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LINDA DARNELL




Retracer le parcours de Linda Darnell va être, je le sais, le plus grand pensum de toute l’histoire de ce blog...Ou presque, il ne faudrait pas oublier le joyeux imbroglio signé Hedy Lamarr.

Ne trahir ni l’actrice, ni la femme ni la vérité relève peut-être de l’impossible. Il circule sur elle autant de contre vérités que de mensonges et la star elle-même n’a jamais craint la contradiction.

Son jeune âge ensuite pose souci biographique. Linda est à peine sortie de l’enfance lorsqu’elle joue à l’écran les rivales de Rita Hayworth et les vamps fatales. Elle se heurte déjà au sortir de l’enfance de fort près aux requins d’Hollywood aux dents réputées les plus acérées de toutes.

 Beaucoup ont menti sur leur réelle implication dans la vie et la carrière de Linda Darnell qui elle-même mentait sur son âge pendant que sa mère régalait la presse de fausses nouvelles.

 

Mais commençons par le début pour parcourir ensemble cette vie de déboires et de désillusions.

 

Les choses ne commencent pas de la meilleure façon pour la petite Linda Darnell. Elle voit le jour à Dallas le 16 Octobre 1923 sous le patronyme de Monetta Eloyse Darnall. Sa mère Perle Brown a déjà une fille d’un précédent mariage lorsqu’elle épouse Calvin Roy Darnall.

Mais là n’est pas le tragique.



Pearl s’est autrefois rêvée actrice et même grande vedette. Lorsque Monetta vient au monde, elle n’est déjà plus qu’une femme dévorée de rancœur et de frustrations et accessoirement nantie de deux enfants puisque la petite Undeen a devancé Monetta en Mars 1918. Deux autres enfants viendront couronner encore ce mariage qui marche mal. Monte Maloya viendra au monde en 1929 et Calvin Roy Jr. en 1930.


Etrangement, Pearl se console de tous ses chagrins et de ses rêves avortés en la personne de la petite Monetta qui est d’une beauté sidérante et bien supérieure à celle des autres enfants. Elle voit en ce véritable petit ange descendu en droite ligne du paradis son ultime chance de gloire. Elle consacre tout son temps, toute sa vie à la petite Monetta au point d’en délasser complètement ses autres enfants qu’elle n’élève même pas. Ainsi, ils se souviendront tous de leur mère comme d’une créature revêche, acariâtre et vociférante alors que Monetta coule une enfance résolument heureuse.


Ils ne songeront d’ailleurs jamais à lui en vouloir ou à lui garder la moindre rancune car Monetta est non seulement d’une beauté qui les fait fondre eux aussi mais elle est d’une gentillesse désarmante. Qu’elle ait été un ravissant poupon tout enrubanné jouant paisiblement avec ses poupées comme si tout était parfaitement normal alors que sa mère hurlait comme une possédée en lançant les casseroles à la tête de son père et que les reste des enfants se terrait dans les placards pour échapper à la furie déchaînée explique sans doute bien des choses.




Une autre explication tient probablement au fait que les seuls moments de paix que connaît Pearl sont ceux qu’elle passe à expliquer à la petite privilégiée la vie merveilleuse qui sera la leur lorsque Monetta sera devenue une grande vedette.


Nous sommes au milieu des années vingt, les stars de cinéma sont les êtres les plus fabuleux de la planète, l’étendue de leur fortune et de leur pouvoir est sans limites et parmi ces stars, il y a des enfants...Beaucoup d'enfants. Pearl n’a pas l’intention de laisser la beauté inespérée de sa fille s’étioler sur les bancs d’une école ridicule. Elle sait trop bien ce qu’il en coûte de perdre du temps lorsque l’on rêve de gloire.


 Plus tard Linda Darnell dira parfois avoir subi son écolage de vedette contre son gré, ce en quoi elle sera contredite par le reste de sa famille qui affirmera que Pearl avait parfaitement formaté sa fille pour qu’elle rêve de gloire et de fortune au moins autant qu’elle. La vérité relève peut-être d’une déclaration faite par Linda Darnell en 1940 où elle affirmait qu’un jour elle s’était plainte à sa mère de n’avoir pas vraiment envie de « tout ça », ce à quoi, Pearl lui aurait répondu : « Je sais c’est moi qui en ai envie, alors il faut le faire pour me faire plaisir à moi ta maman », ce que la petite beauté aurait admis de bonne grâce.

  

Très jeune, Linda aura droit à des leçons particulières de diction, de maintient, de chant de danse et de tout ce qui selon Pearl est nécessaire à une vedette. Aucun de ses professeurs ne se souviendra d’une aptitude particulière chez l’enfant à part une extrême gentillesse et une docilité à toute épreuve envers sa mère qui ne la lâchait pas d’une semelle.



Lorsque Linda a 13 ans, Pearl estime sa fille prête. Peut-être même a t’on déjà perdu trop de temps. Elle la lance à la fois sur les scènes locales, dans les agences de mannequins pour teenagers et dans tous les concours de beauté possibles et imaginables en mentant effrontément sur son âge. Un mensonge qui aura la vie dure et qui va à coup sûr dérégler définitivement le cours de cette jeune vie.

 

En 1937 elle avait 14 ans et elle est comme il se doit, inscrite au lycée mais elle ne s’y fait aucun ami. Elle ne s’y présente qu’au strict minimum, surtout aux cours d’Espagnol et d’art dramatique puis elle file à la maison reprendre son écolage sous la tutelle de sa mère. Laquelle s’est forgé une solide réputation de harpie mais qui s’en fiche comme d’une guigne tant que Monetta-Linda est fidèle au poste. Et puis, à 14 ans, il y a déjà plusieurs années qu’elle est professionnelle, la petite. Le lycée c’est uniquement lorsqu’elle n’est pas sur scène.

Tant pis si elle avait son premier petit béguin de jeune fille avec un élève d’origine mexicaine au lycée, Jaime Jorba.

 

Au début de l’année 1938, Pearl croit que ses incessants efforts vont enfin payer. Sa précieuse fille a obtenu, grâce à elle bien entendu, un rendez-vous avec un talent scout d’Hollywood de passage à Dallas. Elle a ensuite obtenu une invitation pour un « test » à Hollywood. Monetta-Linda n’a pas 15 ans. Elle venait même d’en avoir 14 lorsqu’elle rencontre le talent scout pour la première fois.




Pearl laisse sa fille partir faire son test à Hollywood. Elle a confiance. Et puis, on n’était pas riche chez les Darnall. Un voyage, un séjour, c’est moins cher que deux. Elle se contente de se ruer tous les matins sur le journal, persuadée d’y lire en première page « Monetta Darnall met Hollywood à ses pieds ». On imagine sa tête lorsqu’à l’heure du journal, c’est sa fille en chair et en os qui débarque, sa valise à la main, recalée par Hollywood.


