LILLIAN LEIGHTON
- Céline Colassin
- 14 avr.
- 4 min de lecture

Si Georgette Anys ou Hattie MacDaniel avec Jackie Sardou et Josiane Balasko firent de leur embonpoint leur signature, Lillian Leighton leur ouvrit la voie. Elle fut la pionnière en silhouettes féminines rondouillardes et drolatiques. La première à faire de ses rondeurs son fond de commerce. Lillian devra à son imposante silhouette une carrière stupéfiante.
Elle sera privée pour les mêmes raisons de tout le fourbi publicitaire qui sied aux grandes dames des écrans. Peu importe quels étaient les lectures, les parfums et les mets préférées de cette créature dont la grâce hautaine avait tout de celle d’une armoire normande.
Lillian naquit dans le Wisconsin, à Auroraville le 17 mai 1874. J’ignore ce que furent ses jeunes années, ni même à quoi elle ressemblait dans sa prime jeunesse. Bouilloire ou fleur de lys? La postérité n’en a rien gardé. Elle a déjà 36 ans et un tour de taille de barrique lorsqu’elle débute au cinéma en 1910.

Il est fort probable qu’elle débarquait en droite ligne du vaudeville car son genre de personnage était un incontournable de ces spectacles. Le public se tordait de rire dès qu’entrait en scène une femme bien trop corpulente pour ses atours de pècheresse et qu’elle entonnait une chanson grivoise avec des œillades coquines comme si elle était la vierge du Rhin en personne. Et puis c’est au vaudeville qu’on a pêché les premiers acteurs de cinéma. Il fallait un sens du rythme et connaître l’art de prendre des tartes à la crème et des coups de pieds aux fesses dans une époque où le montage n’existait pas encore. Elle fera souvent en ces temps héroïques, équipe avec Winifred Greenwood qui elle jouait volontiers les femmes viriles, soldates ou bûcheronnes!
J’ignore combien de fois Lillian fut « la grosse dame » non créditée au générique de joyeuses bobines où on payait fort de sa personne. Peut-être une centaine?
Mais Lillian était plus qu’une « grosse dame » que l’on pousse dans les bacs à fleurs. Elle avait une présence folle, un talent infini et très vite elle se positionna dans les rôles de monstresses en tout genre.

Elle fut la première « Witch » du premier magicien d’Oz (son premier film connu). Un tournage où elle se lia d'une solide amitié avec Bebe Daniels alias Dorothy pour l'occasion. Dans la foulée de Bebe, elle rencontre Harold Lloyd qui la fera tourner durant plus de vingt ans. Entre deux amusements d'Harold, elle tortura avec délectation toute une kyrielle de pauvres orphelines, dont Cendrillon en personne. Elle en mettra même une ou deux sur le tapin, tant qu’à parfaire sa réputation.
En 1912 Lillian joue une femme de chambre dans « The Three Valises ». La jeune demoiselle qui joue sa fille, Capitola Holmes n’a que 11 ans. Cette jeune vie d’artiste sera fauchée en 1918, Capitola n’avait que 17 ans. C’est la seule occasion qui me sera donnée de parler d’elle dans ces pages.
Après tout un cheptel d’odieuses en tout genre, c’est Lillian elle-même qui souhaite changer d’emploi en incarnant les gentilles maman et autres vieilles tantines compréhensives et bonnes cuisinières. Elle sévira dans de nombreux westerns durant les années 20 et se retrouvera même grimée en mama noire. Sa carrière connaîtra un nouveau rebondissement, le plus prestigieux, grâce à l’intérêt que Cecil B. DeMille porte à sa personne. Ce qui lui permet d’accéder aux génériques de ses grandes fresques historiques, les films les plus prestigieux de leur temps. Une collaboration qui durera plus de 15 ans.

Lillian ne manqua jamais de travail et semblait se complaire sur les écrans pour toujours. Pourtant, en 1940, elle annonça une retraite aussi inattendue qu’elle sera définitive. Elle avait fait son chemin à travers tous les styles et toutes les époques du film, sachant faire sa place dans le cinéma parlant et donner la réplique à quelques inoubliables dont Myrna Loy, Claudette Colbert, Spencer Tracy et Greta Garbo soi-même!
Le 19 mars 1956, elle s’éteignait en maison de retraite deux mois avant de souffler 82 bougies.
L’oubli s’était fait sur son nom, il s’était fait sur ses films et sur les 200 qu’elle a tournés il n’en survit qu’une poignée de son époque glorieuse entre toutes. Celle des pionniers sans lesquels le cinéma ne serait pas.
Celine Colassin

QUE VOIR?
1910: The Wonderful Wizard of Oz: Avec Bebe Daniels et Winifred Greenwood
1911: Brown of Harvard: Avec Charles Clary et Winifred Greenwood
1911: His Better Self: Avec Winifred Greenwood
1911: The Warrant: Avec Otis Thayer
1911: The Two Orphans: Avec Winifred Greenwood
1912: They Go Tobogganing: Avec Guy Mohler
1912: The Three Valises: Avec Charles Clary
1912: Cinderella: Avec Mabel Taliaferro et Winifred Greenwood
1912: The Other Woman: Avec Charles Clary et Winifred Greenwood
1912: The Borrowed Umbrella: Avec John Lancaster
1913: The Clue: Avec Karl Winterhoff
1913: Poison Ivy: Avec John Lancaster
1913: Two Artists and One Suit of Clothes: Avec Walter Bowman
1914: The Story of Venus: Avec Adèle Lane
1914: The Jungle Samaritan: Avec Charles Murphy
1914: One Kiss: Avec John Lancaster
1914: Bringing Up Baby: Avec John Lancaster
1915: The Strategist: Avec John Lancaster
1916: Haunted: Avec Ralph McComas
1916: Joan the Woman: Avec Géraldine Farrar
1917: The Tides of Barnegat: Avec Blanche Sweet
1918: A Girl Named Mary: Avec Marguerite Clark
1919: Louisiana: Avec Vivian Martin et Robert Ellis
1919: Male and Female: Avec Gloria Swanson
1920: The Thirtieth Piece of Silver: Avec Margarita Fischer
1920: Midsummer Madness: Avec Loïs Wilson et Conrad Nagel
1921: The Barbarian: Avec Monroe Salisbury
1921: Forbidden Fruit: Avec Agnès Ayres
1921: The Lost Romance: Avec Loïs Wilson et Conrad Nagel
1922: Is Matrimony a Failure ? Avec Lila Lee, Loïs Wilson, Zasu Pitts et Adolphe Menjou
1923: Crinoline and Romance: Avec Viola Dana
1925: The Thundering Herd: Avec Loïs Wilson et Jack Holt
1926: Torrent: Avec Greta Garbo et Ricardo Cortez
1927: The Frontiersman: Avec Claire Windsor et Tim MacCoy
1931: Sweepstakes: Avec Marian Nixon
1932: The Sign of the Cross: Avec Claudette Colbert, Elissa Landi et Fredric March
1932: The Bitter Tea of General Yen: Avec Barbara Stanwyck
1933: The Sphinx: Avec Sheila Terry
1933: Secret Sinners: Avec Sue Carol
1934: Cleopatra: Avec Claudette Colbert
1935: Whipsaw: Avec Myrna Loy et Spencer Tracy
1936: Trapped by Television: Avec Mary Astor et Joyce Compton
1937: Bad Guy: Avec Virginia Grey et Bruce Cabot