Si quelqu'un me dit "qui est cette Hannelore Elsner dont je n'ai jamais entendu parler?" je lui répondrai que même s'il n'a jamais mis un pied dans un cinéma, il est impossible qu'il ne connaisse pas Hannelore Elsner, à moins bien sûr qu'il ne connaisse pas le commissaire Léa Sommer! La série teutonne la plus illustre après "Derrick" et qui a tenu son public en haleine huit ans durant. Mais la belle Hannelore n'a pas toujours été cette quadragénaire de télévision aux beaux restes avec de faux airs d'Ava Gardner.
Elle a été une très belle actrice du cinéma Allemand. Avant d'être la Ava Gardner de l'enquête policière, elle a été la Natalie Wood d'outre Rhin. D'ailleurs à tout prendre, cette série télévisée fait presque exception dans sa riche carrière. Je n'entends pas par là que Hannelore n'a tourné pour la télévision que cette série à succès, très loin s'en faut. mais les exploits de madame Léa Sommer ne sont que la partie émergée à nos yeux d'une carrière grandiose.
Notre diva teutonne est d'origine bavaroise, elle naît à Burghausen, le 26 Juillet 1942, une période que l'on qualifiera d'un peu troublée. Elle grandit à l'ombre du plus long château d'Europe, plus d'un kilomètre. S'il n'y avait pas la guerre, Burghausen nichée entre forêt et rivière à la frontière autrichienne serait un cadre idéal pour grandir quand on est une petite fille romanesque.
La fureur des hommes en a décidé autrement. Dans les derniers jours de la guerre, le frère aîné de deux ans d'Hannelore sera tué par balle lors d'une attaque aérienne. Bientôt la mère d'Hannelore n'aura d'autre choix que de quitter sa petite ville pour s'en aller tenter de survivre à Munich. C'est là qu'Annelore grandira. C'est là qu'elle se passionnera pour le théâtre et fera ses débuts sur scène avant de s'en aller tenter sa chance à Berlin.
Mais la violence injuste et injustifiée des années guerre et la mort d'un frère dont elle ne se souvient pas ont laissé des traces indélébiles. Hannelore n'a pas eu d'enfance ou plus exactement la violence du temps ne lui en a pas laissé le temps. Elle est née confrontée à la violence des adultes dans un monde en complète déraison ou la mort rodait au quotidien.
En 1950 c'est son père qui était rentré de la guerre qui décédait. Elle avait huit ans. Hannelore n'a pas joué à la marelle, n' a pas sauté à la corde ni bercé des poupées. A deux ans la guerre en avait fait une adulte et c'est avec eux qu'elle se sentait le mieux.
Les autres enfants lui apparaissant comme de vagues choses inconsistantes.
Dès ses débuts elle s'entourera toujours de gens nettement plus âges qu'elle. Ceux qui ont vécu la guerre et l'ont peut-être comprise. Ceux qui pourront dès lors peut-être tenter de lui expliquer l'impossible.
Son premier mari, l'acteur Gert Vespermann aura 16 ans de plus qu'elle. Ce n'est pas un hasard. Mais en attendant ce bref mariage, de 1964 à 1966, Hannelore qui a débute très jeune au théâtre a joué d'énormément de chance.
L'Allemagne d'après guerre compte bien sur le cinéma pour se racheter une image. Le théâtre et la télévision n'ont jamais été aussi productifs et les films se tournent à la chaîne, ne contant que les histoires d'amour de fraîches jeunes filles bien élevées.
Romy Schneider, Maria Perschy, Vivi Bach, Marion Michael vont être portées par cette vague de comédies musicales et autres histoires d'amour sirupeuses à souhait .
Or ces demoiselles sont blondes, et Hannelore est brune. Intéressant.
Du théâtre elle est passée au cinéma. Nous sommes en 1959 et elle va aligner trois films en quelques mois. Dès le second elle est en tête d'affiche. Le public s'entiche pour la jolie brunette. Elle va enchaîner durant plus de vingt ans les films populaires et sans prétention comme l'Allemagne les produit à la pelle.
Elle débute à la télévision en 1962, elle est déjà une star elle a tourné huit films.
Hannelore va connaître une carrière littéralement insensée à la télévision mais n'en délasse pas le cinéma pour autant. Présente sur tous les fronts, elle sera la première actrice étrangère à être sollicitée par la cinéma soviétique en 1973.
1973 c'est également l'année où un autre homme entre dans la vie d'Hannelore. Le cinéaste Alf Brustellin qui n'a que deux ans de plus qu'elle. Une histoire d'amour qui sa se terminer de la façon la plus stupide qui soit. Alf Brustellin meut des suite de ses blessures après un accident de la route survenu alors qu'il était passager d'un taxi à Munich. Cette relation aura eu des conséquences sur la carrière d'Hannelore bien que le couple soit séparé à l'heure de l'accident tragique.
Alf n'était guère friand du cinéma populaire allemand qui, il est vrai, ne pouvait guère rivaliser en qualité avec ce qui se faisait en Amérique, en Italie, en France et en Angleterre. Non que la production étrangère prise dans son ensemble soit nettement supérieure à ce qui se faisait en Allemagne, certes. Mais chaque année plusieurs films de valeur émergeaient parmi les produits de consommation courante. En Allemagne ce n'était plus le cas depuis les années 20. Or, au début des années 70, la crise du cinéma mondial amorcée dès 1959 n'a cessé de s'aggraver. Le cinéma allemand est le plus durement touché. La production faiblit de manière drastique.
Hannelore restera 15 ans sans tourner pour le grand écran.