On lui avait demandé son âge et elle l’avait dit ! Comment pouvait on être aussi idiote ? Avouer qu’on n’a que 14 ans ! Avant d’aller au lit, oui, avant de signer un contrat, non !

Pearl resserra d’un cran !

Et l’histoire peut commencer à se troubler.

 

Il semble que cette fois, pour la deuxième tentative, Pearl accompagne Monetta à Hollywood. Elle s’offre d’ailleurs un nouveau prénom sur le chemin, devenant Margaret Darnall ce qui fait plus distingué que Pearl. Sait-on jamais si après tout on n’aura pas besoin d’une vraie lady pour un rôle dans un film ? Monetta sur foi du mensonge de sa mère qui certifia avec son sang que sa fille avait 19 ans obtient un contrat chez RKO. Un contrat qui ne débouche sur rien à part faire fondre les pauvres économies de Pearl qui ne pesaient déjà pas bien lourd au départ. Il faut rentrer à Dallas sous peine de sombrer dans la clochardisation, et ce qui était pire encore, l’anonymat. Dès cette seconde expérience aussi calamiteuse qu’inutile, Monetta-Linda prit Hollywood en grippe et décréta qu’il en était bien ainsi car elle ne tenait pas du tout à devoir retourner là bas pour faire des films !

Elle avait déjà fait du théâtre et elle avait aimé cela bien plus qu’elle ne l’aurait cru. Elle serait donc une actrice de théâtre et tout serait pour le mieux !



Pearl acquiesça mais n’en pensait pas moins ! Qu’est-ce qu’une actrice de théâtre qui gagne en un an ce qu’une star d’Hollywood gagne en une minute ? Elle envoya donc les photos de sa fille à tous les départements castings des studios, à tous les agents, à tous les concierges, peu importe, elle les envoya partout et elle fit mouche !


 Celle fois c’est la Century Fox qui se montre intéressée. Aguerrie par l’expérience RKO, Pearl alias Margaret se montre intransigeante, joue les managers de haute volée. Elle obtient l’aide de la Century Fox pour que sa fille emménage dans un petit studio. Seule comme elle exige que le spécifie le contrat. Et Monetta ne se déplacera qu’avec la promesse formelle d’un rôle. Monetta-Linda n’a toujours que 15 ans ! « Vous plaisantez ? Elle va en avoir vingt ! » Clame sa mère. La jeune fille revint donc à Hollywood qu’elle détestait toujours autant et attendit son rôle dans son mini studio kitchenette gracieusement mis à sa disposition.


Pas longtemps ! La RKO mise au parfum fit valoir ses droits ! Il y avait duperie, l’actrice de 20 ans était une gamine de 15 ans sous contrat dans deux studios à la fois !


On entre dans la phase très délicate de l’histoire.

 

Mis au courant des démêlées que provoquait cette illustre inconnue entre son studio et la RKO, Darryl Zanuck, le patron de la Century Fox s’en mêla. Et que la pauvre jeune fille qui se voyait déjà finir en prison n’ait que 15 ans ne lui importa que peu...

Il en tomba follement amoureux.

Non seulement il régla le différent avec la RKO mais il donna lui-même son nom de star à sa nouvelle découverte : Linda Darnell. Cela fait, il la parachuta dans le premier film qui lui tomba sous la main. C’était « Hôtel pour Femmes » dont le tournage commençait avec Loretta Young en vedette. Il n’hésite pas à reprendre son rôle à Loretta qui resta suffoquée de se voir congédiée et remplacée par une illustre inconnue alors qu’elle est une très grande star. « Vous coûtez trop cher, c’est la crise ! » lui fut-il aboyé au visage en guise d’explications.



Evidemment, la liaison doit rester secrète

 

Hollywood vit alors sous le joug du tout puissant code de censure Hayes, tous les contrats des acteurs ont des clauses de moralité très strictes, où va-t-on si les grands patrons des studios eux-mêmes…A titre d’exemple on peut citer la même infortunée Loretta Young qui avait dû faire passer sa fille illégitime pour une enfant adoptée 4 ans plus tôt sous peine de se voir excommuniée d’Hollywood et…De la Century Fox !

 

Linda Darnell a donc officiellement 19 ans sur son contrat avec le studio, ce qui va mettre ses partenaires à l’écran dans l’embarras puisqu’ils miment la passion dans les bras d’une fille qui n’a même pas 16 ans jouant les rôles de femmes de 25 ! Par contre, on n’avait encore « jamais vu à l’écran d’actrices d’une telle fraîcheur ! » Quoi d’étonnant ! Seule Louella Parson, l’ineffable commère lèvera un coin du voile : « Linda Darnell est si jeune, si naïve, si immature qu’elle est même fidèle à son patron Daryl Zanuck qu’elle suit partout comme un petit chien bien dressé ».

Voir en Linda Darnell le petit chien bien dressé de Zanuck est évidemment très facile mais la situation est une fois encore bien plus nuancée.

 

Linda Darnell sera toute sa vie attirée par les hommes matures reflétant l’image d’un père protecteur. Les don Juan Hollywoodiens qui font se pâmer des cohortes d’admiratrices pour leurs beaux yeux de velours et leurs muscles délicats ne l’intéresseront jamais. Elle deviendra la partenaire attitrée de Tyrone Power pour quatre films.  Il la troublera autant qu’une béquille rouillée. Zanuck est réellement son type d’hommes et elle est sincèrement et éperdument amoureuse. Et puis Louella ignorait visiblement que Linda avait eu une brève aventure avec Mickey Rooney sur le plateau de « Star Dust ».



Linda Darnell ne se prostitue pas pour un rôle, elle s’engage sincèrement dans une relation avec Zanuck. Relation qui toute chaotique qu’elle soit va durer des années et semer au passage encore un peu plus de confusion sur son parcours personnel et professionnel ! Louella n’exagère pas lorsqu’elle dit plus loin dans son article qu’il s’agit « d’admiration extatique » lorsque Linda regarde son puissant Darryl.

