ELEONORE KLARWEIN
- Céline Colassin
- 29 mars
- 4 min de lecture

A la fin des années 70 et au début des années 80, le cinéma français connut soudain une déferlante assez étonnante d’actrices qui ont plus d’un point commun. Elles sont ravissantes, elles sont brunes et surtout elles sont jeunes. Si jeunes que toutes connaîtront les trompettes de la renommée dans des rôles d’adolescentes, voire de lycéennes.
C’est à l’hôtel de la plage que l’on découvre Anne Parillaud en 1978. Marie Trintignant sa cadette de deux ans est déjà connue et rejoint Patrick Dewaere dans l’univers de Bertrand Blier dans « Série Noire ». Bientôt c’est Sophie Marceau qui mettra tout le monde d’accord avec « La Boum » et tirera l’échelle derrière elle. Si le genre avait été inauguré avec Véronique Delbourg qui ne tirera aucune gloire du triomphe de « A nous les petits anglaises », le cinéma déroulera ses tapis rouges sous les pieds juvéniles de Sophie, de Marie, d’Anne et d’Eléonore. Et si la gloire filmée s’attacha à la plastique de Sophie Marceau, reste que le « Diabolo menthe » d’Eléonore était bien supérieur à la Boum de Sophie et qu’il y va de même pour leurs interprétations que pour leurs films.
Eléonore Klarwein naît le 13 août 1963 à Paris d’un couple haut en couleurs. Ses parents, Mati Klarwein et Sofi Bollack sont peintres, icônes d’une mouvance psychédélique underground. Mais Sofi ne manie pas que la palette et le pinceau. Cette brune à la beauté sensationnelle n’a que faire d’une bohème misérable à la Modigliani. Proche de Dali, c’est une jetsetteuse avant l’heure. Toujours à la pointe de ce qui se fait ou plus exactement de ce qui va se faire, Marc Chagall n’est pas le moindre de ses fan idolâtres et Prévert ne peut plus respirer loin d’elle.
Leur petite Eléonore est élevée à la va comme le vent te pousse librement au milieu de mille couleurs et de toutes les libertés.

Curieusement, cette liberté, cet univers artistique, poétique et avant-gardiste n’aide pas la petite Eléonore à se construire. Timide et complexée, camouflée derrière ses longs cheveux et ses cols roulés, elle sera sidérée lorsqu’elle découvrira que ses copines d’école ont des horaires à respecter dont ceux de repas à heures fixes. A elle, on ne lui demande rien. Rien que de se trouver et de s’accomplir.
Alors, comme par défi à elle-même et aux autres, elle décrète dès ses 12 ans qu’elle sera comédienne. Ses parents durent pousser un soupir de soulagement. Qui sait si leur fille n’aurait pas mal tourné en leur annonçant vouloir devenir infirmière, vendeuse ou gendarme?
Le sort d’Eléonore comédienne va très vite se sceller. Lorsqu’elle entre dans le bureau de Diane Kurys, alors rigoureusement inconnue, Diane lève les yeux et lui déclare « C’est tout à fait ça. Vous avez le rôle! » Pour la très jeune fille, le tournage sera plus difficile que d’obtenir le rôle. Le film met à mal sa pudeur et certaines scènes échappent encore à son entendement juvénile. Mais qu’importe. Le film sort deux semaines avant Noël et file droit vers les trois millions d’entrées avant d’entrer dans une postérité d’un succès jamais démenti et toujours renouvelé.
Aussitôt les propositions pleuvent…Ou presque. L’époque est maussade dans le cinéma français. On tourne assez peu et on tourne pas mal d’idioties et de films ratés depuis l’écriture.

Eléonore a souffert sur le film. Elle est bien consciente de n’avoir aucune technique. Elle intègre le cours Florent où elle fait la rencontre pour ne pas dire la conquête de Francis Huster. C’est encore une toute jeune fille qui aime les bandes dessinées et les chanteurs à la mode. Huster l’oblige à se cultiver. Il l’oblige à lire les classiques, à écouter les classiques. Se sentant une âme de Pygmalion il demandera Eléonore en mariage ce qui la fera beaucoup rire. Il se lance alors dans la préparation d’un film dont elle serait l’interprète. « Gabin et Sarah ». Le film ne se fera pas mais Eléonore ayant réfléchi accepte l’idée de devenir madame Huster. Cette fois c’est lui qui lui dira non.
Malgré son jeune âge, et sans doute bien conseillée, Eléonore tournera ce qu’il y a de mieux dans ce qu’on lui propose même si ce mieux n’est pas forcément grandiose et surtout n’est pas, n’est plus Diabolo menthe. Si elle est deux fois la fille d’Annie Girardot, les deux films sont mineurs et seront pour beaucoup dans le désaveu de l’actrice tant aimée que l’on aura maintenant « trop vue ».
Eléonore va très vite s’éclipser des grands crans et même si elle mène une carrière à la télévision durant toutes les années 80, ce n’est que très épisodiquement. Eléonore préfèrera se concentrer sur le métier de mannequin.

Se sentant clairement plus à l’aide devant l’objectif du photographe que devant l’oeil de la caméra, elle finira pas diriger elle-même une agence de mannequin.
Le temps passant, Eléonore sera devenue une très belle jeune femme, très épanouie et à nouveau proche de sa mère Sofi toujours aussi fantasque et colorée. Et parfois même, elle revient pour un film, un court métrage, un reportage, un documentaire. Un peu comme une dilettante qui n’aurait que des souvenirs sans remords ni regrets.
Celine Colassin

QUE VOIR?
1977: Diabolo menthe: Avec Anouk Ferjac et Odile Michel
1978: Vas-y maman: Avec Annie Girardot
1978: La clé sur la porte: Avec Annie Girardot et Patrick Dewaere
2018: En douce: Avec Estelle Graczyk.