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SUSANNAH YORK



Pour tout cinéphile entiché de cinéma anglais, le nom de Susannah York est au moins aussi prestigieux que ceux de Glenda Jackson, Vanessa Redgrave ou Judi Dench. Mais qu'en est-il aux yeux du grand public? Celui qui vide ou remplit les salles, fait et défait les carrières? Susannah York fût-elle à ses yeux une star de première grandeur telles Elizabeth Taylor ou Marilyn Monroe? Je crains hélas que non, sans vouloir ici porter de jugement.  

La performance d'actrice la plus admirée , la plus reconnue, la plus fêtée de Susannah York, celle qui lui valut une pluie de récompenses, ne l'a elle pas donnée dans un second rôle?

Dans un film où Jane Fonda était la vedette? Et n'allait elle pas enchaîner, toujours aussi magnifique, face à Michael Caine mais dans l'ombre, encore, cette fois d'Elizabeth Taylor pour "X, Y and Zee"?


 Miss Susannah Yolande Fletcher naît à Chelsea le  9 Janvier 1939. Elle est une des rares actrices à être née la cuillère d'argent à la bouche, une cuillère d'argent massif!

Ses parents se sont mariés en 1935 et ont déjà une première petite fille à la naissance de Susannah. Son père Simon n'a encore que 29 ans à l'heure de sa naissance. Par contre, il est déjà banquier. C'est presque un loisir, il pourrait tout à fait se passer de travailler. Il est l'héritier d'une famille de magnat des aciéries, un commerce en or à l'aube d'une guerre.

Sa mère Joan descend pour sa part d'une longue lignée de diplomates.


En pleine tourmente guerrière, les Fletcher vont divorcer. Simon se remariera à Pauline de Bearnez de Morton de La Chapelle avec qui il aura un fils, ce qui donnera un demi frère à Susannah: Eugène Xavier Charles William Peel Fletcher!

Sa mère, de son côté, se remarie très vite avec le richissime monsieur Adam Hamilton qui trouve à la fois plus commode et prudent de s'installer dans son domaine du Sussex plutôt que de rester à Londres sous les bombes. Cet éloignement champêtre va donner à la future Susannah York un goût presque avide pour la nature, les animaux et la liberté. Très vite la jeune demoiselle se découvrira une véritable passion pour les chevaux. Elle n'aime d'ailleurs rien tant que lorsque le soleil se couche, monter son cheval préféré à cru et complètement nue pour galoper dans la mer. Consciente de ce que l'attitude pouvait avoir de scandalisant, Susannah avait réussi à garder son "petit secret" pour elle.  Mais lorsqu'à 13 ans il faudra intégrer un très sérieux et très sélect collège, Susannah ne trouvera rien de plus naturel que de se baigner nue la nuit dans la piscine de l'établissement. Les piscines de collèges, même les mieux tenus sont malgré tout plus fréquentées, même de nuit que les plages désertes du Sussex, Susannah sera renvoyée séance tenante!



Malgré le "Scandal in the Family", la jeune fille, transférée dans un établissement mieux gardé et sans piscine n'est pas bouleversée outre mesure. Depuis qu'elle a joué à 9 ans une des méchantes sœurs de Cendrillon dans une pièce au collège, elle sait qu'elle veut être comédienne et le pensum des études lui semble bien secondaire. Elle se destine à la Royale Dramatic School of Arts! Un point c'est tout!

La chose sera acceptée, on n'est pas dans un milieu où on s'inquiète d'avoir une fille "sans métier pour gagner son pain plus tard". La brioche de Susannah est assurée. Quant à sa vocation elle va être grandement aidée par le nouveau divorce de sa mère qui lassée des vents marins regagne Londres. Susannah y remporte le célèbre concours Ronson des élèves les plus prometteurs de l'année.

En 1958, Susannah est une comédienne diplômée.

En 1960 elle se marie au producteur Michael York Wells

Et ses débuts sous son patronyme de femme mariée vont prendre des allures de lancement du fusée.



Après avoir fait ses premières armes en donnant la réplique à quelques monuments nationaux  du théâtre anglais, elle obtient son premier grand rôle en 1961 dans "Un Si Bel été" de Lewis Gilbert qui se souviendra d'elle comme d'une jeune fille absolument merveilleuse qui a fait de sa seule présence, le tournage le plus heureux qu'il ait connu. La critique ne sera pas en reste puisque l'on parlera de "Son doux visage où elle laisse couler comme des larmes toutes les émotions de l'âme".

Le moment privilégié aurait pu être plus prestigieux encore si Cary Grant n'avait pas renoncé à son rôle au profit de Kenneth Moore!