 

Comme il fallait s’y attendre, les critiques se sont pâmées sur sa grande beauté et sur cette fameuse « fraîcheur » que l’on ne s’explique pas. Zanuck tout à fait ravi de la tournure que prennent les choses, compte la distribuer dans un film de Claudette Colbert. Mais parce que Linda lui cherche querelle il lui reprend le rôle aussi brutalement qu’il ne l’avait fait à Loretta Young deux mois plus tôt. Zanuck est le maître et il entend bien le rester. Il n’a pas l’intention de se faire mettre au pas et surtout pas par une adolescente qui lui doit tout ce qu’elle n’a pas encore. Linda, déjà désabusée déclare dans une de ses toutes premières interviews : « Les jeunes filles qui rêvassent à la vie de star à Hollywood feraient bien de venir ici quelques jours, elles découvriraient alors une réalité bien différente que ce qu’elles ont pu lire dans leur magazine de cinéma préféré comme moi-même j’en fais l’amère expérience ! » Pour les mêmes raisons, Zanuck la remplacera dans « Johnny Apollo » par Dorothy Lamour ! Or, s’il évince Linda de ces films en représailles d’évènements privés, il déclare à la presse que les rôles ne sont plus suffisants pour elle, ce qui est toujours agréable à entendre pour les actrices qui en héritent !


Linda prend ses distances et se fiance officiellement avec son agent de publicité Alan Gordon.

Mais si le talent de Linda n’est pas encore reconnu, c’est parce que les critiques plutôt acerbes à son égard n’ont pas compris le rôle.



Linda ne donne pas vie aux personnages qu’elle incarne, elle donne vie à des femmes de 25 quand elle n’en a que 16, ce qui explique, entre autres, l’extrême sophistication de ses costumes qui n’ont d’autre but que de la vieillir un maximum en lui gardant cette « fraîcheur miraculeuse » tant louangée ! Linda Darnell c’est encore une petite fille qui joue à la dame à cette exception près qu’elle ne joue pas dans sa chambre chez papa et maman mais sur les écrans du monde entier, dans les bras de Tyrone Power et dans le film le plus cher alors jamais mis en chantier par la FOX : « Brigham Young ».


 Elle va avoir 17 ans. Elle est la plus jeune « standing lady » de toute l’histoire du cinéma Hollywoodien. Si les critiques qui parlaient de « son apparente jeunesse » avaient su la vérité, nul doute que l’Oscar ait été obligatoire !

De film en film, de rôle en rôle, Linda Darnell gagne en popularité. Bientôt elle est célèbre, son fan mail égale celui de Lana Turner chez MGM ! Et cerise sur la gâteau, Linda ne sera jamais meilleure que dans les rôles de femmes sublimes mais désabusées, revenues de tout et surtout des hommes après avoir longtemps roulé leur bosse ! Elle est encore mineure !


Zanuck doit se rendre à l’évidence. Elle lui échappe.

Même si elle reste d’une docilité exemplaire car c’est sa nature profonde, il ne pourra plus maintenant la congédier comme un chauffeur imprudent ou un jardinier daltonien.

 En est-il satisfait ? Probablement puisqu’il est d’abord et avant tout un directeur de studio, un producteur et surtout un homme d’argent P.

Parce que les photos du couple qu’elle forme avec Tyrone Power plaisent au public, il fera tourner dix-huit scènes supplémentaires à « Brigham Young » afin de les réunir un maximum à l’image. On le voit, le business ne perd jamais ses droits à Hollywood.



Et parce que le film triomphe et que le public est fout du couple Linda Darnell-Tyrone Power, il la distribue dans « Le Masque de Zorro », film pour lequel Anne Baxter avait signé, mais qu’importe. Il suffit de la chasser purement et simplement. Dans l’enthousiasme il augmente le salaire de Linda jusqu’à ce qu’il soit un des plus élevés du studio. La période est au beau fixe.

En échange, sa carrière va être menée exactement comme celle du chien Pal, inoubliable dans le rôle de la chienne Lassie. Linda Darnell fera exactement ce qu’on lui dit de faire, quand, comment et avec qui on lui dit de le faire faire pour mériter son os en or.

Et s’il y a une chose au monde avec la quelle sa mère est bien d’accord c’est celle-là ! On la fait tourner avec Henri Fonda. Le résulta est très mitigé, son statut est remis en question. On s’empresse de lui rendre Tyrone Power pour son prochain film et on lui offre un technicolor sublime et très coûteux pour mettre toutes les chances de son côté. Mais au cas où sa cote serait réellement en perte de vitesse, on emprunte Rita Hayworth à la Columbia et c’est elle qui mènera le beau Tyrone par le bout des cornes dans « Blood and Sand ».

Linda eut d’excellentes critiques et fêta ses dix-huit ans sur le plateau.


Linda sauta sur l’occasion pour faire venir à Hollywood son béguin d’adolescente qu’elle n’avait jamais oublié. Jaime Jorba était mexicain, on pourrait le voir en espagnol dans le film. Linda rêvait encore au grand amour et ce souvenir d’école avait pris de plus en plus d’importance pour elle au fil du temps. Jaime vint à Hollywood. Lui aussi avait gardé un souvenir tendre de Linda. Mais les retrouvailles furent brèves et glaciales. Hollywood n’amusa pas Jaime Jorba et il déclara à Linda qu’il serait incapable d’aimer une femme « publique ». Pour couronner le tout, à l’écran on ne vit que Rita la flamboyante à qui revint tout le mérite du succès de film. Dans la foulée, on l’évince de son film suivant que l’on confie à Betty Grable !


 Après un second rôle sans intérêt dans un film minable, ce qu’elle considère comme une manœuvre pour faire baisser sa popularité, au grand désespoir de sa mère, Linda refuse tous les rôles qu’on lui propose. Elle se plaint dans la presse du sort qu’Hollywood lui réserve et est une des premières à s’engager dans l’effort de guerre. Bientôt elle sera une des plus fidèles habituées de l’Hollywood canteen. Elle a une liaison avec Victor Mature qui est considéré à l’unanimité à Hollywood comme « un type bien avec les femmes ». Il représente à ses yeux une épaule solide sur laquelle s’appuyer et se reposer enfin un peu, elle qui est déjà si lasse, si abîmée à 18 ans nouvellement fêtés.



Mais Linda aura moins de chance que les autres conquêtes de Victor Mature. Il est follement amoureux de Rita Hayworth et la conjure de ne pas épouser Orson Welles pour devenir sa femme. Chassé croisé amoureux où Linda ne compte tout simplement pas.

 

Avec Zanuck rien ne va plus. Linda a perdu tout intérêt à ses yeux. Il la distribue dans des films médiocres lui confie des rôles indéfendables. Il n’hésite pas à la suspendre si elle rechigne un peu trop à tourner ces niaiseries. Un jour qu’il est plus exaspéré que d’habitude, il exige qu’elle tourne un autre de ses films idiots. Douze jours après le début du tournage il la renvoie, la remplace par Ann Rutherford et clame à la presse qu’elle est vraiment trop insuffisante pour le rôle. A bout de nerfs, Linda fugue.

