top of page

ETHEL MERMAN


Ethel Merman est un monstre sacré, un archi phénomène, « la première-première dame du show business » comme on disait d’elle à l’époque. Son image est restée gravée au fer rouge dans l’imaginaire collectif américain. Elle reste une des très grandes icônes gay outre atlantique où pas un spectacle de transformistes ne peut s’envisager sans une Judy Garland et une Ethel Merman. Son image survit bien des années après ses succès aussi fulgurants que ses triomphes n’étaient fantastiques. mais elle occulte un peu le véritable talent de la dame car le cinéma, hélas fut bien peu à la hauteur de cette divinité des scènes.


Ethel Agnès Zimmerermann naît à New-York le 16 janvier 1908. Une famille de classe moyenne. Son père Edward est comptable, sa mère Agnès enseignante. On ne badine pas avec les bonnes manières et l’éducation chez les Zimmermann. On tient son rang on est discrets, on ne louperait la messe pour rien au monde. D’ailleurs la petite Ethel intègrera très vite la chorale du dimanche. On a fait d’Ethel Merman une icône de la culture juive. Or, sa mère n’est pas juive. Son père non plus. Ses parents sont presbytériens et Ethel sera baptisée selon les rites de la religion protestante. Les parents d’Ethel sont tous les deux de fervents pratiquants dans les rangs de l’église épiscopale du rédempteur.

Dès sa plus tendre enfance, Ethel fut véritablement une créature volcanique. Hyperactive comme on dirait aujourd’hui. Difficile de canaliser un tel tempérament dans une famille aussi rangée que les Zimmermann. Durant ses études elle se déchaînera dans une foule d’activités para scolaires. Elle aurait suivi des stages de cosmonaute ou de spirite. N’importe quoi pour agir, faire, bouger, s’exprimer. Mais cette sobre famille confite en respectabilité a, dieu merci, un petit jardin secret. Le vendredi soir, après une semaine besogneuse au dessus de tout soupçon et à l’abri de toute fantaisie, les Zimmermann se font beaux, prennent le métro et vont s’encanailler au vaudeville!

C’est là que la très jeune Ethel recevra un électrochoc de première force en découvrant Fanny Brice et Sophie Tucker.

Ethel passera des heures devant l’armoire à glace de sa chambre à reproduire leurs attitudes, leur manières leur abattage et même leur voix. C’est d’ailleurs sa première déception: Sa voix reconnaissable entre toutes les voix du monde ne peut pas se déguiser. Quant à copier le genre et l’abattage des reines du vaudeville, Ethel va si bien s’appliquer que ses illustres modèles auront bientôt l’air de porte-manteaux neurasthéniques à côté d’elle. Elle ne copie pas, elle ne plagie pas, elle extrapole, elle sublimise, elle en rajoute des tonnes. Ethel sera la reine du « Never too much »


C’est déjà comme ça dans le reflet du miroir alors qu’elle est encore étudiante en secrétariat et travaille dans un magasin de disques à vendre des partitions pour s’offrir le coiffeur et des chaussures à talons.

Diplômée en 1924 elle deviendra secrétaire dans une entreprise qui fabrique…De freins.

C’est une période assez turbulente car Ethel est déjà un oiseau de nuit. Elle chante dans les clubs et récupère son sommeil en retard en dormant sur son bureau pendant les absences, heureusement nombreuses de son patron. Car Ethel avec son abattage déjà certain glané au vaudeville est devenue en quelques semaines la secrétaire personnelle du big boss après avoir conquis tout le monde depuis le coursier et le garçon d’ascenseur jusqu’aux principaux ingénieurs maison.


A force de fréquenter les boîtes de nuit où elle court le cachet pour une ou deux chansons, elle se fait inévitablement remarquer et se fait engager dans le spectacle de Jimmy Durante. C’est là qu’elle décrètera qu’Ethel Zimmermann c’est trop long pour être écrit en lettres lumineuses au fronton des théâtres et qu’elle s’appellera désormais Ethel Merman. Pour Ethel qui met chaque soir le feu à la boîte et n’est pas loin d’éclipser Jimmy Durante et son illustre nez, les choses vont s’enchaîner à vive allure. Mais ca ne sera ni jamais assez vite ni jamais assez à son goût. Un critique qui l’avait entendue avait parlé d’elle: « Ethel Merman chante et l’orchestre lui court après »


Repérée dans un des cabarets les plus huppés de New-York « Little Russia », Ethel a désormais un agent et un contrat avec le réalisateur Archie Mayo, lui-même sous contrat chez Warner. Voilà donc Ethel en route pour Hollywood!