Reste que Susannah fait ses armes face à l'illustrissime Danielle Darrieux!

Elle n'avait que 21 ans et personne ne doutait alors un seul instant qu'une nouvelle étoile du cinéma British était née. N'allait elle pas, dès l'année suivante donner la réplique à un Montgomery Clift déjà crépusculaire dans un film de John Huston?

Susannah York va cumuler durant toute une décennie une saisissante collection de films très prestigieux et qui connaîtront souvent les faveurs du public comme des critiques. Leur liste aujourd'hui encore a de quoi faire pâlir n'importe quelle aspirante comédienne, voire même quelques actrices chevronnées qui n'ont guère à leur palmarès des films équivalents à "Freud, Passions Secrètes", "On Achève Bien les Chevaux", "Il Faut Tuer Sister George", "Tom Jones" et j'en passe. Mais pour Susannah York il n'y aura dans ce prestigieux florilège aucun "détonateur de gloire"

Elle verra exploser Julie Christie, Claudia Cardinale, Lynn Redgrave, Virna Lisi, Charlotte Rampling, Ali MacGraw, Patty Duke, Barbara Streisand, Sharon Tate, Liza Minnelli, Jacqueline Bisset, Lee Remick, Faye Dunaway, Ursula Andress, Raquel Welch, Catherine Deneuve, Jane Fonda, Jean Seberg et tant d'autres sous son nez et dans des films souvent médiocres comparés aux siens.



Susanna, malgré sa joliesse, sa blondeur et ses grands yeux pâles reste une actrice. Elle ne devient pas une "star". Sans doute cette étrange affection pour les perruques les plus absurdes possibles a-t-elle écorné son image de séductrice ou même d'actrice sérieuse?

Il n'y a guère que sur la tête de la vétérane Mae West ou chez Jayne Mansfield qu'on ait pu voir de telles étrangetés.

En 1969 elle tourne donc "On Achève Bien les Chevaux", un second rôle dans l'ombre de Jane Fonda. Un rôle qui restera l'emblème de sa carrière, un second rôle et de son propre aveu celui qui lui correspondait le moins sous une perruque platinée pourtant moins tarte que les autres. Couronnée à Londres puis à Cannes, elle se vexe que l'académie des Oscar l'ait nommée "sans lui demander son avis" Elle assiste quand même à la cérémonie où elle est évincée par Goldie Hawn, couronnée dès son premier film "Fleur de Cactus" et qui devient une superstar incontournable alors que Susannah est une actrice très présente depuis maintenant dix ans.

Se peut-il que son éducation très privilégiée l'ait privée du côté "mordant" qu'affichent les autre stars de l'époque avides de réussite comme Raquel Welch ou Marilyn Monroe avant elle?

Susannah York ne s'imagine guère, il est vrai, quand écrit un scénario dans la fange ou dans un hôtel de passe. Elle a une élégance distinguée mais sans ostentation qui fait qu'elle a toujours l'air d'être habillée en beige. Elle est une sorte de néo Grace Kelly privé de spectaculaire.

Qu'elle ne soit pas une inconditionnelle de son rôle dans "On Achève Bien les Chevaux" est assez symptomatique de sa carrière puisqu'il s'agissait d'une pauvre cambrousarde dépourvue de talent et fascinée par Jean Harlow au comble de sa sophistication. Susannah se montre en vamp platinée moulée de satin blanc et rutilante de strass. Et Susanna n'aime pas ca.

D'ailleurs elle se vexe lorsqu'en 1966 des photos d'elle dévêtue paraissent dans la presse et l'histoire vaut d'ailleurs d'être contée.



Sur le tournage de" La Septième Aube", elle est supposée se baigner nue sous le nez de William Holden. Evidemment, son contrat stipulant fermement que miss York ne tourne pas nue, une doublure est engagée. Mais le jour du tournage, prise d'angoisse, la doublure en question pleure à gros sanglots, regrettant amèrement d'avoir accepté d'offrir sa nudité aux convoitises cinématographiques.

Bonne fille, Susanna accepte de doubler sa doublure ce qui est à ma connaissance un cas presque unique dans l'histoire du film.

Je dis "presque" parce que dans "La lumière d'en face", la jeune Brigitte Bardot supposée se baigner nue elle aussi, mais dans une flaque, double sa doublure car "elle avait le cul trop bas, on aurait cru que c'était le mien"

Evidemment, les photos se retrouveront dans la presse et provoqueront l'ire de la délicate naïade anglaise. L'étonnement fut grand, on savait que depuis son jeune âge, Susanna, justement, prônait les délices de la nudité au grand air.

