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JEAN PETERS



Tenter de retracer le parcours de la belle éphémère Jean Peters relève d'un véritable pensum. D'abord parce que ce parcours est indissociablement lié à celui d'Howard Hugues, le champion toutes catégories en brouillage de pistes et liaisons simultanées. Ensuite, parce que Jean a tellement refusé de films et remplacé tout autant d'actrices au pied levé que son parcours professionnel est lui aussi bien alambiqué. 

Même ses débuts dans la vie sont assez particuliers.

Si l'actrice clama toute sa vie "N'être rien d'autre qu'une fille de ferme puisque c'est dans une ferme qu'elle a grandi". Il est pourtant certain que ses parents Gérald et Elizabeth sont les propriétaires d'une blanchisserie d'un centre-ville.

Nous sommes le 15 Octobre 1926 à Canton dans l'Ohio lorsqu'Elizabeth Jean Peters vient au monde. Derrière une meule de foin ou entre deux piles de draps propres, je l'ignore. Une chose est sûre, une petite soeur, Shirley viendra au monde neuf ans plus tard, en 1935. La joie de la famille agrandie fut de courte durée ; l'année suivante Gérald Peters mourait à 36 ans. Elizabeth restait veuve avec ses deux petites filles, Elizabeth qui a 10 ans et Shirley qui en a à peine un.

Notre jeune héroïne sera une jeune fille studieuse, passionnée de littérature. Elle se destine à l'enseignement mais son destin va basculer lorsqu'elle accepte de participer au concours de "Miss Ohio State University". Concours qu'elle emporte haut la main après s'y être inscrite à la dernière minute. Elle ne croit pas en ses chances. Premier prix : un screen test à la Century Fox.

C'est sa dernière année d'étude et la jeune fille n'a aucune ambition d'actrice. Elle aurait préféré quelques dollars ou une jolie robe.




Elle se voit parfaitement reprendre les affaires familiales et épouser un gentil garçon du coin. 

Le "screen test" ne l'intéresse pas le moins du monde, ça serait même plutôt une corvée.

Mais enfin, un voyage en Californie, ce n'est pas de refus. Elle n'a encore jamais voyagé, faute de moyens, c'est déjà un miracle d'avoir pu faire des études.

La réalité m'oblige ici à faire une mise au point : Toutes les jeunes filles américaines rêvaient de faire du cinéma. Un "screen test " dans un studio d'Hollywood était le premier prix de tous les concours. Mais c'était surtout un échange de bons procédés entre les studios et les principaux annonceurs publicitaires. C'est eux, marchands de céréales, de viande, de maillots ou d'essence qui organisaient ces concours pour leur publicité. Les studios participaient, ça faisait leur publicité à eux aussi, ça ne leur coûtait rien de recevoir les lauréates une heure ou deux, le temps de les coiffer, les maquiller et les habiller avant de les faire filmer une minute par un huitième assistant. La lauréate partie des rêves plein la tête, l'essai était au mieux classé sans suite, le plus souvent détruit à condition qu'il y ait eu de la pellicule dans la caméra. C'était rarement le cas.


Elizabeth a 19 ans, elle débarque à Los Angeles, passe son fameux screen test qui se révèle convainquant. Un miracle que quelqu'un ait pris la peine de s'y intéresser. La Fox l'engage à 150$ par semaine durant 7 ans. La somme lui semble colossale. Elle accepte et renonce dans la foulée à ses études qui la passionnaient. Elle est engagée en même temps qu'une certaine Marilyn Monroe et les deux femmes deviendront très amies. La vie à Hollywood la désarçonne complètement. Elle ne se sent aucune inclinaison pour les liaisons tapageuses, les "party" trop arrosées et les soirs de gala où l'on ne parle que de cinéma. Elle s'installe dans une modeste maison avec sa tante mais le mal du pays la ronge. Elle ne cesse d'écrire à sa mère qui n'y tenant plus quitte l'Ohio, la petite Shirley qui a maintenant 10 ans tout frais sous le bras et vient, elle aussi, s'installer à Los Angeles.