Non qu'elle ne soit plus appréciée du public, mais tout simplement parce qu'on en tourne plus de films. Alf Brustellin était un des cinéastes qui se démenèrent pour un cinéma allemand de meilleure qualité et il faisait partie du "nouveau cinéma allemand" ce qui correspond au néo réalisme italien ou à la Nouvelle Vague française. Mais l'Allemagne pense à sauver les meubles avec 20 ans de retard. Sa mort brutale à 43 ans ne lui aura pas permis de mener la carrière que l'on était en droit d'espérer de lui. Hannelore Elsner va en quelque sorte perpétrer son œuvre en devenant une actrice plus engagée après avoir été durant un quart de siècle un des fleurons du cinéma populaire. Et là où une actrice comme Jeanne Moreau avait perdu la confiance du public, Hannelore Elsner voit sa popularité grandir de film en film et les professionnels la considérer peu à peu comme une véritable égérie du cinéma national.
Le beau Dieter Wedel va entrer dans la vie d'Hannelore. Scénariste et réalisateur à succès il mène une liaison avec la belle actrice en marge de sa relation plus officielle avec Uschi Wolters. A sa grandes stupéfaction, Hannelore qui était persuadée de ne pas pouvoir avoir d'enfants tombe enceinte et n'entend pas laisser passer cette chance inespérée de devenir maman.
Mais le beau Dieter ne l'entend pas de cette oreille, déclarant à Hannelore qu'il n'a aucune envie d'avoir d'enfant avec elle. Ce pour la bonne raison qu'il ne leur voit aucun avenir ensemble. Que leur histoire est juste une histoire de sexe puisque le seul endroit où ils s'entendent, c'est au lit. Dieter Wedel sera donc le père involontaire du fils unique d'Hannelore. Dominik né prématurément en 1982.
Dominik qui aura par contre, cinq demi frères du côté de papa puisque Dieter a six enfants de six femmes différentes.
En 1993, Hannelore s'était remariée avec un dramaturge, ce qui correspondait à ses nouvelles vues de l'esprit. Elle était devenu madame Uwe B. Carstensen à la ville. Un jeune mari puisqu'il est cette fois son cadet de 13 ans. Mais en 2000 le couple divorce.
A 70 ans passés, l'image d'Hannelore Elsner en Allemagne valait bien celle de Meryl Streep aux USA. Elle était l'actrice sublime et parfaite, celle qui défendait des rôles qui en valent la peine dans des films de qualité souvent un peu risqués.
Alors si en dehors de ses frontières elle reste Léa Sommer, qu'importait à Hannelore confortablement installée devant sa cheminée où trônent ses 17 grands prix d'interprétation.
Elle était plus qu'une star, elle était une icône et le public ne se lassait pas de s'éblouir de cette beauté qui semblait bien décidée à être éternelle. Elle tournait sans relâche, accordant sa confiance à de jeunes auteurs qui ont quelque chose à dire et le talent pour le faire. Parfois elle s'amusait à dessiner ses costumes ou à prêter sa voix à Fanny Ardant ou Liza Minnelli.
Hannelore Elsner était pour l'Allemagne ce que Jane Fonda est pour l'Amérique. La star sublime qui entend bien continuer à vivre sa vie de femme et à rester belle. Peu avant sa mort elle déclarait "Quand mon fils était petit, il avait plein de petits camarades qui venaient jouer avec lui à la maison et je les trouvais tout à fait charmants. Tout d'un coup ils se sont tous métamorphosés en de très séduisants jeunes hommes et je les trouve toujours aussi charmants. Ce n'est pas l'âge qui fait la qualité des personnes ni l'intérêt qu'on peut avoir à les fréquenter, l'âge ne compte pas, l'âge on s'en fout, en fait, l'âge ca n'existe pas!
Le cancer, encore lui a eu raison de la si merveilleuse Hannelore. C'était le 21 avril 2019. Elle avait 76 ans et venait de boucler son dernier tournage.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1961: Und Sowas nennt sich Leben: Avec Karin Baal et Elke Sommer
1963: Allotria in Zell am See: Avec Adrian Hoven
1963: Die Endlose Nacht: Avec Louise Martini et Alexandra Stewart
1967: Herrliche Zeiten im Spessart: Avec Liselotte Pulver et Vivi Bach
1968: Die Lümmel von der ersten Bank: Avec Hans Kraus et Gila von Weiterschausen
1969: Pepe, der Paukerschreck - Die Lümmel von der ersten Bank. Avec Hans Kraus et Ushi Glas
1970:Der Bettenstudent oder Was mach' ich mit den Mädchen? Avec Gila von Weiterschausen
1972: Willi Wird Das Kind Schon Schaukeln: Avec Erika von Thellman
1972: Der Stoff, aus dem die Träume Sind: Avec Edith Herrdegen
1973: Die Reise nach Wien: Avec Elke Sommer
1974: Il Ritorno di Zanna Bianca: Avec Virna Lisi et Franco Nero
1979: Der Schneider von Ulm: Avec Vadim Glowna
1982: Wer Spinnt denn da, Herr Doktor?: Avec Sunnyi Meller et Otto Sander
1984: Mann ohne Gedächtnis: Avec Rudolph Bissegger
1988: Cirkusz a Holdon
1990: Der Achte Tag: Avec Katharina Thalbach
1998: Kai Rabe gegen die Vatikankiller: Avec Sandra Speichert et Steffen Wink
2002: Mein letzter Film: Avec Wanja Mues
2004: Not a Love Story: Avec Birol Ünel
2007: Jakobs Bruder: Avec Sophie Rogall et Maria Herbst
2010: Je ne vous Oublierai Jamais: Avec Pierre Arditi et Fanny Valette
2012: Wer's Glaubt, Wird Selig: Avec Marie Leuwenberger
2014: Auf Das Leben!: Avec Mathieu Carrière et Sharon Brauner