Réponse scandalisée: " Oui! j'adore me baigner nue dans les rivières de France et me laisser sécher au soleil allongée dans l'herbe! Mais c'est pour mon plaisir pas pour celui des voyeurs lubriques!"



Au début des années 70, Susanna ralentit un peu la cadence, le temps, enfin, de devenir maman. Le couple York aura deux enfants: Leur fille Sasha et leur fils Orlando puis les York divorceront en 1976. Elle reste malgré tout, durant cette décennie une très grande vedette internationale, elle donne la réplique à quelques grands noms comme Marlon Brando, Roger Moore ou Charlton Heston Elle se montre dans quelques curiosités aussi étranges qu'intéressantes comme "Long Shot" où on trouve Wim Wenders et Stephen Frears acteurs.  Elle termine la décennie en devenant la maman de Superman dans les deux premiers opus de la série.

Notons pour souligner encore l'éclectisme professionnel de la dame, qu'elle était sur scène à Paris. Elle jouait en français face à Sami Frey au petit théâtre d'Orsay. Puis, la dernière représentation terminée elle partait jouer la mère de Superman face à Marlon Brando!

C'est peut-être là, hélas, son dernier exploit notable bien que son rôle soit court.

Les années 80 ne seront pas aussi fastes. Mais pour qui le seront-elles à part pour Madonna ou Kelly MacGillis?

Susannah se retourne de plus en plus vers la télévision, art qu'elle pratiquait avec plus ou moins de persévérance depuis ses débuts quitte à se retrouver dans "La Croisière s'amuse". Mais surtout, elle revient vers ses premières amours à savoir Londres et son théâtre.

Elle défendra dorénavant au cinéma des films sans doute moins prestigieux mais dont les projets lui plaisent, quitte à transiter par le cinéma suédois ou italien. Une carrière ou somme toute les fausses notes font exception.

Une carrière de prestige qui durerait probablement encore si un implacable cancer de la moelle osseuse n'y avait mis fin le 15 Janvier 2011

Susannah avait fêté ses 72 ans deux jours plus tôt.

Et s'il fallait un mot de la fin ou même un titre à l'article que je consacre à Susannah York, se serait probablement: "Juste quelqu'un de bien!"

Celine Colassin



QUE VOIR?

1960: Tunes of Glory: Avec Alec Guinness et John Mills

1960: There Was a Crooked Man: Avec Norman Wisdom

1961: The Greengage Summer: Avec Danielle Darrieux et Kenneth More

1962: Freud: Avec Montgomery Clift et Larry Parks

1963: Tom Jones: Avec Albert Finney et Rachel Kempson

1964: La Septième Aube: Avec Capucine et William Holden

1965: Sands of the Kalahari: Avec Stuart Whitman et Stanley Baker

1966: A Man for All Seasons: Avec Wendy Hiller, Paul Scofield et Orson Welles

1968: Sebastian: Avec Lilli Palmer et Dirk Bogarde

1968: The Killing of Sister George: Avec Beryl Reid et Coral Browne

1969: On Achève Bien les Chevaux: Avec Jane Fonda et Michael Sarrazin

1969: Battle of Britain: Avec Michael Caine

1969: Oh! What a Lovely War: Avec Colin Farrell

1971: Happy Birthday, Sandra June: Avec Rod Steiger

1972: X, Y and Zee: Avec Elizabeth Taylor et  Michael Caine

1974: Gold: Avec Roger Moore et Ray Milland

1975: The Lucky touch: Avec Roger Moore, Sydne Rome et Shelley Winters

1975: The Maids: Avec Glenda Jackson

1976: Sky Riders: Avec James Coburn et Charles Aznavour

1978: The Shout: Avec Alan Bates

1978: Long Shot: Avec Anne Zelda, Neville Smith et Wim Wenders

1978: The Silent Partner: Avec Eliott Gould

1978: Superman: Avec Christopher Reeves

1980: Superman II: Avec Christopher Reeves

1980: Falling in Love Again: Avec Eliott Gould et Michèle Pfeiffer

1980: The Awakening: Avec Charlton Heston

1981: Late Flowering Love: Avec Beryl Reid

1981: Loophole: Avec Martin Sheen et Albert Finney

1987: Prettykill: Avec Season Hubley

1989: En håndfull tid: Avec Espen Skjonberg

1989: Melancholia: Avec Jeroen Krabbé

1993: Piccolo Grande Amore: Avec Barbara Snellenburg

2002: The Book of Eve: Avec Claire Bloom et Daniel Lavoie

2006: The Gigolos: Avec Sacha Tarter

2009: The Calling: Avec Brenda Blethyn

 

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