 

Déjà elle dérivait, après Victor Mature elle avait eu des liaisons avec Robert Montgomery, Jackie Cooper, Eddie Albert. Son nom venait s’ajouter à la liste des « croqueuses d’hommes ». Liste où brillaient les noms de Lana Turner, Ava Gardner, Marie MacDonald et quelques autres. C’est également l’époque où sa mère, estimant sans doute qu’on ne s’intéressait pas assez à sa petite personne déchaîna les foudres du scandale en accusant son mari d’avoir des relations incestueuses avec ses enfants restées à Dallas pendant qu’elle était à Hollywood pour veiller sur Linda. D’abord épouvantée, Linda ne va pas tarder à découvrir qu’il s’agit de mensonges inventés de toutes pièces par sa mère. Ecœurée à l’extrême, Linda prend son sac, son manteau, sa petite sœur et part en abandonnant sa maison à sa mère en guise de cadeau d’adieu.

Elle ne la reverra jamais.


 Mais Pearl n’en restera pas là. Elle abreuvera sans relâche la presse d’histoires sordides à propos de Linda. Et comme Linda elle-même déclarait plus souvent qu’à son tour détester Hollywood car c’était le « cloaque nauséabond de tous les vices concentrés », on préféra croire une mère abandonnée qu’une fille ingrate. Linda qui traverse une période noire continue sur la même lancée. A peine déménagée, elle reçoit à sa nouvelle adresse privée des lettres d’un inconnu qui menace de la vitrioler si elle ne lui verse pas 20.000$ Le FBI devra prendre l’affaire en mains.



Elle quitte Hollywood, elle disparaît littéralement plusieurs semaines. Le 18 Avril 1943, une nouvelle abasourdit tout le monde. Linda est à Las Vegas où elle s’est mariée avec le chef opérateur Paverell Marley. Il a 42 ans et est loin d’être un don Juan. Linda a 19 ans. Paverell avait filmé Linda dans quelques uns de ses premiers films et il s’était pris d’amitié pour cette très jeune fille complètement à la dérive. Tout le monde à Hollywood à commencer par la mère de Linda et Zanuck lui-même ne voyait là qu’une amitié solide et protectrice qui faisait plaisir à voir. Mais le mariage c’était autre chose ! Paverell est un des alcooliques les plus notoires d’Hollywood et on craint que sous son influence, la jeune Linda ne suive la même pente.

C’était peu dire. Les voisins du couple déclareront un jour qu’ils ont vu Linda Darnell se métamorphoser sous leurs yeux en seulement quelques semaines. La jeune mariée belle à couper le souffle s’était transformée en une véritable harpie, vociférante, agressive, grossière et généralement ivre. Le portrait craché de sa mère encore empiré par l’abus d’alcool. Linda était de ces buveuses qui n’aiment pas le goût de l’alcool. Elle tournait en rond dans sa cuisine jusqu’à ce qu’il soit dix heures du matin, heure à laquelle elle s’autorisait « son lait ». Prendre un bol, le remplir à moitié de lait et à moitié de cognac.


Avec un tel régime, elle grossit à vue d’œil.

 

Zanuck fulmine, la presse, encore ignorante de la nouvelle situation s’étonne : « Pourquoi ne donne-t-on rien à faire d’intéressant à Linda Darnell, le visage le plus parfait du cinéma mondial, une actrice douée et une des préférées du public américain ! A quoi pense-t-on à la Century Fox ? » A la prêter à vil prix à d’autres studios pour des films encore plus idiots et qui de plus est aux budgets médiocres ! Linda, prêtée à un autre studio commente : « Ce film est tout à fait grotesque, j’en suis consciente, mais je suis tout à fait ravie de le tourner car le travail se fait entre gens civilisés qui ont des notions de respect et de politesse, on s’adresse même à moi comme à un être humain ça me change de la Century Fox ! » un autre jour elle commente « Si on traitait un chien comme on me traite à Hollywood, les sociétés protectrices des animaux mettraient le pays à feu et à sang ! »



 Ivre de rage, Zanuck la laissera dix-huit mois sans travail et sans salaire. Mais en 1944, malgré cette longe absence des écrans qui aurait tué n’importe quelle actrice, Linda arrive dans le peloton de tête des actrices préférées du public. Cerise sur le gâteau, elle est classée quatrième au palmarès des plus belles femmes du monde après Hedy Lamarr, Ingrid Bergman et Gene Tierney.  Zanuck cède. Il serait trop bête de se priver d’une telle aubaine ! Faisant amende honorable, il la libère du navet d’envergure qu’il lui avait infligé et lui permet de choisir le rôle qu’elle veut dans les films en préparation au studio. Il faut cependant souligner qu’elle venait d’être magistrale sous la direction de René Clair dans « C’est Arrivé Demain », sans doute son meilleur rôle, ce qui aide à rétablir la confiance. Et puis elle avait fait la rencontre d’Howard Hugues. Grand amateur d’actrices brunes et pulpeuses de préférence. Il était conquis, Il était un des hommes plus puissants du monde, elle était follement amoureuse.

 

Linda qui a atteint ses 21 ans et la majorité légale fait preuve d’une clairvoyance rare et choisit « Hangover Palace » ou elle donnera la réplique à Laird Cregar. Il mourra d’une attaque cardiaque deux mois avant la sortie du film à seulement 31 ans. Mais pour Linda le film est un triomphe et la critique titre à l’unisson « Linda, Enfin ! ». Le reste du film est passé à la moulinette mais les recettes sont majestueuses, elles sont Linda Darnellesques !


Pourtant la mort brutale de Laird Cregar n’est pas le seul présage funeste du film puisque son personnage, directement inspiré de Jack l’éventreur, après avoir étranglé Linda dépose son corps sur un bûcher. Zanuck, enivré par le succès de Linda en une période où Betty Grable se montre de plus en plus difficilement malléable la distribue dans « Fallen Angel », un film dont Alice Faye est la vedette. Mais il étoffe tant et si bien le rôle de Linda au détriment de celui d’Alice que le lendemain de la première, Alice Faye entre dans son bureau sans y être invitée, lui lance la clef de sa loge en pleine poire et les miettes de ce qui était la veille encore son contrat avant de quitter le studio pour ne plus jamais y remettre les pieds. Or, Alice Faye était la star la plus rentable du studio. La « money maker » numéro UN.




Jamais à l’abri d’une contradiction, Zanuck pleurniche dans les oreilles de qui veut bien l’entendre que Linda Darnell lui a « coûté » Alice Faye ! Il essaiera durant plus de vingt ans de la faire revenir. En vain ! Pourtant, Linda Darnell dans le film avait ébloui le public et récolté tous les suffrages.


Dans la foulée, elle entame une procédure de divorce afin d’être libre d’épouser Howard Hugues.

Tête sidérée de l’intéressé qui lui lance « Qui vous a mis une idée pareille en tête ? Il est hors de question d’un mariage entre vous et moi ! » Humiliée, Linda abandonna la procédure et rentra à la maison boire son lait cognac dès 10 heures.