Mais la lourde machinerie hollywoodienne ne convient pas au tempérament d’Ethel Merman. Peu lui importe d’être payée 125$ par semaine chez Warner. C’est pourtant ce qu’elle gagnait en un mois à dormir sur un bureau d’usine de freins. Ethel veut partir! Elle supplie son agent pour qu’il la délivre de son contrat. Voilà trois semaines qu'elle est chez Warner sans rien faire, ça lui semble 30 ans. C’est insupportable!

Même pour un million par jour ce serait insupportable!


Son agent obtiendra de la Warner l’autorisation pour Ethel de se produire aux Ambassadeurs avec Jimmy Durante. Durante est une star énorme, tout ce qui compte à Hollywood se presse pour l’applaudir et applaudir Ethel par la même occasion. Avec son franc parler et ses déclarations sans détours mais non sans humour, Ethel va devenir une incontournable des potins mondains. « Il y a quelques semaines, Ethel Merman était terrifiée à l’idée de perdre sa voix après  son opération des amygdales. Bien à tort! Aujourd’hui sa voix ferait passer une sirène de pompiers pour un sifflet de boy scout!


Entretemps elle vaut 500$ par semaine grâce à ses succès sur scène et elle a fait la conquête de George et Ira Gershwin qui ne jurent plus que par elle et refusent de céder certaines de leurs compositions à qui que ce soit d’autre.


Le 14 Octobre 1930, toujours sans nouvelles de la Warner, elle ouvre à Broadway avec « Girl Crazy » une comédie musicale écrite à son intention par George et Ira Gershwin. Qui d’autre peut se vanter sur Broadway d’avoir tenu 272 représentations dans un rôle, dans un spectacle écrit pour elle par les plus grands à l’âge de…22 ans? Personne.


Au cinéma, Ethel ne trouvait pas sa place et jusqu’en 1932 elle n’apparaîtra que dans des courts métrages destinés à mettre en valeur ses talents vocaux. Lassée de deux longues années de ce traitement, Ethel enverra Hollywood bouler et ne reviendra que deux ans plus tard contre la promesse d’un vrai rôle. Son contrat Warner expiré, c’est chez Paramount qu’Ethel Merman va signer et jamais la Warner bros n’avait aussi brillamment loupé le coche.


Dans ses premiers films, Ethel Merman va s’ingénier à jouer les grandes beautés hollywoodiennes, ce qu’elle n’est pas. Sujette à l’embonpoint, rentrer dans sa gaine lui prend de plus en plus de temps. Quand enfin elle y est, elle se sent compressée dedans. Elle estime que ses capacités vocales en pâtissent par manque de coffre Très vite elle va renoncer à jouer les sylphides et concurrencer ses deux indéfectibles copines Lucille Ball et Ginger Rogers pour se laisser aller à quelques excès de table. Du jamais vu à Hollywood!

A la MGM Jeanette Macdonald vit enfermée dans d’impitoyable corsets qui lui mutilent ses chairs de soprano pour être présentable. Pas de ça avec Ethel! Plus tard, son embonpoint galopant un peu trop la réconciliera avec les sous-vêtements « de maintient »


Elle adoptera un chignon relevé tout en boucles d’un roux flamboyant telle une Betty Grable en flammes pour se donner un peu de hauteur avant de découvrir l’ineffable attrait des perruques.

Ethel Merman est une boulimique de travail. Après la dernière de girl Crazy, Ethel qui se dit épuisée part en vacances avec ses parents qui ne la quitteront jamais. Des vacances qui dureront…Un jour! Au premier coup de téléphone de son agent, Ethel s’envole pour Atlantic City à la rescousse d’un spectacle en rade. 1500$ par semaine pour la star et 10.000$ de plus pour se dédire de ses prochains engagements. C’est donné! Ethel sauvera l’entreprise et donnera 202 représentations à guichets fermés.

Ethel Merman est une star invraisemblable dès le début des années 30. Elle demande tout ce qu’elle veut et obtient n’importe quoi comme de ne pas jouer à Chicago parce que l’eau du robinet ne lui convient pas. Bientôt sa réputation de vedette « difficile » va lui coller à la peau. Les grilles de la Paramount tremblent encore des résonnances de ses vocalises outragées parce que l’on avait osé, sacrilège ultime, couper une de ses chansons dans un film. Qu’une chose lui déplaise, la contrarie, fusse la plume d’un chapeau « la » Merman plaque tout et regagne Broadway pour un nouveau triomphe.

Elle peut! Cole Porter l’attend en embuscade comme une tique dans une prairie.

Elle créera cinq de ses comédies musicales.


