de Venise, de Madrid et de Costa Brava. On aime à rouler des R.
Le cinéma bien sûr ne laisse pas s’échapper l’aubaine d’une nouvelle tendance.
Au théâtre Mogador, l’opérette « Violettes Impériales fait un triomphe avec Marcel Merkès et Lina Walls et tient l’affiche depuis 1948. Elle sera jouée 1500 fois entre 1948 et 1962.
Une adaptation du livret pour le cinéma est commandée à Francis Lopez.
Pour le rôle masculin, aucune question à se poser : Francis Lopez a écrit « La Belle de Cadix » en deux mois pour Luis Mariano qui en fait ses choux gras depuis…Le réveillon de 1945 !
Reste à trouver la « violettera », cette petite marchande de Violettes si romanesque, si jeune et si belle.
Ce sera Carmen Sevilla, cette belle andalouse de 22 ans à la fois somptueuse et si professionnelle, c'est-à-dire pour les producteurs qui n’entendent rien au flamenco terriblement exotique !
Le film fait un succès colossal, Carmen est la nouvelle reine de Paris où elle est débarquée avec sa mère et ses deux frères qu’elle a fait engager dans le film. Dans la foulée on la fiance d’emblée à Luis Mariano ce qui tombe à pic pour faire taire ces rumeurs d’homosexualité qui vont grandissant. Il ne faut hélas pas compter sur une fière andalouse pour se prêter au jeu du mensonge, Carmen Sevilla dément. Aimablement, certes mais fermement. En attendant, le couple Sevilla-Mariano fait littéralement exploser le box office et à peine les « Violettes Impériales » sur les rails du triomphe, la « Belle de Cadix » est mise en chantier.
Le succès de 1952 se renouvelle, plus fracassant encore en 1953, Carmen Sevilla est en deux films une des plus grandes stars du monde ! Ce n’est plus du succès, ce n’est pas du triomphe, c’est du délire ! La belle de Cadix, véritable icône en crinoline pourrait se pâmer en costume d’époque dans les bras de Luis Mariano jusqu’à la fin des temps, la terre en tournerait au son des mélodies de Francis Lopez pour le plus grand bonheur de l’humanité. Mais Carmen n’a pas l’intention de se scléroser indéfiniment dans ses jupons pour servir la soupe aux castagnettes à Luis Mariano, elle cède volontiers sa place dans « Le Chanteur de Mexico » à Bourvil et Annie Cordy. En 1958, parce qu’elle est au festival de Cannes avec « La vengeance » et que Luis tourne à Nice aux studios de la Victorine, les échotiers s’émeuvent à l’idée d’éventuelles retrouvailles du couple mythique et tant regretté. Il n’en sera rien et Carmen quitte le festival chassée par un mistral déchaîné sans revoir son ancien partenaire.
Elle regagne sa chère Espagne où elle est littéralement divinisée et aligne les tournages à un rythme soutenu. Quelques-uns seront particulièrement épiques comme le célèbre « Les Amants du Désert » que Carmen tourne avec Ricardo Montalban en 1957. Le tournage s’expatrie en Egypte pour ce mélodrame épique sur fond de dromadaires et de sable chaud. Mais le tournage de cette production Italo-Ibérique prend du retard et s’enlise dans des querelles qui feront se succéder quatre réalisateurs différents à la tête de l’entreprise ! Ceci fera que l’équipe du film est encore en Egypte lorsqu’éclate la guerre du Sinaï. Faute d’avions, Carmen regagnera l’Espagne par la route. L’aventure ne s’arrêta pas là car le film était si tarabiscoté qu’il fit rire plutôt que frémir. Il entra dans la légende des nanars et finit par ressortir en 1978 dans une version complètement modifiée et hilarante.
Carmen ne l’entendit pas de cette oreille et infligea un procès pour l’insulte faite à son prestige d’une telle ampleur que les cours de justice madrilènes en résonnent encore !
Le public est littéralement en transes même si on reconnaît volontiers que les films se ressemblent tous et qu’il n’y a guère que les robes froufroutantes et volantées de Carmen qui changent d’un film à l’autre. On se précipite les voir en famille et on achète ensuite les disques de Carmen, les revues avec sa photo en couverture. Carmen est l’Espagne à elle toute seule, elle est de toutes les familles. Elle a bien quelques rivales dont Lola Florès et Sarita Montiel mais Carmen n’est pas qu’une artiste espagnole célèbre, elle est une star qui fait rêver aussi bien et aussi fort que le fit Romy Schneider avec ses « Sissi ». Les années 50 en Espagne seront les années Carmen Sevilla et sa gloire perdurera intacte dans les années 60.
Malgré son intense activité professionnelle, Carmen Sevilla a eu le temps de se marier en 1960 avec le compositeur Joe Burkett bien connu des fans de l’Eurovision, père de son fils unique Auguste. Je me dois de préciser qu’une étrange discordance existe à propos de la date de ce mariage. Si tous les biographes de Carmen affirment un 1960, ceux de Burkett tiennent à 1958.
