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MARTA TOREN



Marta Toren naît le 21 Mai 1925 à Stockholm comme ses compatriotes Greta Garbo, Ingrid Bergman et plus tard Ann Margret. Elle vient au monde dans une famille de la bourgeoisie aisée. En cela elle se distingue de Greta. A l'âge de quatre ans elle commencera son apprentissage de danseuse classique. A cet âge là ce n'est pas, du moins pas encore une vocation, mais c'est ce qui se fait dans son milieu. Une famille qui a tout pour être heureuse si ce n'est la grande soeur de Marta, Brita, qui décédera subitement de manière aussi soudaine qu'inexplicable pour les médecins de l'époque. Alors même qu'elle est jeune mariée et jeune maman d'un petit garçon.

Marta est d'un naturel timide, elle aimerait être actrice mais n'oserait jamais s'exprimer en public et s'obstine plutôt dans ses cours de danse classique qu'elle suivra avec acharnement. Paradoxalement, ces cours à la discipline intransigeante la débarrasseront d'une part de sa timidité et elle se sentira enfin assez audacieuse pour suivre les cours d'art dramatique. En ces lieux même qui virent passer Greta et Ingrid dont les portraits ornent fièrement et copieusement les murs. Marta aura d'ailleurs pour professeur madame Anna Norrie, illustre depuis qu'elle a formé Ingrid Bergman.


Tout ceci n'empêche pas la belle demoiselle aux yeux de jade de suivre ses très sérieuses études classiques et elle se retrouvera secrétaire au ministère de la guerre. La pauvre Marta tape sous la dictée des lettres du soir au matin. Son supérieur ne s'étant jamais habitué aux formules de politesse qui conviennent suivant les grades et les fonctions termine ses dictées d'un "Je vous laisse terminer comme il convient". Or, Marta non plus n'y a jamais rien compris. Plus tard elle dira "J'étais un excellent élément, j'ai plusieurs fois reçu de l'avancement mais dieu que j'en avais ma claque de cette maudite machine!"

Les parents de Marta sont d'un naturel relativement conciliant.  Ils sont d'accord avec toutes ses ambitions, ses caprices et leurs revirements. A l'académie des beaux arts de Stockholm, le règlement exige que les élèves aient subi trois années de cours avant d'oser se risquer sur scène. Marta Toren, comme Ingrid Bergman, n'en fit qu'une. Ses débuts ne révolutionnèrent pas l'art dramatique et l'on remarqua surtout les incroyables yeux bleus gris verts de la jeune fille qui s'étirent magnifiquement en amandes vers les tempes, un regard de féline exotique qui tranche curieusement avec son maintient de bon aloi, un peu comme si une panthère noire allait à la messe.



Le destin peut maintenant se mettre à jouer.

La RKO a en prévision un film avec Cary Grant qui se tournerait en décors naturels en Suède. Le studio a envoyé sur place le scénariste du film pour qu'il se documente. Mais l'arrivée de l'Américain agite tout Stockholm. On le prend pour un riche producteur, pour un patron de studio, pour un homme puissant. Le pauvre homme ne pipant pas un mot de suédois, tout le monde le fête, le congratule, l'invite de dîners en galas donnés en son illustre honneur. On veut lui être présenté, on veut lui présenter tel ou tel incontournable de la scène et des écrans nationaux dont...madame Anna Norrie. Laquelle n'en ayant strictement rien à cirer, lui présent à son tour Marta qu'elle avait sous la main.

Il n'est pas défendu d'envisager le recrutement de quelque beauté suédoise, Hollywood étant toujours bienveillant à l'égard de ces dernières. Le brave scénariste trouvant à la fois Marta magnifique et très embarrassé de cette situation atrocement fausse, fit passer un test à Marta.  Un essai bâclé avec un de ses collègues du ministère qui lui ânonna la réplique. L'essai fut néanmoins dûment envoyé à la RKO avec la "fiche signalétique" de la jeune femme. La décision fut longue à venir. Lorsqu'enfin ce fut "OUI", la RKO câblait par retour que finalement le film ne se ferait plus. Et que donc, finalement c'était non.