Même si toutes ses créations de Broadway ne seront pas des succès inouïs, elle connaîtra même un ou deux « flop », rien ne pourra jamais entacher sa fabuleuse réputation de star transformant en or tout ce qu’elle daigne toucher. Par contre avec Hollywood les choses ne seront jamais simple et si faire du cinéma n’était pas devenu l’indispensable corollaire du métier de star, Ethel Merman s’en serait volontiers passé.


Toujours en éruption, on peut parfois donner raison au volcan Merman de crépiter à tout va.

Alors que c’est elle qui a créé et porté au succès « Anything Goes » de Cole Porter à Broadway, l’adaptation filmée prend du retard. Bing Crosby ne veut pas d’elle comme partenaire et veut imposer son épouse alcoolique Dixie Lee. Déjà vexée, Ethel est appelée à la rescousse pour sauver le film lorsque Dixie Lee est « empêchée » Elle arrive juste à temps pour voir son rôle réduit comme peau de chagrin. Son personnage n’étant plus là que pour servir la soupe et laver les chaussettes de monsieur superstar Bing Crosby!

Sa carrière filmée ne sera ni à la hauteur de ses attentes ni à la hauteur de sa réputation. Si elle trouve toujours de bonnes explications à l’échec de ses films il faut bien admettre que sa personnalité plus grande que nature devient à l’écran tapageuse et excessive. En outre son physique de matrone exubérante lui ferme les premiers rôles dans l’usine de glamour qu’est le Hollywood de l’âge d’or.


Elle devra céder la place plus souvent qu’à son tour à des Mitzi Gaynor, Betty Grable ou Betty Hutton et Marilyn Monroe qu’elle détestait tout particulièrement. Et puis, même si la comédie musicale est une spécialité hollywoodienne, il faut bien reconnaître que les pseudo intrigues de Broadway qui ne sont guère plus que le fil d’un collier pour aligner des perles qui sont  autant de chansons, c’est un peu mièvre pour faire un film. Dès 1938, elle avait envoyé paître le cinéma, ne se remontrant qu’en 1943 dans une œuvrette patriotique, il avait fallu une guerre mondiale pour la décider.


Elle avait épousé en 1940 William Smith son agent qui la représentait au théâtre. Mal en prit au malheureux qui dès la première querelle gagna un divorce et perdit sa meilleure cliente.

Elle se remaria dans la foulée avec un éditeur, Robert Levitt. Un mariage plus solide qui ne se défera qu’en 1952 après la naissance de deux enfants: Ethel jr. Née en 1942 et Robert jr; né en 1945.


Pour le cinéma il faudrait attendre 1953 et son deuxième divorce pour la retrouver avec « Call me Madam ». Ethel avait tenu 1000 représentations à Broadway et Hollywood piaffait de porter l’exploit à l’écran. Ethel avait tenu ses 1000 représentations sans coup férir, elle tomba malade dès son retour à Hollywood. Cette fois c’était à la Century Fox qu’elle prenait ses aises et se voyait reléguée au second plan derrière Vera Ellen.


Selznick ne tarissait pas d’éloges à son sujet malgré son tempérament belliqueux et facilement emporté. Il somma tous les scénaristes maison d’œuvrer toutes affaires cessantes à de fabuleuses intrigues pour Ethel Merman. « Call me Madam » n’ayant pas été le fabuleux joyau escompté malgré de bonnes critiques. Ethel regagna Broadway son golden globe sous le bras.

Parce qu’elle avait signé pour deux films, elle se retrouva fourguée l’année suivante à la MGM pour « There’s no Business like Show Business ». La Century Fox avait fait un lot de stars comprenant Ethel, Mitzi Gaynor et Marilyn Monroe. Le film déjà démodé avant d’être tourné fut non seulement un échec mais considéré comme l’exemple type du film qu’il ne fallait pas faire.

Un camouflet pour Ethel dont la chanson « There’s no Business like Show Business » était sa marque de fabrique, son titre de gloire, son hymne. On l’entonnait partout où elle passait. Elle imputa l’échec de cette pâtisserie à la pauvre Marilyn Monroe, relayée par Cole Porter qui haïssait lui aussi la pauvre Marilyn. "On aurait pu donner le rôle à une chaise! elle l’aurait mieux joué et serait arrivée à l’heure!" C’est pourtant grâce à elle si cette chose a connu un semblant de postérité. Marilyn commentera: « Ce film n’a pas du tout marché et bien entendu tout le monde a dit que c’était de ma faute! Mais je n’y suis pour rien, il était déjà démodé avant d’être tourné! » Ce en quoi je lui donne entièrement raison.