 

Zanuck la redistribua face à Tyrone Power dans « Capitaine de Castille ». Mais malgré la folle impatience du public à l’annonce du projet, Linda est remplacée par…Jean Peters, future madame Howard Hugues ! La situation conflictuelle entre la star et son studio ne s’améliore pas, elle ne s’améliorera jamais. Jean Peters, toute efficace qu’elle soit ne sera pas Linda Darnell et Zanuck dès les premiers rushs sut que les recettes du film seraient bien moins passionnantes qu’avec Linda. Il lui proposa alors d’un sourire fielleux, le premier rôle féminin du prochain film de John Ford « My Darling Clémentine ». Mais John Ford, alors un des réalisateurs les plus prestigieux et les plus doués d’Hollywood était un homme fantasque et « avait ses têtes ». Il aurait donné toute sa fortune et la moitié de sa vie pour avoir Dolorès del Rio ou Maureen O‘hara dans ses films mais il prit instantanément Linda Darnell en grippe dès qu’il la rencontra pour la première fois. Il fut plus qu’odieux avec Linda. Il fut immonde. Fort de sa toute puissance à Hollywood et sur le plateau de son film, il éradiqua toutes ses scènes jusqu’à ce que son rôle soit aussi ténu qu’un fil d’araignée.



 Linda, une fois de plus était mortifiée, humiliée. Elle s’était à nouveau retrouvée confrontée à Henri Fonda, le meilleur ami de John Ford avec qui elle avait déjà tourné, avec qui les relations avaient été désastreuses et elle ne pouvait guère compter sur lui pour prendre sa défense de quelque manière que ce soit. Il se contenterait de donner raison en tout point à Ford. Mais Linda Darnell était une star terriblement populaire et le public qui se rua sur » My Darling Clementine » en sortit outragé d’y avoir si peu vu Linda malgré les qualités du film. Ce sentiment était encore accru par la qualité sensationnelle du peu de scènes où elle apparaissait, on ne l’avait jamais vue si belle. Le tollé fut énorme, Zanuck réagit instantanément.

 

Depuis « Autant en Emporte le Vent » on aimait à Hollywood se passionner pour les petites guéguerres de castings entre les actrices pour obtenir les grands rôles dignes de Scarlett dans les films qui se préparaient. Et durant près d’un an ces dames avaient lutté pour obtenir le rôle pourtant ridicule d’Ambre Sinclair dans « Forever Amber » d’après le roman lamentablement pitoyable de Kathleen Windsor. Le roman était si mauvais qu’Artie Shaw divorça de son épouse Ava Gardner parce qu’entre autres raisons, elle avait lu le roman et l’avait aimé. L’illustre chef d’orchestre refusait de rester marié à une femme qui pouvait prendre du temps et prendre du plaisir à lire de pareilles sornettes ! Le roman dont l’action se situe au dix-septième siècle commence par ces mots « Réveillée dès les premières lueurs de l’aube, Ambre Sinclair sauta du lit de fort bonne humeur, coiffa ses longs cheveux roux et se brossa les dents dans sa salle de bains »



La Century Fox avait déployé tous ses sortilèges publicitaires et des concours avaient fleuri à travers le monde pour trouver « L’Ambre Idéale ». Finalement, le rôle échut à la charmante actrice anglaise Peggy Cummins. Mais Zanuck se retrouvait maintenant avec Linda Darnell sur les bras. Le public l’exigeait littéralement et « Forever Amber » allait coûter si cher qu’il ne pouvait mettre aucun autre film digne de sa vedette en chantier, faute de moyens disponibles immédiatement. Qu’à cela ne tienne ! Zanuck organisa une conférence de presse et déclara : « J’ai vu les premières scènes de « Amber Forever » avec Peggy Cummins, je n’ai jamais vu un travail d’actrice aussi amateur de ma vie !  A l’heure où je vous parle, le contrat de miss Cummins est rompu et elle vogue déjà vers son cher Londres qu’elle n’aurait jamais dû quitter ! Miss Linda Darnell a gentiment accepté de récupérer le rôle d’Ambre Sinclair et le tournage a déjà repris avec elle ! » C’est un des scandales les plus célèbres du cinéma américain et la pauvre Peggy Cummins restera à jamais l’actrice « amateur » chassée d’Hollywood parce qu’elle était insuffisante pour tenir le rôle le plus idiot du monde !  Linda perdit du poids, devint rousse pour le rôle et tourna cette niaiserie épouvantable qui allait pourtant faire un succès inouï et rester le fier emblème de sa carrière.


Le tournage fut long et harassant et après avoir subi John Ford et Henri Fonda, c’est son partenaire Cornel Wilde qui lui mena la vie impossible sur le tournage. S’il pouvait briller en héros romantique digne de d’Artagnan avec la délicate Peggy, il était moins évident pour lui d’être aussi convainquant avec une créature de cinéma telle que Linda Darnell. Ce film, il faut bien l’admettre patauge dans l’invraisemblable et le ridicule. Mais Linda Darnell y est si fantastiquement merveilleuse qu’elle en fait un véritable régal. Le film connaître un demi-siècle d’exploitation régulière. Ambre Sinclair fit de Linda Darnell une superstar d’Hollywood dont le nom ne s’effacerait plus jamais des mémoires. Une gloire ramassée dans le fatras d’un film au scénario grotesque, tourné dans un technicolor criard, des costumes ridicules, des décors monstrueux et dans les bras d’un partenaire mièvre à souhait. Linda Darnell n’en est que plus admirable encore.




Son meilleur rôle reste à jamais « C’est arrivé Demain », son plus grand succès reste « Ambre », son meilleur film est incontestablement « Chaînes Conjugales », un bijou signé Mankiewicz. Encore toute auréolée du prestige commercial de « Amber Forever », le film donne à Linda Darnell le prestige artistique qui lui manquait encore aux yeux d’Hollywood alors que le public en était parfaitement convaincu depuis une décennie. Mankiewicz la dirigea de manière absolument magistrale dans un film qui l’était tout autant et qui allait rester à jamais gravé dans le marbre de la grande histoire du cinéma. Pour la seconde fois, le nom de Linda Darnell était murmuré de tous pour les nominations aux Oscar. Il n’en fut rien.