Mais Hollywood, c'est la ville des miracles. Rentré au pays, le scénariste fit le tour des studios avec la photo de Marta. Universal découvrant qu'il existait une suédoise aux yeux de chat du Bengale lui offrit un rutilant contrat de sept ans sans même savoir à quoi elle ressemblait "en vrai"! Ainsi s'envola Marta Toren pour Hollywood! Madame Norrie lui donna un ultime conseil: Pour parfaire son anglais dont elle avait une connaissance toute scolaire, elle incita Marta a chanter toute la journée des chansons américaines. Chaque langue disait elle a un rythme. Pas celui de la musique mais celui des mots.


Elle débarqua à Hollywood sans une pointe d'accent et ce qu'elle y vit l'estomaqua! Les apprenties vedettes se fichaient bien de cours d'art dramatique. Elles passaient leurs journées leurs photos sous le bras à faire le siège des agents et leurs nuits à se trémousser au Ciro's et au Mocambo en décolletés vertigineux, le but de la soirée étant de se faire photographier en compagnie d'hommes célèbres.



Actrice sous contrat, Marta a droit à un traitement différent. Le studio choisit l'homme célèbre qui l'escorte. Le studio choisit aussi la robe et son décolleté! Sa plus grande surprise fut qu'après avoir été photographiée dans un restaurant sélect avec un acteur de renom, le photographe déclara "OK, c'est bon pour moi" et qu'on lui reprit son assiette! L'homme étant Howard Duff, le lendemain Marta se retrouva en première page des gazettes pour avoir ravi Howard Duff à Ava Gardner!

Marta Toren tourna donc des films et s'arracha les cheveux entre chaque prise. Elle ne comprenait rien à ces histoires d'espionnage ou plus exactement, elle ne comprenait pas pourquoi elle recommençait toujours le même film. Lorsqu'elle posait des questions sur son personnage du style: D'où vient elle, quelle est son éducation, quelles sont ses motivations, aime elle réellement cet homme? On lui répondait: "Vas-y Baby, tu seras magnifique!"


Et elle l'était! Magnifique et perplexe! Elle qui avait peaufiné son anglais jusqu'à s'évanouir joua une françaises, une autrichienne, une juive, une italienne mais pas de suédoise!

Elle était tout aussi perplexe quant à ses interviews! Le studio lui avait carrément refilé une conduite avec les questions qu'on ne manquerait pas de lui poser et les réponses qu'il convenait de faire. C'est ainsi qu'elle ânonnait "Oh j'aimerais alterner, faire une pièce à Broadway puis un film à Hollywood! j'aimerais beaucoup avoir un pied à terre à New-York ce serait plus commode et puis j'aimerais bien acheter une maison dans le Connecticut pour les vacances!" Et à la journaliste plus avertie que les autres qui lui dit "Oh je vous comprends, c'est tellement joli le Connecticut!" Marta répondit du tac au tac: "Je n'en sais fichtre rien je n'y suis jamais allée je ne suis même pas certaine de savoir très exactement où c'est!"




Pour ne pas perdre la boule à Hollywood elle créa une troupe d'amateurs avec des techniciens  du studio. Elle les forma à l'art dramatique et mit en scène quelques spectacles avec eux qui connurent d'ailleurs un certain succès. Universal lui rappela que son contrat ne l'autorisait pas à faire de la mise en scène.

Un jour elle reçut un courrier de Paramount qui la convoquait pour un essai. Elle se présenta et leur lança: "Pourquoi dois je faire un essai? j'ai déjà tourné un film pour vous avec Humphrey Bogart et il a eu beaucoup de succès, vous savez donc qui je suis et ce que je sais faire ou pas. N'est-ce pas une perte de temps et d'argent?" Après un instant de perplexité, on convint que Marta avait raison, elle ne tourna pas d'essai. Marta Toren essayait de se rattacher à des chose concrètes pour ne pas sombrer dans le tourbillon de folie qu'était sa vie à Hollywood. Maintenant très riche, elle voulut adopter le petit garçon de sa soeur défunte mais cela lui fut refusé car elle était célibataire.

