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MARTINE SARCEY


Si je mêle parfois mes souvenirs personnels aux articles que je consacre aux actrices, je ne fais jamais appel à mes références professionnelles. Je ferai ma seule exception pour ma chère Martine Sarcey. J’aurai été la dernière casteuse à lui proposer un rôle. Un rôle qu’elle avait adoré et accepté d’emblée. Celui de « Mamie Rose » dans la pièce écrite et mise en scène par Charlotte Dubreuil: « Sale temps, Lola »..


Charlotte Dubreuil, essentiellement femme de cinéma avait écrit et porté cette pièce magnifique. Lola, quittée par son mari, aussi stupéfiée qu’effondrée entend les commentaires et les avis de sa fille, de sa mère et de sa grand’mère Mamie Rose. Seule Mamie Rose est la voix de la sagesse et de l’amour. C’est aussi le rôle principal de la pièce. Mamie Rose devait avoir 80 ans. Or, à 80 ans les acteurs ne sont plus couverts par les assurances. C’est donc un gros risque pour le théâtre. Il fallait donc non seulement une octogénaire en grande forme, ou en tout cas une comédienne qui puisse jouer l’octogénaire et un nom pour ce rôle principal. Nous avons envisagé beaucoup de monde pour faire vivre mamie Rose. Françoise Fabian, Maria Pacôme, Claudia Cardinale, Annie Cordy, Line Renaud, Valérie Lagrange, Claire Maurier, Jeanne Moreau, Danielle Darrieux et même Marina Vlady qui adora le rôle mais déclina, craignant que sa mémoire trahisse ce rôle très lourd à porter.


Et puis soudain, la lumière fut. Martine Sarcey! Martine bien sûr, Martine évidemment. Charlotte l’a rencontrée. Martine a lu la pièce et l’a aimée. Ces trois là, Martine, Charlotte et la pièce se sont aimées tout de suite. Le soir de leur rencontre, Charlotte m’appelait pour me remercier. Dix minutes plus tard Martine m’appelait pour me remercier. J’ai assisté à deux lectures. A la fin de la première, la voix si particulière de Martine a empli le théâtre Antoine « Messieurs les professionnels qui êtes dans la salle, je vous connais, je vous vois! Je suis fatiguée, j’avais décidé de prendre ma retraite mais je veux faire cette pièce, ce sera ma dernière pièce, alors secouez vous! » Elle avait dit cela avec un ton naturel et une telle autorité que si j’avais été en période faste j’aurais signé un chèque d’emblée et produit toute l'affaire.

Ne doutant pas du triomphe prochain, j’étais tellement heureuse d’avoir porté ce rôle à Martine Sarcey. Elle l’aimait tant qu’elle avait ouvert son appartement aux répétitions qui se faisaient dans son salon. J’appelai Charlotte Dubreuil quelques semaines plus tard, un matin, sans obtenir de réponse. Elle m’a rappelée dans l’après-midi « Je n’avais pas mon portable avec moi, on a accompagné Martine au père Lachaise ce matin ». Et moi comme une gourde « Ah bon? Elle a perdu quelqu’un? » Le silence de Charlotte m’a largement répondu.

Et sans Martine il ne pouvait plus y avoir de mamie Rose. Que je sache, Charlotte a revendu les droits de sa pièce à Fréderic Dieffenthal qui souhaitait y voir Gwendolyne Hamon mais n’en a rien fait.


Marine Sarcey vient au monde le 28 septembre 1928 dans une famille d’intellectuels d’Auteuil. Son père André Rouchaud est dans les affaires. Sa mère Françoise Brisson est corédactrice en chef d’un grand quotidien: Le Journal.

Françoise a un frère, Pierre Brisson. Lequel a épousé en 1917 la comédienne Yolande Laffon.