Comme de bien entendu la Fox ne sait pas trop que faire de sa recrue. Elle subit des cours de maintien, de diction, de chant de danse jusqu'à plus soif. Un jour qu'un de ses "profs" lui tient des discours insensés sur la bonne façon de marcher, elle s’insurge : "Je sais marcher depuis l'âge de trois ans !" La réponse lui claque au visage "Oui, dans la cour de ta ferme, sans doute ?" Piquée au vif elle rétorque : "Je vous signale que je suis peut-être née dans une ferme mais je suis universitaire !" et l'autre sans se démonter "Tiens donc ! Et de quelle université ? Celle de l'Ohio sans doute ?" Que pouvait elle répondre à cela ?



Comme il y a beaucoup de bikinis et de photographes au studio, Jean se fait photographier...En attendant. Elle partage avec Marilyn une bien cuisante mésaventure. Elles sont toutes les deux choisies pour "Scudda Ho, Scudda Hey". Un film "de familles du dimanche" sans grande ambition si ce n'est de donner un rôle à la petite Natalie Wood. Les deux amies sont ravies d'enfin travailler et qui de plus est, travailler ensemble. Or, sans explications, Jean est remerciée et remplacée par June Haver. Quant à Marilyn, ses scènes sont coupées au montage.


Ses véritables débuts dans "Capitaine de Castille" découleront déjà d'un concours de circonstances assez épique. L'actrice anglaise Peggy Cummins a commencé le tournage de "Forever Amber", mais après quelques jours, on ne l'estime pas assez sexy et elle est remerciée.  (En réalité Zanuck s’est une fois de plus réconcilié avec sa juvénile maîtresse Linda Darnell et lui offre le rôle au détriment de l’infortunée Peggy) On a donc dépêché « de toute urgence » la magnifique Linda Darnell qui fera du rôle la perle de sa carrière. Mais Linda avait déjà un film en cours, notre fameux "Capitaine de Castille". Jean prit le relais, remplaçant Linda essentiellement parce qu'elle pourrait être confondue de loin avec elle et que l'on pourrait garder quelques plans d'ensemble déjà tournés. Il n'y a jamais eu de petites économies à la Century Fox. Et c'est ainsi que Jean Peters se retrouva littéralement catapultée dans les bras de Tyrone Power.


Avec le succès de "Capitaine de Castille" Zanuck se frottera les mains. Le salaire de Jean passera à 400$ par semaine. Elle a maintenant une jolie maison, une liaison avec Audie Murphy et même un milliardaire qui lui fait une cour empressée : Howard Hugues lui-même. Il lui a offert une incroyable bague d'émeraudes et de diamants, encore tout ébloui qu'il était d'avoir vu "Capitaine de Castille". Elle reçoit également d'autres cadeaux qui pour être plus inattendus furent peut-être moins à son goût. "Capitaine de Castille" ayant fait un triomphe colossal, les plus illustres toreros du moment mettent un point d'honneur à lui envoyer en hommage les attributs des taureaux tués dans l’arène !

Jean de son côté ne songeait qu'à rejoindre son cher Ohio natal.

Hollywood avait décrété que Jean était la « fille nature, presque sauvage ». Commentaire de l’intéressée : "M’ouaih ! La nature vue par Hollywood ! Avec ma démarche de facteur on a voulu faire de moi une femme fatale, j’ai dû apprendre l’art de la démarche lascive et celui de rouler des hanches jusqu’à détruire à jamais ma pauvre ossature ! Les faux cils étaient si lourds que je ne pouvais plus lever les paupières et que je m’endormais sur place quant à la bouche entrouverte comme une promesse, j’en ai encore des crampes au visage."


Remerciée d'un côté, suspendue de l'autre, finalement, puisqu'elle n'était plus payée, Jean s'en retourna tout bonnement finir ses études dans sa chère université d’Ohio. Elle avait voulu faire "Carmen" on offrit le rôle à Rita Hayworth, on lui proposa "Yellow Sky" elle refusa catégoriquement. Elle voulut faire "La Rue sans Nom", on offrit le rôle à Barbara Lawrence, bref il était presqu'impossible de trouver un terrain d'entente entre le studio et l'actrice.

