RITA GAM
- Céline Colassin
- 27 avr.
- 7 min de lecture

La carrière et somme toute le destin de Rita Gam sont bien étranges et probablement uniques en leur genre. Le parcours de l’actrice semble être constellé de rendez-vous manqués, parfois d’un cheveu, la laissant toujours en marge d’une notoriété frôlée.
Rita Gam vient au monde le 2 Avril 1927 à Pittsburgh sous le patronyme de Rita MacKey. La famille de Rita est d’origine judéo roumaine. Elle choisira comme pseudonyme le nom de son beau père Benjamin Gam. Rita grandit à New-York et comme bien des jeunes filles de la « Big Apple » elle rêve d’être actrice. Elle fera ses premiers pas à Broadway en 1946 avant que sa beauté ne la fasse repérer et qu’elle soit littéralement annexée par la télévision. Elle a 20 ans lorsque le public américain la découvre, médusé par sa beauté sur son petit écran.
En 1949, Rita épouse l’élu de son coeur. Un jeune juif polonais acteur de théâtre yiddish et réalisateur de télévision. Elle est loin d’imaginer qu’en devenant madame Sidney Lumet, elle devient l’épouse d’un des très grands futurs réalisateurs d’Hollywood. Celui qui sera un jour considéré à l’égal des plus grands maîtres et comme un des cinéastes essentiels de sa génération. En 1949, l’un comme l’autre sont bien loin d’imaginer un tel avenir.
Rita Gam est une actrice de télévision il est vrai très sollicitée car on la compare, suivant les semaines et les magazines, à Hedy Lamarr ou à Ava Gardner. Comment dans ces conditions la MGM ne se montrerait-elle pas intéressée? Nous sommes en 1952 lorsque la MGM propose un « test » à Rita Gam.

Hedy Lamarr il faut bien l’admettre ne fut jamais un investissement rentable quant à Avec Gardner, devenue madame Sinatra elle est par la même occasion devenue une actrice intraitable, rejetant tous les rôles et passant son temps à être « suspendue » par le studio.
Si cette Rita Gam pouvait d’un seul coup remplacer les deux, quelle aubaine ce serait! Le test s’étant révélé semble-il concluant, Rita fut parachutée dans le rôle de la méchante dans « Le Voleur » face à Ray Milland. Un rôle qui aura la particularité de ne pas avoir une seule ligne de texte. La MGM mit les petits plats d’or dans les grands d’argent pour lancer Rita Comme la nouvelle Ava Lamarr ou Edy Gardner, comme on veut. La presse s’ébaubissait sur la « nouvelle venue » « Rita Gam rechignait à quitter New-York et son jeune mari mais l’offre que lui a faite la MGM est tout simplement irrésistible, c’est pour tout dire du jamais vu! » lit-on sous la plume des commères.
Le studio enchanté de son travail silencieux sur « Le Voleur » lui signa un contrat longue durée. Rita fait la couverture le LIFE magazine et préside, en tant que beauté sensationnelle le concours de « Miss America ».

Malheureusement ce début de carrière on ne peut plus prometteur est entaché par de fréquentes disputes entre Rita et Sidney bloqué à New-York par son travail à la télévision. Sans doute la séparation aurait-elle été moins houleuse si la presse hollywoodienne, ignorant tout de Sidney Lumet n’en parlait pas comme d’un « vague vidéaste abandonné quelque part à New-York ». Exactement comme si Rita Gam avait laissé son caniche abricot aux bons soins de sa concierge. On ne consentait même pas à la gratifier du titre de cinéaste car chacun sait que la télévision, n’est-ce pas…
Finalement Rita obtiendra de la MGM de vivre à New-York entre ses tournages. Le studio avait consenti mais quand même, ces actrices faisant passer leur petit ménage avant leur carrière on en avait soupé. Ava Gardner était toujours suspendue et Hedy Lamarr entre deux millionnaires refusait tous les rôles à moins d’un milliard de dollars. On envoya donc Rita Gam passer les réveillons au Maroc où se tournerait son prochain film. Ca lui apprendrait de vouloir quitter Hollywood entre deux tournages.
Elle y était encore quatre mois plus tard et la presse se régalait de « l’affaire du sultan de Zanzibar »! Celui-ci absolument fou de Rita Gam avait fait entièrement recouvrir l’intérieur de son jet privé en argent ciselé et les sièges en cuir de Cordoue pour la modique somme d’un demi million de dollars afin que la divine Rita daigne s’y asseoir pour aller visiter le palais du monsieur. A New-York, Sidney Lumet écumait, il ne pouvait plus croiser qui que ce soit sans qu’on ne lui demande « Alors? Des nouvelles de Zanzibar? »