L’année 1948, l’année de « Letter to Three Wives » est une grande année pour Linda Darnell. Ayant renoncé à tout espoir de maternité, elle obtient, malgré sa réputation sulfureuse, le droit d‘adopter une petite fille. La petite Charlotte Mildred née le 5 janvier et dont Linda qui la rebaptise affectueusement Lola s’entiche immédiatement. Mais il est dit qu’avec l’actrice, rien ne sera jamais simple. Lola arrivée en janvier, Linda tourne son chef d’œuvre au printemps et tombe follement amoureuse de Joseph Mankiewicz. Or il est bien évident que si elle demande le divorce immédiatement après l’arrivée de l’enfant dans son couple, on risque fort de lui reprendre sa fille chérie. Linda nage en plein dilemme. Après avoir étudié tous les risques, elle prend quand même celui de divorcer pour son bel amour tout neuf. Mais Mankiewicz malgré ses sentiments évidents pour Linda la supplie de n’en rien faire et d’abandonner la procédure toute affaire cessante car lui ne divorcera pas pour elle. En aucun cas. Plus tar dira d’elle « C’était une fille sublime et formidable mais avec de tels problèmes personnels que c’en était terrifiant ! »


Linda repoussée un fois de plus tombe en dépression. Son état est jugé très grave et on craint que l’actrice mette fin à ses jours. Mankiewicz confiera « J’ai fait ce qui était le mieux pour Linda Darnell. Et le mieux n’était pas de l’épouser mais de réussir à la convaincre de voir un psychiatre et d’affronter enfin tous ses démons d’enfance qui la tuaient plus sûrement qu’une balle au cœur ».



Mais à Hollywood, on s’intéresse fort peu aux affres psychologiques des actrices, fussent elles les plus belles ou les plus populaires. Il faut que les films se tournent et que l’argent rentre. Un point c’est tout. En dehors de ça, si les gens qui font les films sont heureux, tant mieux et s’ils ne le sont pas, tant pis.

 

Linda fut parachutée dans un film qui non seulement n’avait guère de chance de rivaliser avec son film précédent mais avait surtout pour ambition de maintenir à flot commercial l’étoile de Veronica Lake alors en complète capilotade. Rien ne pouvait déjà plus freiner la chute inexorable de l’irascible Veronica et le succès très honorable de « Slattery’s Hurricane » reposa sur les seules épaules de Linda Darnell et Richard Widmark. Linda en pleines affres sentimentales et personnelles reste malgré tout dans le sillage sentimental de Joseph Mankiewicz. Celui-ci la persuade de tourner sous sa direction « No Way Out ». Elle retrouvera dans le film Richard Widmark et donnera la réplique à l’acteur noir Sidney Poitiers. Mankiewicz voudrait aborder le thème délicat du racisme en Amérique et souhaite montrer une population de province plus encline envers un truand blanc qu’envers un excellent médecin noir. Linda est ravie et accepte immédiatement, à la fois convaincue par le sujet du film et l’envie folle de tourner à nouveau sous la direction de l’homme qu’elle aime. Elle croit alors obtenir un rôle décisif dans un film important. Elle ignore que le studio a imposé sa présence pour attirer malgré tout un public qui risquait de boycotter le film à cause de son sujet. Et puis elle croit aussi avoir entamé avec Mankiewicz une longue collaboration artistique à défaut de matrimoniale et elle sait qu’il prépare « All About Eve ». Elle se rêve déjà en Eve puisqu’elle est de toute évidence bien trop jeune pour être une Margot Channing crédible.

 

On le sait, le rôle convoité par Linda sera offert à Anne Baxter. Linda Darnell qui croyait amorcer avec les années 50 une nouvelle décennie bien plus heureuse que la précédente en fut pour ses frais.


Elle se rendit compte que son homme de confiance la spoliait depuis des années et dut entamer un procès pour se défendre et l’envoyer en prison. Elle avait également pris la décision de divorcer. Son mari lui demanda avec un flegme saisissant combien il lui restait sur son compte après avoir été littéralement dévalisée par son homme de confiance. Il lui restait 125.000$.

Il accepta de s’en contenter.



 Quelques mois plus tôt, elle était une superstar richissime amoureuse d’un réalisateur de génie qui faisait d’elle son égérie. Elle était maintenant une star sans le sou en fin de contrat, reniée par le génie de son cœur, souffrant d’embonpoint, d’alcoolisme et de nerfs très ébranlés.


Bientôt son contrat arrivera à expiration. La télévision menait une concurrence sans merci à Hollywood. Les recettes baissaient en flèche et on se débarrassait autant que possible des stars de cinéma les plus coûteuses. Or, Linda Darnell gagnait toujours 5.000$ par semaine, soit dix fois plus que la nouvelle star du studio : Marilyn Monroe ! Le contrat de Linda n’est pas renouvelé et elle s’en réjouit ! Enfin libérée de la tutelle de Zanuck, elle sera enfin une actrice indépendante faisant les films qui lui font envie et qui en valent la peine ! A condition qu’on lui en propose ! Rien ne viendra !

 

Amère, l’actrice déclare « Je sais que c’est indécent de se plaindre quand on a gagné 5.000$ par semaine durant des années, mais mon salaire est passé à 0 ! Même mes proches me conseillent d’arrêter le cinéma et de passer à autre chose, mais à quoi ? Je ne sais faire que ca, du cinéma. Et puis qui peut accepter d’être mis au rebus à moins de 30 ans ? » En désespoir de cause, elle reviendra demander du travail à la Fox ! Mais à la Fox on est très occupés avec Betty Grable, Marilyn Monroe, Yvonne de Carlo et surtout Jane Russell !

 

Alors Linda jouera des petits films policiers sans envergure, des mélos sans cachet, des intrigues sans originalité  et la prestation la plus brillante de cette époque restera « Barbe Noire le Pirate ». Et si elle tourne « Aventure sous les Tropiques » entre Mitchum et Palance, c’est parce que le film était tourné en 3D et que personne n’y croyait. Sa vie privée n’est pas plus rutilante : Une liaison avec l’acteur Bill Paxton, avec le réalisateur Guiseppe Amato rencontré à Rome et un mariage « financier » avec le magnat de la bière Philippe Liebmann.



Sidérant son entourage, la presse, le public et les studios, Linda déclare : « Ca l’intéresse d’être le mari d’une star d’Hollywood, sans doute pour sa publicité, je n’en sais rien et je ne tiens pas à le savoir. Moi ca m’intéresse d’être enfin en sécurité financièrement. Il n’y a aucune attirance entre nous, ce mariage est un arrangement commercial ». Liebmann tint largement sa part du contrat et fit de Linda Darnell une des femmes les plus endiamantées et envisonnées du monde.


Se désintéressant du cinéma, ce qui était réciproque, elle passa la majeure partie de son temps en Italie où les classes les plus pauvres se remettaient encore très difficilement de la guerre.

Elle créa sa fondation à Rome et ouvrit une institution pouvant accueillir trente jeunes filles complètement démunies.

 

Mais deux ans plus tard, contre toute attente, Linda rendit les diamants et les visons à leur généreux donateur et voulut reprendre sa liberté car « La vie sans amour était au dessus de ses forces » Etrangement, Philippe Liebmann avait appris à l’aimer et à l’apprécier à ses justes valeurs humaines et fut dévasté par ce choix mais Linda ne voulut rien entendre.