C’est comme s amère, par la voie littéraire que Martine commencera à s’exprimer artistiquement. L’occupation a surpris monsieur Rouchaud aux USA où il était pour ses affaires. Martine reste seule en France avec sa mère Françoise qui en digne journaliste n’entend pas se taire face à l’occupant et moins encore collaborer à sa presse de propagande. Sa fille sous le bras, elle passe en zone libre continuer son travail de journaliste intègre. Martine a 11 ans fraîchement sonnés à l’heure de l’exode. Pour se désennuyer ou pour faire comme maman, elle a l’idée d’écrire leurs aventures pour les envoyer à son père en Amérique. Lorsqu’enfin elle peut envoyer son ouvrage, elle a écrit tout un livre pour son papa. Un joli livre qui fera un beau voyage car parti pour l’Amérique, il reviendra en France publié sous le titre de « Time of our Lives ». En France c’est chez Gallimard que le livre de Martine sera publié sous le titre de « Journal d’une petite fille ».

Friande des beaux-arts et surtout des « arts parlés », Martine a la voix déjà exceptionnelle que nous avons tous gravée dans les oreilles et le cœur et fait beaucoup de radio. C’est là qu’elle rencontrera Maurice Cazeneuve qu’elle épousera en Janvier 1950. Elle a 21 ans.

Le couple aura un fils, Fabrice Cazeneuve, né le 19 juin 1952 et qui deviendra comme son père un homme de télévision.


Quant à Martine, si elle sera l’une des reines incontestées du petit écran et du doublage. C’est à Louis Jouvet qu’elle doit sa prestigieuse carrière théâtrale. Rentré d’Amérique du sud après la libération de Paris, c’est lui qui conseille à la jeune vedette radiophonique de faire du théâtre après que son amie Yolande Laffon lui ait présenté sa jeune nièce par alliance. Après avoir suivi quelques causeries de l’illustre, c’est lui qui lui fera intégrer en élève libre la classe de la très prestigieuse Beatrix Dussane de la comédie française.


En 1949 elle débute sous la direction de son futur mari Maurice Cazeneuve dans « Jeanne et ses juges ». Un spectacle qui se donne sur le parvis de la Cathédrale de Rouen.

Madame Cazeneuve devenue comédienne de théâtre, il ne maque plus à Marine que la consécration du cinéma. Elle put croire son heure venue lorsqu’André Hunebelle la sollicite pour « Nez de Cuir » avec Jean Marais. Un coup pour rien, Martine se retrouve dans la figuration.


C’est sa tante Yolande, encore elle, qui la présentera à Jean-Paul Lechanois pour un rôle, un vrai, cette fois, dans « Agence Matrimoniale ». Ses débuts au cinéma sont un peu laborieux. Elle est de ces brunes qui font les plus belles blondes. En attendant de changer de crinière elle patauge dans quelques comédies franchouillardes où rien ne mérite d’être épinglé au palmarès de la jeune comédienne. Soit que les films ne méritent qu’un silence oublieux et poli soit qu’elle n’eut pas grand chose à faire sur des projets plus ambitieux.


On peut s’étonner qu’une comédienne déjà prestigieuse à la carrière théâtrale exceptionnelle végète dans une carrière filmée sans intérêt durant…15 ans! Alors certes, le cinéma n’est pas la vocation première de Martine mais quand même. Celle qui est devenue la voix française d’Audrey Hepburn, Julie Andrews et Natalie Wood avant d’être celle de « Ma sorcière bien-aimée » se retrouve à l’écran dans « Fifi la plume » ou un Maciste tourné en Italie. Si en 1965 elle est enfin remarquée dans un rôle important c’est dans un film de série B destiné à mettre en valeur le désopilant talent comique de…Jean Richard dans « Le Caïd de Champignol ».


Il faut attendre 1967 et la vigilance de Louis Malle qui fait d’elle une des partenaires de Jean-Paul Belmondo dans « Le Voleur » pour enfin dorer quelque peu son blason d’actrice de cinéma. Mais le rendez-vous d’amour entre Martine Sarcey et le grand écran restera un rendez-vous manqué. En 17 ans, elle était devenue une reine du théâtre, une star de la télévision et une incontournable du doublage. Finalement, cette comédienne exceptionnelle, d’une qualité rare et d’une polyvalence absolue ne laissera à la postérité du septième art qu’une poignée de bons films dont ceux tournés avec son ami et complice Yves Robert.

Est-ce à dire que Martine Sarcey a démérité?

Non pas.