Son film enfin terminé, Rit fut flanquée sans ménagement sur le plateau d’un film que Gloria Grahame venait d’abandonner. Ensuite on l’expédia sur une fanfaronnade de Jerry Lewis et Dean Martin. C’en fut trop. Rita refusa tout net et telle Ava Gardner préféra se faire suspendre que d’obéir. Pour le studio c’est le cauchemar qui recommençait.
La MGM eut la désagréable impression de vois se jouer deux fois le même film à ses dépens.
La suite se complique un peu.
Rita fut envoyée , en signe de représailles sans doute, tourner en Allemagne. Ensuite enfin elle put regagner New-York…En 1954!
Mais alors qu’elle clamait qu’elle n’en pouvait plus d’attendre pour retrouver son Sidney adoré, enfin rentrée à New-York, elle s’installe dans un petit hôtel plutôt mal famé en compagnie de sa nouvelle et inséparable amie Grace Kelly.
« L’hôtel était essentiellement occupé par des filles vivant de leurs charmes, on les croisait le matin à six heures. Elles nous voyaient partir en métro alors qu’elles descendaient de leur nouvelle Cadillac, couvertes de diamants et de vison. Elles nous regardaient avec l’ air de pitié que l’on a quand on regarde des simples d’esprit. D’ailleurs elles étaient persuadées que nous étions deux idiotes! »
Les choses restent compliquées entre Rita Gam et Hollywood. Alors qu’elle est annoncée pour « Les Dix Commandements », elle apprend par voie de presse qu’Yvonne de Carlo tient son rôle dans le film que Cecil B. DeMille a déjà commencé. Pour toute explication, MGM la renvoie en Allemagne y tourner un autre film.

Sidney Lumet finit par céder, n’y tenant plus il prit l’initiative du divorce en 1955. C’est sans doute le plus grand rendez-vous manqué entre Rita Gam et l’histoire du film.
Depuis le temps que tout le monde à Hollywood lisait le nom de Sidney Lumet dans la presse sans savoir qui c’était, un dirigeant de la Columbia eut l’idée de s’intéresser à son travail à la télévision. Ce qu’il vit fut convaincant puisque Sidney fut engagé pour diriger Kim Novak, Frank Sinatra et Eleanor Parker dans « L’Homme au Bras d’Or » Lumet signa son contrat la même semaine que les papiers entérinant définitivement son divorce d’avec Rita Gam.
Son premier film sera un véritable triomphe et une des plus sensationnelles carrières du siècle pouvait commencer. Il ne dirigera jamais Rita Gam. L’année suivante, Sidney Lumet épousait la richissime Gloria Vanderbilt alors même que Rita espérait, confiait-elle à Louella Parson, un retour d’affection de celui qui restait l’homme de sa vie.
Rita reconnut que la nouvelle l’avait terriblement ébranlée alors que toute la presse la « fiançait » à Joe Di Maggio. Réponse de Rita « Oh j’adorerais me fiancer à Joe di Maggio, mais d’abord j’aimerais le rencontrer! » Comme de bien entendu on lui attribuera quelques romances dont la plus « sensationnelle » fut peut-être un certain Tyrone Power.