Mais entretemps, ses relations avec Hugues s'étaient resserrées, celles avec Audie Murphy s'étaient détériorées. Audie essayait maintenant de soudoyer les gardes du corps de Hugues pour savoir où il se trouvait et lui tirer dessus. Sa rencontre avec Wanda Hendrix allait calmer les choses. Jean avait visité Hugues à l'hôpital après qu'il ait eu un accident d'avion et ils finirent par s'installer dans la même villa de Westwood, sur Veteran Avenue. C'est de là qu'elle repartira un beau matin pour l'Ohio avec sa valise, sa cargaison de diamants, ses 3 chiens, ses 18 chats, sa chèvre Joséphine et son mouton Ali Baba!




Elle fut comme on s'en doute l'étudiante la plus sensationnelle du campus, surtout avec la limousine et son chauffeur qui l'attendaient et ses gardes du corps-espions qui ne la quittaient pas d'une semelle. Elle reviendra à Hollywood, essentiellement parce qu'Elia Kazan lui propose un rôle qui lui plaît dans "Viva Zapata", un rôle où elle ne sera pas obligée d'être "glamourous", ce qu'elle déteste par dessus tout. "Comment voulez-vous exprimer les détresses de l'âme dans la dernière création Christian Dior?" aimait elle a demander.

Elle retrouva ensuite sa chère amie Marilyn Monroe sur le tournage de "Niagara", rôle où elle remplaça au pied levé Anne Baxter. puis, le 29 Mai 1954 elle convola avec un richissime roi du pétrole qui avait l'avantage d'être non seulement riche comme Crésus, mais jeune et beau, Stuart Cramer troisième du nom.


Mais c'est ici que l'histoire se corse de façon drastique. Avant ce mariage, Jean était rentrée d'un tournage en Italie. Elle devrait enchaîner avec "L'Egyptien" où elle affronterait Ava Gardner, autre créature chère au cœur d'Howard Hugues. Finalement Ava sera remplacée par Gene Tierney et Jean par...Bella Darvi. Dans le même temps Jean Peters a une liaison avec Robert Wagner qu'elle prétend "publicitaire" et renoue avec Howard Hugues. Nous en étions là lorsque la belle et le milliardaire convolèrent. Mais ce qui aurait pu être une belle fin ne fut même pas un joli début. A peine un intermède sans intérêt. Un intermède de huit semaines. Huit semaines durant lesquelles Jean reçut des diamants, où on s'en alla passer sa lune de miel aux Bermudes. Après un transit par Miami. Monsieur Cramer accepta la proposition en numéraire que lui fit Howard Hugues et le couple reprit sa liberté.



En Janvier 1955, Stuart Cramer déclarait: " Je renonce à mon mariage, je suis épuisé à la fois par le harcèlement moral que nous fait subir Howard Hugues mais aussi par l'alcoolisme de mon épouse!" Laquelle épouse fit comme si elle n'avait rien entendu! Le public, par contre, resta assez stupéfait. Jean Peters que l'on entendait s'exprimer qu'à propos de son mépris du glamour hollywoodien et de l'insignifiance intellectuelle de ses rôles serait donc une invétérée biberonneuse de cocktails en tout genre?

La Fox en profita pour la retirer du casting des "Dix Commandements" et la remplacer par Debra Paget.

Jean devrait se contenter de tourner "Le Dernier Wagon" où elle remplacerait...Joan Collins!

Le 12 Janvier 1957, sous un nom d'emprunt, Marian Evans, Jean Peters devenait madame Howard Hugues. Hollywood n'en aurait peut-être jamais rien su (Ni Ava Gardner, Terry Moore, Faith Domergue et une centaine d'autres) si Kathryn Grayson avec son tact habituel n'avait pas cafeté dans toutes les oreilles journalistiques. Aussitôt les esprits s'échauffèrent et on ne parvint jamais à se mettre tout à fait d'accord sur la date du mariage et encore moins sur le lieu puisqu'on va d'un yacht à un avion en passant par Las Vegas et peut-être bien le pôle nord sans compter ceux qui crurent dur comme fer qu'il n'y avait pas eu plus de mariage que de beurre en branche.