Il conviendrait plutôt de dire que c’est le cinéma qui a démérité vis à vis de Martine Sarcey. Elle-même dans les années 70 posait un regard assez lucide sur sa carrière. « Oui, j’aimerais faire plus de cinéma mais c’est de ma faute si ça ne se fait pas. Je suis accaparée par le théâtre et j’ai loupé de très belles opportunités. Et puis mon physique est un peu démodé. Bien sûr il y a pas mal de filles encore plus tartes que moi qui tournent et même beaucoup. J’ai le physique d’une mère courage des années 1900. Je suis en costume neuf fois sur dix! Ca me va bien et ça ne me déplaît pas mais quand on tourne en costume une série comme « La porteuse de pain » ça veut dire qu’on se lève à cinq heures parce qu’il y aura au moins deux heures de coiffure, de maquillage, d’essayages, qu’on tournera en costume toute la journée et qu’on ne sera pas chez soi avant huit heures du soir! Mais au moins je tourne, je ne me plains pas. Même si avec mon physique personne ne me propose de rôles de comédie. Moi qui rêve de faire le clown! »


Martine Sarcey aura quitté Maurice Cazeneuve pour Michel de Ré qui restera son compagnon de vie jusqu’à son décès en 1979. Elle avait failli le perdre dix ans plus tôt, lorsque comme tous les couples de français sans histoire ils avaient pris la route des vacances en voiture. Martine sortira indemne de l’accident mais Michel de Ré est gravement blessé avec la cage thoracique enfoncée par le volant de la voiture.


Elle même nous quittait, emportée par une crise cardiaque foudroyante le 11 juin 2010 dans son domicile parisien. Elle n’aura jamais joué Mamie Rose.

Celine Colassin

QUE VOIR?

1952: Nez de Cuir: Avec Françoise Christophe et Jean Marais

1952: Agence matrimoniale: Avec Yolande Laffon et Bernard Blier

1954: Les intrigantes: Avec Jeanne Moreau, Raymond Rouleau et Renée Passeur


1961: Maciste alla corte del Gran Khan: Avec Gordon Scott et Yoko Tani

1963: Méfiez-vous, mesdames! : Avec Danielle Darrieux, Michèle Morgan, Sandra Milo et Paul Meurisse

1965: Fifi la plume: Avec Mireille Négre et Philippe Avron

1965: Le Caïd de Champignol: Avec Jean Richard et Michel Serrault

1967: Le Voleur: Avec Jean-Paul Belmondo

1969: Clérambard: Avec Dany Carrel et Philippe Noiret


1971: Rendez-vous à Bray: Avec Anna Karina et Mathieu Carrière

1971: L’homme au cerveau greffé: Avec Mathieu Carrière, Jean-Pierre Aumont et Nicoletta Machiavelli

1974: Un linceul n’a pas de poches: Avec Michel Constantin et Michel Galabru

1974: Les murs ont des oreilles: Avec Louis Velle

1976: Un éléphant ça trompe énormément : Avec Jean Rochefort

1976: À nous les petites Anglaises!: Avec Remi Laurent

1977: La vie parisienne: Avec Evelyne Buyle et Dany Saval

1977: Un moment d’égarement: Avec Jean-Pierre Marielle et Victor Lanoux

1978: Trocadéro bleu citron: Avec Anny Duperey

1978: L’hôtel de la plage: Avec Bruno Guillain


1980: Certaines nouvelles: Avec Micheline Presle et Bernadette Lafont

1984: En l’absence du peintre: Avec Michèle Simonnet

1985: P.R.O.F.S.: Avec Patrick Bruel et Fabrice Lucchini

1986: États d’âme: Avec Zabou, Robin Renucci et François Cluzet

1988: La maison assassinée: Avec Anne Brochet et Patrick Bruel


1994: Dernier stade: Avec Anne Richard et Philippe Volter

1995: Jefferson in Paris: Avec Greta Scacchi, Gwyneth Paltrow et Nick Nolte

1999: La maladie de Sachs: Avec Albert Dupontel


2004: L’équipier: Avec Sandrine Bonnaire

2009: Humeurs et rumeurs: de et avec Paul Vecchiali

 

 
 
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