Le 23 mars 1956, Rita Gam épousait un magnat de la presse, Harol K. Guinzburg. Une année fertile en mariages car Marilyn Monroe épousait Arthur Miller au grand dam de Joe di Maggio et Grace Kelly épousait le prince Rainier de Monaco au grand dam de la MGM!
Rita ne quitta pas son amie Grace d’une semelle et elles firent ensemble la traversé vers Monaco sur le SS Constitution. Grace n’avait-elle pas été son témoin lors de son mariage? Il était logique que Rita Gam soit le témoin de Grace. Rita Gam va louper ce rendez-vous avec l’histoire people cette fois.
La MGM lui impose d’assister à la première de son dernier film à Londres. Rita assistera à la cérémonie monégasque en demoiselle d’honneur et se précipitera à l’aéroport dès que le « Oui » solennel sera prononcé!
Un an plus tard, le couple Guinzburg annonce la naissance de leur fille Kate. Comme cadeau de naissance, son mari lui demande de cesser de fumer comme un dragon ce qui lui sera impossible. L’année suivante, c’est leur fils Michael qui vient au monde et sa ravissante maman, remise des émotions de sa seconde maternité remonte enfin sur les planches de Broadway.

Elle fait alors un amer constat. C’est là qu’elle se plaît c’est là qu’elle veut être, c’est là qu’elle était avant de partir sottement faire de la télévision et du cinéma, sidérée elle-même d’avoir été une « glamour girl » made in MGM!
Dorénavant, Rita Gam sera plus pointilleuse sur ce qu’on lui donne à interpréter. Du coup la MGM, alors qu’elle souffre d’épuisement après son triomphe de Broadway l’expédie en Espagne tourner « Le Roi des Rois ». De là elle partira pour une longue tournée à travers l’Amérique du sud. Comme son premier mari, le second se lasse et lorsqu’elle rentre enfin à New-York en 1962 alors qu’elle est partie depuis deux ans, il s’est installé à l’hôtel!
Une nouvelle déconvenue, l’Ours d’or qui récompense sa performance dans « No Exit » la console à peine de sa dérive matrimoniale même si, comme de bien entendu, la presse l’a « fiancée » avec pas mal de messieurs de passage! « Quant vous êtes une actrice de cinéma, il vous suffit de faire signe à un chauffeur de taxi pour que toute la presse annonce que vous allez l’épouser »! Le temps passant, cette manie de fiancer les actrices à tout crin finira par s’estomper. Rita finira par pouvoir tourner les films qu’elle aime et choisir ses rôles au théâtre sans souci du « Glamour hollywoodien ».
En 1972 elle publiera son autobiographie ironiquement intitulée « Une Belle Femme » puisque malgré ses triomphes sur scène et son prestigieux ours d’or berlinois, c’est tout ce qu’Hollywood avait daigné voir en elle.

Elle restera toujours une amie aussi fidèle que proche de la princesse Grace ce Monaco, séjournant parfois plusieurs mois au palais princier et Grace s’installant volontiers chez elle quand elle venait faire son « shopping new-yorkais ».
Le 22 mars 2016. Rita Gam s’est éteinte à Los Angeles, neuf jours avant d’avoir 89 ans. La presse s’émut au souvenir de sa beauté mais aussi, et sans doute en aurait-elle été la première stupéfaite, de son talent d’actrice. Rita Gam avait tourné son baroud d’honneur en 1997 en commentant un documentaire sur…Monaco!
Celine Colassin

QUE VOIR?
1952: The Thief: Avec Ray Milland
1953: Saadia: Avec Mel Ferrer et Cornel Wilde
1954: Night People: Avec Gregory Peck et Broderick Crawford
1954:Sign of the Pagan: Avec Ludmilla Tcherina, Jeff Chandler et Jack Palance
1956: Mohawk: Avec Scott Brady
1958: Sierra Baron: Avec Brian Keith
1959: Costa Azzurra: Avec Alberto Sordi
1961: King of Kings: Avec Jeffrey Hunter
1962: No Exit: Avec Viveca Lindfors
1971: Klute: Avec Jane Fonda et Donald Sutherland
1987: Distortions: Avec Olivia Hussey et Piper Laurie
1996: Rowing Through: Avec Leslie Hope et Colin Ferguson