Qui de plus est, la presse la "fiançait" avec Jeff Chandler, Howard Duff (donc) et...Le mari d'Ingrid Bergman, le docteur Lindström, alors qu'Ingrid alors en pleine période Rossellini était sa plus grande et sincère amie. En Mai 1952, Marta est naturalisée citoyenne américaine, en Juin elle se marie avec le scénariste écrivain Léonardo Bercovici et, cerise sur le gâteau, il est question qu'elle succède à Garbo dans le rôle de "La Dame aux Camélias". Ophüls succédant à Cukor à la mise en scène. Pour corser l'ambiance, on lui invente une rivalité fatale avec la nouvelle suédoise qu'Hollywood a dégotée: Viveca Lindfors. Marta, déjà rodée aux mœurs hollywoodiennes laissa dire mais Viveca poussa des hurlements dont les murs du studio tremblèrent jusqu'à leur démolition!

le film avec Ophüls ne se fit pas plus que celui avec Cary Grant. Le mari de Marta commençait à avoir de sérieux problèmes, comme toutes les personnes bien nées, avec la commission d'activités anti américaines du tristement célèbre McCarthy. Le couple choisit de gagner l'Italie, Marta était enceinte, elle préférait avoir son bébé à Rome plutôt qu'à Hollywood. Elle eut, pour donner le jour à sa fille, la même chambre qu'Ingrid pour Isotta et Isabella.

Ingrid sera d'ailleurs la première à venir féliciter la jeune maman les bras chargés de fleurs.

La prochaine fois qu'elle lui en offrira, elles seront tressées en couronne.

Marta Toren va vivre à Rome deux années d'un intense bonheur, les deux dernières années de sa vie.

Elle a reçu deux prix couronnant ses performances au cinéma. Pour la Noël 1956 lui vient une offre inattendue: celle d'une pièce à Stockholm. Ingrid était avec elle et la prévint de ce qui risquait de l'attendre en Suède. Leurs compatriotes n'ont guère de tendresse pour les actrices qui ont réussi à Hollywood, et plus particulièrement si elles étaient inconnues en Suède avant la gloire américaine.

Marta accepta, pourtant.

Elle fit un triomphe. le dernier.

Le 19 Février 1957, elle sort de scène après une dizaine de rappels, les bras chargés de fleurs et s'écroule soudain inanimée devant la porte de sa loge. Emmenée inconsciente aux urgences, Marta Toren décède sans avoir repris connaissance, terrassée par une hémorragie cérébrale. Un type d'hémorragie décrit par son médecin comme "un éclair d'une violence inouïe dans un ciel bleu limpide"

Marta Toren fut inhumée à Stockholm. Parmi les fleurs qui arrivèrent de partout, y compris d'Hollywood, se trouvait une couronne de ses fleurs préférées avec ces mots: "Adieu ma chère petite Marta, ta plus fidèle amie Ingrid"

Celine Colassin



QUE VOIR?

1946: Eviga Lankar: Avec Annalisa Ericson

1948: Casbah: Avec Yvonne de Carlo, Tony Martin et Peter Lorre

1949: Illegal Entry Avec Howard Duff et George Brent

1949: Le Déporté: Avec Jeff Chandler


1950: Spy Hunt: Avec Howard Duff

1950: Le Déporté: Avec Jeff Chandler et Claude Dauphin

1950: One Way Street: Avec James Mason

1951: Sirocco: Avec Humphrey Bogart

1952: Assignment-Paris: Avec Dana Andrews

1952: The Man Who Watched Trains go by: Avec Claude Rains et Herbert Lom

1953: Puccini: Avec Gabriele Ferzetti , Myriam Bru et Nadia Gray

1954: L'Ombra: Avec Pierre Cressoy

1954: Maddalena: Avec Charles Vanel et Jacques Sernas

1954: Casa Ricordi: Avec Micheline Presle, Danièle Delorme et Marcello Mastroianni

1957: La Puerta Abierta: Avec Amedeo Nazzari

 

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