 En 1957, elle n’avait pas retrouvé sa place à Hollywood ni même de rôles dignes d’elle. Elle s’était alors frayé un passage à la télévision où son prestige restait suffisant pour lui valoir du travail régulier. Elle se remarie avec un pilote, Merle Roy Robertson. Mais ce mariage là serait lui aussi désastreux. Robertson ferait de Linda Darnell une des femmes les plus trompées de la terre et elle demanderait le divorce après que Robertson ait reconnu être le père de l’enfant d’une autre femme. Devant le déballage juridique et public qui menaçait, Linda accepta de verser une pension alimentaire à l’indélicat mari pour avoir la paix et obtenir une nouvelle fois sa liberté.

 

Linda Darnell n’était pas la seule actrice des années 50 à souffrir de dépendance à l’alcool. Mais si la presse se faisait discrète sur les excès de Marilyn Monroe, de Joan Crawford, de Jayne Mansfield ou d’Elizabeth Taylor, Linda avait été trop célèbre, trop populaire pour qu’on la laisse en paix maintenant qu’elle était « has been ». Régulièrement on parlait de « ces filles trop belles que le cinéma avait détruites ». On parlait de ses errances, de ses excès, de ses prises de poids.

On a beaucoup inventé, on a toujours exagéré. Linda n’était pas sobre mais elle ne roulait pas dans le caniveau. Elle avait perdu sa fortune mais elle était loin d’être pauvre, elle grossissait, elle n’avait rien d’une obèse. Si Hollywood ne l’appelait plus, il en était ainsi avec presque la totalité des stars de sa génération qui ne trouvait refuge qu’à la télévision.



Les années 60 étaient particulièrement cruelles avec les icônes des années 40 et 50 et si Linda était en quelques sortes « reléguée », elle l’était en compagnie de ses principales rivales qui pour être peut-être plus sobres et plus minces n’en étaient pas moins elles aussi « finies » pour le cinéma. Où étaient alors Hedy Lamarr, Dorothy Lamour, Veronica Lake, Arlène Dahl, Rhonda Fleming, Yvonne de Carlo, Lana Turner, Gene Tierney, Jane Russell et tous ces sublimes rivales des heures glorieuses ? Elle est d’ailleurs une des seules de sa génération que le cinéma rappelle de temps en temps car son nom au générique d’un film convainc encore quelques banquiers nostalgiques de débloquer les fonds pour le sempiternel western de série Z.

Linda tourne ces films sans la moindre illusion « Ce film est complètement nul stupide et raté, mais je m’en fiche ! Il restera à l’affiche une semaine, personne n’ira le voir et puis il disparaîtra des mémoires pour toujours ! » C’en est ainsi avec son ultime film « Les Eperons Noirs ». Un western sans la moindre envergure ni intérêt où elle ne se montre que peu et dans un costume criard à souhait qui menace d’éclater à tout moment.

 


Et puis, dans la nuit du 9 au 10 avril 1965, Linda est chez des amis à Glenview en Illinois. Ce soir là, Linda apprend qu’un des films de ses débuts « Star Dust » avec Mickey Rooney passe à la télévision. Elle propose alors de le regarder « pour rigoler un peu ». Après la diffusion du film, les trois femmes présentes dans la maison allèrent se coucher. La femme de son ancien secrétaire, sa fille de 16 ans et Linda.



A cinq heures du matin, les flammes ont pris dans le living room qui s’est embrasé. On ne connaîtra jamais les causes de l’incendie ni les circonstances exactes de la mort de Linda.


On a beaucoup prétendu que l’actrice, ivre comme à son habitude s’était endormie dans un canapé une cigarette à la main. Mais non seulement rien n’a jamais étayé cette thèse mais les deux autres femmes ont affirmé que Linda était montée se coucher en même temps qu’elles.

Linda a été réveillée par les flammes la fumée ou les cris de ses amies, on l’ignore. Elle a réussi à sortir de la maison par une fenêtre arrière du premier étage d’où il était facile de sauter dans le jardin.

 

Abusée par la fumée, Linda a cru que seule son amie avait réussi à s’échapper du brasier et que la jeune fille de 16 ans était prisonnière des flammes. Elle est alors retournée à l’intérieur de la maison. Elle a pris son couvre-lit dans sa chambre, l’a trempé dans l’eau de son bain qui était restée dans la baignoire et s’est enroulée dedans. On ne saura jamais avec certitude pourquoi elle est redescendue au rez de chaussé au cœur même de l’incendie. La fille de son amie affirmera que ce soir là, avant de regarder la télévision, Linda et sa mère avaient préparé la déclaration d’impôts de l’actrice et qu’elle avait 1.200 $ prévus à cet effet, en liquide dans la maison. Selon elle Linda a probablement cru avoir le temps d’aller récupérer son argent, ce qui était d’ailleurs tout à fait possible sans le geste malheureux d’un jeune voisin.

 

Linda Darnell a essayé de sortir par la porte du jardin, mais la poignée était déjà chauffée à blanc. Elle est alors retournée vers l’escalier mais a été rattrapée par les flammes.


Il était cinq heures du matin lorsque l’incendie s’est déclaré et de nombreux voisins s’étaient déjà agglutinés autour de la maison où Linda était encore prisonnière. Les pompiers tardaient une tempête faisait rage.

 

Un adolescent sorti d ‘une maison voisine a vu la silhouette de l’actrice dans les flammes au rez de chassée. N’écoutant que son courage et son instinct, il va avoir un réflexe malheureux. Il s’empare d’une pelle à neige pour briser une vitre. L’appel d’air froid attise l’incendie qui redouble et c’est probablement ce geste qui scelle le sort de Linda Darnell. La vitre a explosé sous l’impact de la pelle et le jeune garçon sera grièvement blessé, il aura plus de cinquante points de suture.


Linda Darnell a été sauvée des flammes mais son corps était brûlé à plus de 90%


Elle s’est éteinte après 8 heures d’agonie et de souffrance et après avoir demandé à son amie de prendre soin de sa fille Lola.


Linda Darnell n’avait que 41 ans.


Durant toute sa courte vie, elle n’avait craint qu’une seule chose : mourir par le feu dont elle avait la phobie. Elle avait déjà péri par le feu dans « Anna et le Roi de Siam » et échappé in extrémis à l’incendie de son château dans « Ambre ».

Celine Colassin



QUE VOIR ?