Terry Moore qui se considérait comme la fiancée officielle d'Howard Hugues jeta ses filets sur Stuart Cramer histoire de ne pas avoir l'air tout à fait la dinde de l'histoire.

Dès lors Hugues va se conduire avec sa tyrannie habituelle. Jean est toujours sous surveillance, il est interdit de lui fournir des cigarettes et elle n'a droit qu'à une demi bouteille de champagne à condition que ce soit son anniversaire.

Jean Peters va disparaître de la vie publique, reprendre enfin ses chères études et se consacrer aux bonnes oeuvres jusqu'à ce que n'en pouvant plus, après 13 ans d'un bonheur conjugal où elle avait fort peu vu son mari à part dans les journaux au bras de nouvelles starlettes, elle demandait le divorce.

C'était le 15 Janvier 1970, le 15 Juin 1971, Jean Peters était à nouveau une femme libre et recevrait une rente annuelle de 70.000$, indexés, bien entendu, et ce jusqu'à sa fin. Une légende urbaine selon laquelle Jean aurait également reçu 120 millions de $ en cadeau d'adieu n'a jamais été ni confirmée ni démentie.

Dans un cas comme dans l'autre, Jean Peters ne se retrouva pas à la rue, et à la stupéfaction générale elle regagna Hollywood et s'installa à Beverly Hills. Jamais à l'abri d'une contradiction, celle qui criait sur tous les toits vouloir se faire oublier d'Hollywood, réfugiée en Ohio et ne plus jamais entendre parler de la Century Fox se remarie deux mois plus tard avec Stanley L. Hough...un des dirigeants de la Century Fox! 



N'étant jamais là où on l'attendait, maintenant qu'elle vivait à Hollywood mariée à un dirigeant de studio, elle ne refit pas de cinéma!

Elle continua ses oeuvres de dame patronnesse, se consacra aux enfants autistes (après avoir été mariée à Hugues c'était bien le moins!) et créa la première boutique "Vintage" de Hollywood où on vendait les vêtements portés par les stars au profit de la caisse de secours pour comédiens nécessiteux.

En 1976, alors qu'elle est en vacances à Acapulco, Hugues vient la voir la veille de sa mort et lui laisse une lettre où il lui avoue n'avoir aimé qu'elle. Il meurt dans son avion en rentrant vers le Texas.

Elle refit un peu de télévision au début des années 80 mais se déclara "déçue d'elle-même".

Le 23 Février 1990 Hough la laissait veuve, elle quittait alors Beverly Hill pour s'installer à San Diego près de chez sa soeur. Elle reviendra ensuite s'installer à La Jolla. C'est là qu'une leucémie l'emporte le 13 Octobre 2000, deux jours avant qu'elle ne fête ses 73 ans.

Celine Colassin



QUE VOIR?

1947: Capitaine de Castille: Avec Tyrone Power et Cesar Romero

1948: Deep Waters: Avec Dana Andrews et Cesar Romero

1951: La Flibustière des Antilles: Avec Louis Jourdan et Debra Paget

1951: Take Care of my Little Girl: Avec Jeanne Crain et Mitzi Gaynor

1952: Viva Zapata: Avec Marlon Brando et Anthony Quinn

1952: Niagara: Avec Marilyn Monroe et Joseph Cotten.

1952: Lure of Winderness ("Prisonniers des Marais" ou encore "Fille Farouche": Avec Jeffrey Hunter

1952: Wait'Til The Sun Shines, Nellie: Avec David Wayne.

1953: Vicki: Avec Jeanne Crain

1953: Three Coins in the Fountain: Avec Maggie MacNamara, Louis Jourdan, Clifton Webb et Rossano Brazzi

 

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