Hollywood fera même appel aux services de Carmen pour être la Marie Madeleine du « Roi des Rois » en 1961. La même année, juste avant l’exil hollywoodien, Carmen convole en juste noces avec Augusto Alguero, compositeur de son état. Le mariage a lieu à Saragosse devant une foule en délire ! Carmen Sevilla était considérée comme la célibataire la plus irréductible d’Espagne par ses fans qui sortaient son premier et fugace mariage de leur mémoire et on n’est pas loin de verser des larmes attendries car Carmen doit quitter son époux pour l’Argentine où l’attend son prochain tournage avant Hollywood. Quant à monsieur il est attendu à Madrid pour composer la musique d’un film qui n’attend plus que ses bons soins pour sortir.
Le temps qui passe finira par démoder les rythmes latins, les mambos, les cha-cha-cha passeront de mode, le twist et le yé-yé auront leurs nouvelles idoles bientôt supplantées elles-mêmes par celles de la Pop. Carmen Sevilla ne s’obstine pas dans le répertoire qui a fait sa gloire. Elle se sensualise, éclaircit ses longs cheveux, adopte une silhouette et un genre qui ne démériterait pas dans un James Bond. La mode est à l’érotisme, les mœurs se libèrent, le cinéma s’affranchit, Carmen Sevilla fait pareil.
Au sommet de sa beauté elle s’adapte à un cinéma plus jeune, plus libéré, désespagnolisé.
Carmen Sevilla est une des plus belles femmes du monde et entend bien non seulement le prouver mais aussi le rester.
Pratique, elle propose une nouvelle Carmen Sevilla au cinéma et garde son ancien répertoire pour la télévision où elle est également très présente depuis 1956.
Carmen Sevilla continue sur ses lancées que sont le cinéma, la chanson, la danse, la télévision et les galas jusqu’en 1978. Elle est alors divorcée depuis dix ans et se remarie avec le richissime Vincente Paturel, son troisième mari.
La diva a survécu au flamenco, au rock, au twist, à la Pop, le visage du monde change encore, le disco arrive, Carmen Sevilla se lasse. A Bientôt 50 ans et presque 40 de carrière, elle estime le moment venu de tirer une somptueuse révérence. Elle quitte les feux de la rampe et part en retraite pour couler des jours aussi luxueux qu’heureux à la campagne où son mari possède un bel élevage de ravissants moutons. Elle tiendra bon 13 ans, mais l’Espagne ne peut se passer de sa Carmen Sevilla. Elle accepte de faire sa rentrée en 1991 et devient présentatrice de télévision. Sa seule présence donne à la nouvelle chaine « Telecinco » une aura de prestige inespérée.
C’était en 1991, en 2010, Carmen fête ses 80 ans qu’elle porte superbement et est toujours fidèle au poste, chaque semaine les téléspectateurs espagnols la retrouvent avec le même amour et la même admiration. Petit détail qui vaut son pesant d’information : malgré son âge canonique, Carmen Sevilla a malgré tout donné son nom à un parfum.
Et puis le temps rattrape la belle ibère. La maladie d ‘Alzheimer la force à l’abandon.
Le 27 juin 2023, Carmen s'endormait à jamais, bien incapable de savoir qui pouvait bien être la belle de Cadix. Elle avait 91 ans.
QUE VOIR ?
1947 : Sérénade Espagnole : Les débuts d’une Carmen Sevilla de 17 ans.
1950 : Les Contes de L’Alhambra
1951 : Andalousie : L’adaptation filmée de l’opérette du même nom, avec comme de bien entendu Luis Mariano.
1952 : Violettes Impériales : Avec Luis Mariano.
1952: Le Désir et L’Amour : Françoise Arnoul et Martine Carol rejoignent Carmen sur son territoire pour Henri Decoin.
1953 : La Belle de Cadix : Avec Luis Mariano et Claire Maurier
1955 : La Mégère Apprivoisée : Sans commentaire, car…Que dire ?
1955: Don Juan : Lequel est campé par Erno Crissa, ce qui ne fait guère un film en soi, mais Fernandel est Sganarelle et Carmen est Sernanilla.
1957 : Flamenco : Un mélo destiné à faire briller Carmen de tous les pois de sa robe ! Fougueuse gitane fiancée dès l’enfance à un vilain pas beau, un beau prince charmant américain surgit. Olé !
1957: Los Amentes del Desierto : Carmen Sevilla n’a sans doute jamais aussi altièrement belle que dans ce film où elle est littéralement fracassante face à un Ricardo Montalban visiblement sous le charme malgré ce qui fut probablement le tournage le plus épique de leur carrière !
1958 : Pain Amour et Andalousie : Le personnage créé par Gina en Italie s’exporte en Espagne et Carmen en hérite. Vittorio de Sica reste fidèle à son rôle.
1961 : Le Roi des Rois : Avec Jeffrey Hunter aux yeux caraïbe dans le rôle de Jésus et Carmen dans celui de la sulfureuse Marie Madeleine.
1972 : Antoine et Cléopâtre : Avec Charlton Heston
1973 : Le Loup et la Colombe