Ethel se produisit à la soirée des Oscar, s’époumonant à tout va, quittant la scène pour brailler entre les allées de spectateurs assourdis, feignant l’admiration, craignant pour leurs tympans. C’est là que devant le tout Hollywood médusé, elle va s’étaler à plat ventre non sans avoir pirouetté dans tous les sens pour éviter, en vain, la gamelle. Double manque de chance, cette année là, la cérémonie était à la fois retransmise à la télévision en direct et enregistrée pour la postérité. Ethel Merman est devenue en un soir l’indétrônable reine des bêtisiers de fin d’année.


Entre ses aller-retours Hollywood-Broadway, Ethel Merman eut le temps de conquérir Robert Six, le président de la Continental Airlines.

Il lui servira de troisième mari de 1953 à 1959.


Paradoxalement, le mariage le plus court d’Ethel Merman restera le plus célèbre et pour cause: le 27  juin 1964, dans une intéressante toilette jaune vanille, Ethel épousait l’acteur Ernest Borgnine. L’événement mondain de la saison où le tout Hollywood haute époque de pressait. Un défilé de robes et de coiffures qui aurait fait passer la cérémonie des Oscar pour une fête de patronage du bloc de l’Est. Le soir même les jeunes tourtereaux se lancèrent le mobilier à la tête, Ethel rentra dormir chez papa maman et dès le 7 août les joyeux époux ne s’adressèrent plus aucune insulte. En Octobre ils étaient divorcés. Ethel Merman consacrera une page blanche à Ernest Borgnine dans ses mémoires.

Ethel Merman restera une star immense, déifiée par Broadway où elle détient toujours le plus grand nombre de prestations à ce jour. Proche d’Eisenhower, elle entrait à la maison blanche comme chez elle. Elle était également connue pour utiliser un langage très vert pour ne pas dire ordurier ce qui faisait au moins autant partie de son image de marque que sa voix.

En 1967 elle connaîtra des jours très sombres avec la mort de sa fille emportée par une overdose à 26 ans.


Elle surmontera ses épreuves ne connaissant que son travail et son public, n’étant pas la dernière à enregistrer un album disco.


En 1983 alors qu’elle boucle ses valises pour se rendre à la cérémonie des Oscar où elle s’était bien des années plus tôt étalée à plat ventre  entre deux rangées de spectateurs stupéfiés, elle s’effondre dans son appartement New-yorkais. On crut à un malaise cardiaque mais les examens révélèrent une tumeur au cerveau. Depuis quelques mois déjà Ethel avait des troubles de la mémoire, de l’élocution et des comportements erratiques.


Son fils la protégea des indiscrétions car si la star vénérait littéralement son public elle aurait arraché les yeux de tout qui se serait intéressé d’un peu trop près à sa vie privée. Son cher public fut donc tenu dans l’ignorance de l’état de santé de la star jusqu’à sa fin le 15 février 1984.


Ethel  fêta avec son fils ses 76 ans et s’éteignit dans son appartement un mois plus tard.  Dix mois après que sa maladie ait été diagnostiquée. Ses médecins lui avaient donné six mois à vivre et annoncé qu’elle ne pourrait plus ressortir de l’hôpital. Elle s’était offert un dernier plaisir que celui de les contrarier en tous points avant de s’éteindre.


Ce soir là, les 36 théâtres de Broadway mirent leurs lumières en veilleuse en hommage à leur reine morte.

Son absence à la cérémonie des Oscar était comme un gouffre béant et insupportable ouvert sur la mort. Alors tous les participants de cette année là chantèrent ensemble « There’s no business like show business » C’était bien le moins!

Celine Colassin


QUE VOIR?

1934: We’re Not Dressing: Avec Carole Lombard et Bing Crosby

1935: The Big Broadcast of 1936: Avec Georges Burns et Gracie Allen

1936: Strike Me Pink: Avec Eddie Cantor

1936: Anything Goes: Avec Bing Crosby

1938: Alexander’s Ragtime Band: Avec Alice Faye et Tyrone Power

1938: Happy Landing: Avec Sonja Henie et Don Ameche

1953: Call Me Madam: Avec Vera Ellen et Donald O’Connor

1954: There’s No Business Like Show Business: Avec Marilyn Monroe, Mitzi Gaynor et Donald O’Connor

1963: It’s a Mad Mad Mad Mad World: Avec Dorothy Provine, Edie Adams et Spencer Tracy

1976: Won Ton Ton: The Dog Who Saved Hollywood: Avec Dennis Morgan

1980: Airplane! Avec Leslie Nielsen

 

 
 
  • YouTube - Cercle blanc
  • Facebook - White Circle

© 2025 GEORGE MACGREGOR PRODUCTIONS

bottom of page