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VIOLA DANA


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Avant de devenir Viola Dana, elle s’appelait Virginia Flugrath, petite brunette née le 26 juin 1897 dans une famille de musiciens new-yorkais. Et déjà deux sœurs tout aussi douées que papa, maman et… qu’elle.

L’une deviendra scénariste, l’autre actrice sous le pseudonyme de Shirley Mason ; trois jeunes femmes pour qui la scène n’est pas un rêve mais un air de famille.


Viola — utilisons d’emblée ce prénom épouvantable à nos oreilles et cher à celles de Shakespeare — est celle qui brille le plus vite. On l’envoie jouer sur scène, à Broadway s’il vous plaît, bien avant qu’elle sache écrire son nom. Elle a trois ans.


Trois ans et la grâce précise des petites américaines appliquées : un mélange de sérieux et de vivacité qui plaira bien vite aux producteurs du muet. Trois ans et la chance d’être furieusement à la mode. C’est la grande époque des enfants stars dont on se repaît des malheurs et des déboires. Mary Pickford restera le symbole du genre, Shirley Temple en sera le dernier exemplaire, et Mae West elle-même n’a pas commencé autrement qu’en “Baby Mae”.

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Le cinéma est né, il fait fureur et se tourne à New-York, dans des verrières sur les toits des immeubles. On cuit l’été, on congèle l’hiver, on tourne les manivelles des caméras en bois. Hollywood n’existe pas encore. Viola est déjà une vedette quand elle surgit sur les écrans. Pour les New-Yorkais, elle est “The Poor Little Rich Girl”, le rôle qui l’a portée au triomphe. Elle tourne son premier film en décors naturels à l’hippodrome de Manhattan et, puisqu’elle réclame une loge, on lui attribue un box.

Elle a quinze ans à peine. Elle n’est pas une beauté classique — trop menue, trop vive — mais elle a un de ces visages qui prennent la lumière comme une magie. On lui confie des rôles d’ingénues déterminées, des jeunes filles qui sourient mais qui n’ont pas froid aux yeux. Des affranchies, des délurées, pas encore des flappers — ça n’existe pas encore non plus.


Le public l’adopte immédiatement à l’écran ; il l’aimait déjà sur scène.


Viola Dana devient l’un des visages les plus connus du muet. Elle tourne sans cesse, presque sans respirer, avalée par la machine des studios. Elle est la money maker numéro un de la firme Edison, sa reine. Elle épouse au passage son réalisateur fétiche et accessoirement propriétaire de la firme, John Hancock Collins, à peine ses dix-huit bougies soufflées. Viola et son mari sont parmi les premiers à faire fortune grâce au cinéma. Mais déjà l’ombre déploie ses ailes.


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Leur nouveau contrat les lie à ce qui deviendra plus tard la Metro-Goldwyn-Mayer.

On hésite : faut-il quitter New-York pour la Californie ?

C’est l’épidémie de grippe espagnole qui décide.


Viola part la première. John reste à New-York : il liquide leurs biens, il termine le montage du film en cours. Ils ne se reverront pas. Il meurt seul dans une chambre d’hôtel, fauché par l’épidémie.


Deux ans plus tard, Viola s’est étourdie dans le travail pour ne plus penser, ne plus souffrir. Un nouvel homme entre dans sa vie : son grand amour, l’aviateur vétéran Ormer Locklear, devenu cascadeur de l’air, immense star des meetings acrobatiques. Viola, qui n’avait connu jusque-là que les plateaux et les costumes, découvre avec cet homme le monde des fous volants, du ciel ouvert, des risques délicieux. Elle est fascinée par cet être qui défie la gravité comme elle défiait la caméra.

Viola et Ormer les fiancés tragiques
Viola et Ormer les fiancés tragiques

Un soir, elle assiste au tournage d’une de ses cascades aériennes. Une scène nocturne. Un avion. Un atterrissage spectaculaire. Le réalisateur insiste pour « une prise de plus ».La dernière.


L’avion s’écrase. Viola voit l’impact, le feu — puis ce silence absolu, définitif. Elle voit sa vie se défaire d’un seul coup. C’est la fracture invisible qui la suivra pour toujours.


Elle continue de tourner, mais son énergie s’effiloche. Le muet agonise, le parlant arrive, et elle n’a ni la voix ni l’élan pour s’y adapter. Très liée à Buster Keaton, elle disparaît avec lui et tant d’autres. Presque du jour au lendemain, elle quitte Hollywood — celui qui l’avait portée au sommet… et tué son amour. Le cinéma ne s’en rend même pas compte. Comme si les cent films qu'elle avait tournés et portés au succès n'avaient pas existé.


Elle se retire doucement, sans aigreur. Elle se marie, divorce, se remarie encore. Elle vit longtemps — ce que beaucoup d’actrices du muet n’auront jamais eu le loisir de faire — et traverse presque tout le XXᵉ siècle dans une dignité discrète, comme quelqu’un qui aurait tout donné trop tôt.


En 1956 elle surgit à la télévision, histoire de voir à quoi ça ressemble "en dedans".

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En 1975, Robert Redford prêt ses traits à Ormer Locklear dans "La Kermesse des Aigles". Viola est l'invitée d'honneur à la grande première hollywoodienne Elle viendra. Pas pour elle mais pour lui.

C'est Susan Sarandon qui l'incarne à l'écran.


Lorsqu’on retrouve Viola, très âgée, parlant encore de Locklear, son regard se voile un peu, comme si la grande lumière de sa vie était restée suspendue quelque part dans le ciel. Elle meurt à 90 ans, le 3 juillet 1987. Elle les avait fêtés six jours plus tôt. Survivante tranquille d’un âge où le cinéma n’avait pas encore de mémoire.


Viola Dana, c’est peut-être cela :une petite étoile du muet qui a aimé pour de vrai, souffert pour de vrai et qui a quitté Hollywood comme on quitte un endroit qui ne sait plus vous voir —comme elle, désormais, ne pouvait plus regarder un avion traverser le ciel.

Céline Colassin

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QUE VOIR?

1910: A Christmas Carol: Avec Mac McDermott et Shirley Mason

1913: Nursery Favorites: Avec Edna Flugrath, Shirley Mason et George Ballard

1914 : The Adventure of the Hasty Elopement: Avec Barry O’Moore

1915: The House of the Lost Court: Avec Robert Conness et Helen Strickland

1917: Threads of Fate : Avec Augustus Philips

1918: The Only Road: Avec Edythe Chapman et Monte Blue

1920: The Chorus Girl's Romance : Avec Gareth Hugues

1922: They Like 'Em Rough : Avec E.W. Lawrence

1924: Don't Doubt Your Husband: Avec Allan Forest et Winifred Bryson

1926: Bigger Than Barnum's : Avec Ralph Lewis

1929: One Splendid Hour: Avec George Periolat

1929: Two Sisters: Avec Rex Lease et Boris Karloff

1933: The Strange Case of Poison Ivy: Avec Mary Carr

 
 
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