 1939 : Hôtel for Women : Première apparition au cinéma pour Linda face à James Ellison mais surtout face à Ann Sothern qu’elle retrouvera dix ans plus tard pour « Letter to Three Wives »

 1939 : Day-Time Wife : Première rencontre avec Tyrone Power et naissance d’un des derniers grands couples de cinéma. Linda a 16 ans et joue une femme mariée depuis 2 ans et déjà trompée.


 1940 : Star Dust : On a souvent dit que le film était inspiré de la propre vie de la star Linda Darnell. C’est complètement absurde. Elle est encore débutante et n’a pas encore tourné son premier succès Brigham Young. Qui aurait songé à écrire à son propos une histoire encore à vivre par son héroïne?

 1940 : Brigham Young : Biopic sur le leader des Mormons Brigham Young qui les conduit vers leur terre promise, non d’Israël mais de Salt Lake. Tyrone Power est le héros, Linda sa belle.

 1940 : The Mask of Zorro : Passions tumultueuses et vengeur masqué, tout pour plaire à un jeune public qui sera souvent fidèle à Linda …Et à Tyrone Power !

 1941 : Blood and Sand : Linda est la douce et patiente fiancée espagnole du torero Tyrone Power, Mais survient la flamboyante Rita Hayworth.

 1942: The Loves of Edgar Allan Poe: Avec un des destins les plus fantastiques et surtout les plus tragiques de toute l’histoire américaine, Hollywood ne tire qu’un film particulièrement mièvre. Quel dommage. Linda incarne Virginia Clemm. L’amour qui hanta Edgar Allan Poe toute sa vie

1943 : The Song of Bernadette : Ne cherchez plus, c’est bien Linda Darnell qui prête ses traits aux apparitions de la vierge.

 1943 : City Without Men: Linda voit son petit ami incarcéré pour un crime qu’il n’a pas commis et s’installe dans une sorte de pension de famille tout près de la prison. Laquelle pension est peuplée d’autres dames de toutes conditions qui ont-elles aussi « quelqu’un à l’intérieur » !

 1944 : Buffalo Bill : Biopic consacré à Buffalo Bill comme on s’en doute et où Maureen O’hara vole la vedette à tout le monde. Linda Darnell, grimée en indienne dans un rôle insignifiant avait il est vrai bien peu de chances de briller !

 1944 : It’s Happen Tomorrow : Un petit chef d’œuvre d’humour surnaturel signé René Clair et où Linda est tout simplement parfaite. Un des films les plus réussis de l’histoire du cinéma.

 1945 : Fallen Angel : Linda est une formidable petite arriviste de cambrousse manquant autant d’éducation que de scrupules et rivale d’Alice Faye dans le cœur de Dana Andrews accusé de son meurtre. Linda est dirigée par Otto Preminger qui la terrifie complètement ! « Miss Linda Darnell est parfaitement moulée dans ce corps de sirène sublime et faible d’esprit ! » Conclurent les critiques éblouis !

 1946 : Anna and the King of Siam : La postérité a préféré retenir la version menée par Yul Brynner et Deborah Kerr. Celle de Rex Harrison et Irène Dunne ne déméritait pourtant pas. Linda y trouvait la mort sur un bûcher.

 1947 : Forever Amber : Le clou le plus spectaculaire dans la carrière de Linda Darnell malgré la mièvrerie du scénario, des costumes, des décors et surtout de Cornel Wilde.

 1949 : Slattery’s Hurricane : Hollywood ne se fait plus guère d’illusions sur l’avenir commercial de Veronica Lake. Linda Darnell, alors au faîte de la popularité puisqu’elle vient de tourner « Forever Amber » rejoint la distribution du film pour lui donner toutes les chances de faire ses frais.

 1949 : Lette to Three Wives : Le point d’orgue sublime de la carrière de Linda Darnell

 1949 : Everybody Does It : Linda s’essaie à la comédie pure et se montre en diva de l’opéra dans ce film qui n’est que le remake d’un vieux succès de Loretta Young.


1950 : No Way Out : Linda retrouve Richard Widmark après « Slattery’s Hurricane » tourné avec lui l’année précédente. Mais elle retrouve surtout Joseph Mankiewicz à la mise en scène. Le film abordait le délicat problème du racisme envers les noirs et prenait le parti du bon Sidney Poitier contre le méchant Richard Widmark. Inutile de dire que les recettes ne furent pas pareilles dans tous les états. Linda ne sert que d’attrape nigaud pur traîner malgré tout vers les salles obscures un public hostile au thème du film mais gagné à sa sublime cause.

1952 : Night Without Sleep : Linda affronte Gary Merrill, monsieur Bette Davis à la ville, et un nouvel espoir Century Fox : l’allemande Hildegarde Kneff.

 1952 : Saturday Island : Linda sous les tropiques avec Tab Hunter encore plus blond que Marilyn Monroe et ce qui ne gâche rien, coiffé comme Lana Turner !

1952 : Blackbeard the Pirate : Certes c’est un spectacle réservé aux enfants, mais il serait bien idiot de bouder son plaisir. Raoul Walsh est à la barre et Robert Newton est un barbe noire plus vrai que nature.

 1953 : Second Chance : Le film proposé en 3D proposait quelques scènes haletantes comme une bagarre menée par Jack Palance et Robert Mitchum sur le toit d’une cabine téléférique en panne au dessus du vide.

 1956 : Dakota Incident : Western sans intérêt avec Dale Robertson et tourné pour le studio Republic.

 1957 : Zéro Hour : Linda retrouve Dana Andrews douze ans après « Fallen Angel ». Elle se montre fatiguée, épaissie et peu convaincue. Le film est un « film catastrophe » sur un avion en danger en plein ciel comme on tournera des floppées tant vingt ans plus tard.

 1965 : Black Spurs : Un western ultra conventionnel mené par Rory Calhoun. Linda n’apparaît que peu et se trémousse dans les oripeaux que n’aurait pas désavoués Ambre Sinclair à ceci près qu’ils sont maintenant trop étroits pour elle.  L’élément charmeur est confié à la charmante Terry Moore. Jusqu’à la fin de sa carrière, Linda aura subi le retour de manivelle du mensonge sur son âge puisque l’on confie le rôle de la « fille jeune » à Terry qui n’a que…3 ans de moins qu’elle ! Le temps a passé et bientôt il va s’arrêter.

 

LES FILMS QUE VOUS NE VERREZ PAS

(Avec Linda Darnell)

 

Johnny Apollo : Zanuck lui confisque le rôle qu’il refourgue d’autorité à Dorothy Lamour

 

Capitaine de Castille : Linda est remplacée par Jean Peters dans les bras de Tyrone Power.

 

All About Eve : Linda rêvait du rôle d’Eve qui sera confié à Anne Baxter.

 

Diplomatic Courier : Linda devait retrouver Tyrone Power au côté d’Hildegarde Kneff. Elle est remplacée au pied levé par Patricia Neal.

 

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